GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 616 Dépôt légal : septembre 2018, Achevé d'imprimer : 16 septembre 2018 Réédition Roman, 272 pages, catégorie / prix : F7b ISBN : 978-2-07-275219-3 Format : 10,8 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
Roko et Lark, l'élève et le maître, sont deux mercenaires que tout oppose : Lark est un ancien peau-épaisse, un humain génétiquement modifié pour travailler dans l’espace. Roko, quant à lui, déteste les peaux-épaisses, qu’il traque afin de revendre leurs précieuses peaux. Lorsque Lark apprend que Roko a été embauché pour exterminer son clan, il décide de tout faire pour l'en empêcher. Lequel des deux atteindra son but ?
Les peaux-épaisses est un space opera dont l'univers, riche en inventions technologiques, sert une intrigue nerveuse digne des meilleurs romans d'aventures.
Né en 1968, Laurent Genefort découvre très tôt la science-fiction. Il publie son premier roman à l'âge de vingt ans et en a écrit depuis une quarantaine, parmi lesquels la série Omale dont le dernier tome a paru en 2014 aux Éditions Denoël. Il a également soutenu une thèse sur les livres-univers dans la science-fiction.
Parue initialement au Fleuve Noir en 92, ce roman se voit lors de sa réédition chez Mnémos retouché et augmenté d'une postface — quelques pages « mode d'emploi » qui nous présentent la Panstructure, l'univers futuriste développé par Genefort tout au long de ses romans, un monde où l'individu est écrasé par les multimondiales et où les mystérieuses portes de Vangk, des artefacts extraterrestres, transportent dans la Galaxie vaisseaux et informations.
Dans la Panstructure, donc, les Peaux-Epaisses occupent une place particulière. Ils sont le résultat de manipulations génétiques destinées à créer de la main d'œuvre capable de survivre dans le vide de l'espace. Véritables nomades spatiaux, ils transitent d'un chantier à l'autre et sont considérés comme des sous-hommes justes bons à accomplir les basses besognes (« Seules deux régions protégeaient les Peaux-épaisses : le Consortium des Mines, pour raisons économiques, et le Libral, pour raisons idéologiques »). Ils sont même chassés pour leur peau, qui constitue une véritable combinaison spatiale vivante très recherchée.
Le mercenaire Roko se voit chargé d'une nouvelle mission : exterminer un clan de Peaux-épaisses, le Nomaral. Il s'entoure pour cela d'une équipe triée sur le volet, rien moins qu'un ramassis de racailles. Quant à Lark, Peau-épaisse à l'apparence chirurgicalement rendue humaine, et appartenant au clan en question, il cherche à revoir ses pairs. Il sera aidé dans sa quête par un spécialiste de cette race humaine alternative, Anson Damaril. Ainsi, les pièces sont placées, la partie peut débuter. Et voilà tout ce beau monde jeté sur les routes du cosmos. Ce qui ne manquera pas de faire des étincelles lors de leurs allées et venues sur les différents mondes de la Panstructure.
On retrouve là du bon Genefort, et même de l'excellent, tant l'aspect fouillé et novateur des détails et de l'arrière plan technologique est fidèle au rendez-vous. On sent un véritable travail de recherche (où du moins de compilation, au fil du temps, de l'état de l'art dans le domaine scientifique) et on parcourt avec jubilation les descriptions biotechnologiques (les Peaux-épaisses et leur organisme modifié), informatiques (la téléthèque galactique) ou roboiques (nano-robots tueurs). Les mondes visités, eux aussi, ne se contentent pas d'être de simples planètes rondes sans relief, mais sont des spatiocénoses aux formes les plus variées, d'où de belles trouvailles sur les modes de vies de leurs habitants. On ne peut évidemment s'empêcher d'établir un parallèle entre ces castes de Peaux-épaisses pourchassées et, à une autre époque de notre histoire, ces tribus d'indiens d'Amérique du Nord qui ont eu la malchance de se trouver sur le chemin des colons. On retrouve ici le même traitement quasi mystique du thème de la survie d'une race face à une fin inexorable. La variation réside dans le fait que la seconde race fut créée par la première, ce qui pose également d'autres questions d'éthique (d'actualité au regard du domaine sensible de la génétique).
Si l'un des leviers psychologiques est une fois de plus le rapport entre deux êtres que tout sépare (Lark et Anson), tout comme dans Le continent déchiqueté(roman paru au Fleuve Noir), le texte est ici plus fouillé et l'action incontestablement plus prenante, notamment du fait des nombreux mondes visités. Un roman distrayant et intéressant.