Les Malheurs de Loki s'évertue, en quelque sorte, à « réhabiliter » un super-vilain parmi les plus pathétiques du Marvel Universe : Loki, dieu de la ruse et du mensonge, et frère de Thor. Cette approche empathique et compatissante du personnage n'est pas inédite (cf. le superbe album Loki), mais s'avère toujours intéressante car elle permet d'échapper au schéma manichéen dans lequel sont souvent enfermés les méchants dans les comics.
L'histoire est contée du point de vue du petit dieu scandinave, fils d'un Géant des Tempêtes et recueilli par Odin sur le champ de bataille, après qu'il ait massacré son peuple. Loki ne fut donc jamais considéré comme un Asgardien à part entière. Souvent raillé, méprisé, conscient d'avoir été adopté par Odin simplement dans l'objectif de lui permettre d'accomplir son rôle dans la destinée du monde (le déclenchement de Ragnarok, la fin des dieux), Loki est un immortel frustré, prisonnier d'un rôle ingrat et, en fin de compte, comme nous le démontre cette superbe histoire, un enfant en manque de reconnaissance et, disons-le, d'amour (le passage où il vient en aide à un couple d'agriculteurs est, à ce titre, extrêmement pertinent).
En s'appuyant sur des contes scandinaves et en jouant sur une mise en abyme (s'agit-il vraiment du passé des dieux, si lointain qu'ils n'en ont plus souvenir ?), évacuant tout le décorum futuriste créé par Jack Kirby et Stan Lee, Aguirre-Sacasa compose une histoire plus proche que jamais du mythe nordique et moins basique que la vision manichéenne longtemps servie par Marvel (ici, Loki apparaît davantage comme une victime de dieux insouciants et cruels). Certaines scènes contiennent une charge émotionnelle saisissante, dans un style d'une sobriété exemplaire (le titre et la couverture de l'album sont, à ce titre, trompeurs) et Les Malheurs de Loki nous dévoile une nouvelle facette particulièrement intéressante d'un personnage maléfique, à l'image de classiques du genre comme Dr Strange et Dr Fatalis, Magneto ou Le Gant de l'Infini.
Florent M. 15/01/2012
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