Axle Munshine est désespéré et suicidaire. Il se rend sur la Planète du Jeu, Last Vega, « l'endroit le plus fou que l'on puisse imaginer, à condition d'avoir l'imagination malade » — toute ressemblance avec une certaine ville américaine est évidemment voulue. Il souhaite en finir avec la vie en jouant au « poker tueur », une variante complexe et mortelle du célèbre jeu de cartes, qui devient, sous la plume de Christian Godard, une métaphore de la vie : « Ainsi, partout, vont les choses. Le hasard vous distribue les cartes, le temps ne vous est jamais laissé de savoir comment les utiliser, et il faut jouer sans connaître toutes les règles. » Mais le premier adversaire d'Axle est un extraordinaire conteur qui échange sa propre vie contre une légende, celle de la planète Amnioth, qu'on dit creuse comme un ventre où l'on pénétrerait par une faille nommée la « vulve ». Au cœur de cette planète se situerait un autre univers où chacun est assurée de rencontrer la femme de ses rêves...
Comment Axle pourrait-il laisser passer cette mince chance de retrouver sa Chimeer ? Il embarque donc pour Amnioth, planète qu'il découvre ravagée par la « guerre des bonkes ». Les hommes y travaillent et y combattent au nom de diverses bonkes qui, en échange, leur fournissent un « compte ». Celui-ci leur permet, grâce à une carte de crédit, d'obtenir leur dose de « survisève », une drogue qui leur est devenue indispensable. Si un homme tente de résister à ce système, il subit la « clôture de compte » et la terrible « famine » que provoque le sevrage en survisève... La métaphore est aussi claire qu'astucieuse : les mystérieuses « bonkes » sont des projections de nos « banques » et le système ainsi critiqué n'est autre que notre propre société. La satire est originale et amusante, sans pesanteur inutile.
Et ce n'est là que le début de l'histoire. On y trouvera aussi une intelligence artificielle démente et mystificatrice, persuadée que la guerre est la meilleure façon de fournir un sens à la vie des humains — avec un raisonnement dont on est obligé de reconnaître qu'il se défend, hélas : « Les hommes ne sont pas faits pour la paix. Leur psychologie n'est pas conçue pour affronter un état aussi redoutable. La paix corrode leur psychisme rudimentaire qui, aussitôt, se délite et dégénère... Les voilà qui clament leur détresse, s'agitent et se désespèrent... » On y trouvera encore, au sein de la planète creuse Amnioth, d'effroyables créatures et un étrange système reproducteur basé sur le mirage d'un paradis factice qui masque un jeu d'hallucinations et de vampirisme.
Un scénario dense et très inventif, une réflexion malicieuse sur la guerre et sur le pouvoir des banques, une imagerie riche et attractive : La Guerre des bonkes est un des très bons albums de la série. C'est d'ailleurs à la fin de cet épisode que Musky se décide à choisir son sexe et à grandir : pour Axle, le petit clown se décide à devenir femme...
Pascal Patoz nooSFere 06/09/2003
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