On se souvient de Stefan Wul, qui dans les années d'avant les « sixties » a figuré une possibilité de la jeune SF française, et francophone d'alors. C'était le temps heureux où le Fleuve Noir anticipation, avec des couvertures flamboyantes, que les esthètes d'alors trouvaient d'un extrême mauvais goût, proposait un menu où Jimmy Guieu voisinait avec J.G. Vandel et n'allait pas tarder à accueillir Gilles d'Argyre. Stefan Wul avait déjà publié Niourk, sans oublierOms en série, L'orphelin de Perdide que le cinéma d'animation a adaptés sous les titres de La planète sauvage et des Maîtres du temps. Wul apportait à la production française d'alors un aspect plus lyrique, des développements d'inventions moins prévisibles, et un bonheur d'écriture qui changeait terriblement des autres proses alimentaires. Est-ce à dire que la réédition des textes de Wul s'impose ? Pour les premiers textes repris, on a pu mesurer à quel point les effets de mirage ont joué. Pour ce dernier texte, c'est moins évident. Le récit traîne, les clichés abondent et freinent l'avancée de l'intérêt. Depuis 1957, tant d'idées neuves, ou — puisque selon Stolze la SF n'a pas produit une seule idée — d'images nouvelles ont été explorées, que ce qui compte désormais c'est moins l'image de départ que son développement narratif, ses impacts émotionnels.
Disons le avec tristesse, ici Wul tire un roman de boys-scouts d'une idée intéressante : la raréfaction de l'eau, ses transformations et ce qui en découle. Barjavel avait tiré l'excellent Ravages de la disparition de l'électricité. Tel quel ce roman sent la naphtaline, malgré, de temps en temps, quelques fulgurances d'images et de rares bonheurs d'écriture noyés dans un fatras de platitudes et de déjà lu.
Nous sommes en 2157. L'humanité est parvenue à un stade avancé de la civilisation, le Sahara est devenu une oasis géante et la Méditerranée a plus ou moins été desséchée. Et soudain, un phénomène : l'eau refuse de geler, puis les glaces polaires fondent et, envahissant les Continents par le Nord et par le Sud, sont sur le point de submerger l'humanité. Mais les savants sont là qui veillent et qui découvrent que les responsables de ces malheurs sont les Torpèdes, créatures qui vivent au fond des océans et que les transformations que l'homme a fait subir au globe menacent dans leur existence. La lutte s'organise, dure, implacable. Inutile de dire que les Hommes triompheront, non sans peine, d'ailleurs.
Ce quatrième roman de l'auteur de « Niourk » m'a semblé moins réussi que les précédents – Wul a-t-il été obligé d'écrire un space-opera, alors qu'il faisait de la si bonne A.S. à l'état pur ? Néanmoins, malgré ce reproche, j'avoue que je ne me suis jamais ennuyé à la lecture de cette « Peur géante » que je recommande volontiers aux lecteurs habituels de la collection, mais en exprimant la crainte que les autres, les « sophistiqués », ne la trouvent un peu facile.
Igor B. MASLOWSKI Première parution : 1/10/1957 Fiction 47 Mise en ligne le : 16/9/2025