Ce dixième volume de Marvel — Les Grandes Sagas se consacre à une mini-série des Fantastic Four écrite par Mark Waid en 2003. Généralement appréciée par les fans des FF, cette saga fut publiée en France en 2004 dans la revue Marvel Legends (à compter du N°4), puis en album de luxe sous le titre L'Appel des Ténèbres, en 2005. Ces épisodes s'articulent autour du Dr Fatalis, éternel ennemi des Fantastiques, personnage à la personnalité complexe et figurant parmi les super-vilains les plus intéressants de l'univers Marvel. Dans cette saga, Mark Waid s'attelle à déchaîner la folie du personnage, mais avec une telle volonté de choquer qu'il en oublie d'être cohérent...
Rapide résumé : Fatalis part à la recherche de son amour de jeunesse afin d'accomplir un rite lui permettant d'affronter les Fantastiques sur un plan totalement étranger à Red Richards, celui de la magie. Monarque du royaume de Latvérie, dictateur impitoyable, le Docteur Fatalis n'en reste pas moins un personnage ambigu et complexe, comme en témoigne le superbe album de Roger Stern et Mike Mignola : Dr Fatalis et Dr Strange, où les deux hommes s'allient pour sauver la mère de Fatalis des enfers. Or dans les épisodes de Mark Waid, Fatalis, un personnage pensé dès sa création comme un solitaire, dont l'isolement et la frustration conditionnent la personnalité, se remémore son adolescence à une époque où il se roulait dans les feuilles mortes en compagnie de sa petite amie... Une révision naïve de ses jeunes années en contradiction avec tout ce que nous savions de lui.
Ensuite, nous voyons Fatalis renoncer à la technologie au profit de la sorcellerie, un autre amour de jeunesse, alors que sa croyance absolue en la science constitue un autre fondement du personnage, incarnée par son armure en apparence obsolète mais en réalité hautement performante. Armure métallique ici remplacée par une armure en... peau humaine ! Cette dérive gore totalement déplacée et dérangeante en regard de l'univers des FF n'est d'ailleurs pas la seule (sans en dévoiler davantage), et contraste bizarrement avec le trait « cartoonesque » du dessin...
Ce Fatalis là se résume donc à une espèce de psychopathe capable des pires atrocités, un sorcier fricotant avec l'enfer (qu'il combattit pourtant jadis) en décalage total avec ce que nous savons de lui, principalement grâce à Dr Strange et Dr Fatalis et les Guerres Secrètes. Mark Waid s'est offert un trip incohérent et, disons-le, irrespectueux de l'atmosphère familiale et grand public des FF en l'emmenant vers une sorte d'univers à la Clive Barker, où l'homme qui s'opposa à Méphisto, à Galactus et au Beyonder (le Diable, un demi-dieu et un dieu !) en est réduit à dépecer et torturer femmes et enfants, et à envoyer des enfants en Enfer... Triste vision, en fin de compte assez puérile, d'un personnage qui mérite bien mieux.
Florent M. 16/11/2011
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