Domus est le troisième et dernier tome d'une série écrite et dessinée par un auteur espagnol dont, avouons notre ignorance, nous savons peu de choses. Il s'appelle Sergio Garcia, il pèse 69 kilos, son chien s'appelle Rufino (merci à Dargaud pour ses dossiers de presse top-déconnants). Plus sérieusement, Garcia a commencé sa carrière en tant qu'illustrateur avant de travailler pour l'animation et le jeu vidéo. Il a signé des histoires courtes éditées chez Glénat (la série Ralph Edisson) et il réalise avec Géographie martienne sa première série BD. Commençons par une petite digression instructive : ce troisième tome de Géographie martienne est d'un format sensiblement plus grand que les deux précédents épisodes. J'ai pris ma règle d'écolier et j'ai comparé : le dessin intérieur est légèrement plus large, de 3 mm exactement. En fait, ce sont les marges blanches qui augmentent de volume. Et alors ? Et bien le problème, c'est que pour 2 cm de marge en plus, le bouquin passe de 53 FF à 83 FF soit + 30 FF. Merci pour nos portes monnaies. Merci pour ceux qui aiment la série et qui, décidés à acheter le troisième et dernier tome, se retrouvent piégés. Alors que tout le monde se plaint du prix excessif des bédés, que certains accusent ces tarifs prohibitifs d'enfermer un peu plus la bédé dans un ghetto « littérature d'initiés », on voit qu'il est possible de faire de bons albums couleur à 50 balles. Mais ça n'est manifestement plus dans la politique des éditeurs. Il y a quelque chose que je ne pige pas. Faudra un jour qu'on m'explique... Bon, revenons en à nos martiens. Cette série, par bien des aspects, est à l'opposé du sus-chroniqué Arcanes : on y suit les pérégrinations un peu molles d'Horacio et Tchang, deux jeunes gens opposés au système totalitaire mis en place par les colons implantés sur Mars. Mars, une planète où l'on ne trouve ni petits hommes verts ni pseudopodes dégoulinant, mais où s'affrontent des terriens décidés à créer un monde idéal et à donner corps à leur idéologie. Les aventures pas toujours très cohérentes d'Horacio et Tchang les mènent d'Utopia, la capitale, au Mons Olympus, une prison volcan, puis dans un désert habité par des lettrés pacifiques et de méchants brûleurs de livres encagoulés. C'est manichéen, parfois moralisateur. Mais voilà, malgré l'absence d'intensité dramatique il émane de cette série un charme naïf qui fait mouche. Le dessin, ligne claire et économie de moyens, illustre avec sensibilité une histoire poétique qui tient plus de la parabole que du space opera (On pense souvent au Petit Prince). Une bédé sincère et personnelle.
Eteyas Bifrost n°10 01/10/1998
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