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Haute-École

Sylvie DENIS

Première parution : Nantes, France : L'Atalante, février 2004

Illustration de Didier GRAFFET

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne
Dépôt légal : février 2004, Achevé d'imprimer : février 2004
Première édition
Roman, 464 pages, catégorie / prix : 19,50 €
ISBN : 2-84172-263-5
Format : 14,5 x 20,0 cm
Genre : Fantasy



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Au pied des Murailles de Brume, dans le Royaume extérieur, les enfants doués de pouvoirs magiques sont enlevés à leur familles pour être éduqués à la Haute-École puis contraints de servir le Royaume et ses privilégiés.
     Les magicens encore libres se cachent dans les villages. Seule Madge Mayfield, couturière de son état, vit à la capitale où elle espionne le château avec quelques-uns de ses protégés dont le fascinant Arik Renshaw, favori de l'héritier du trône, mage le plus puissant de sa génération, ennemi viscéral d'Hérus Tork, l'homme aux yeux couleurs d'huître, qui orchestre une politique de terreur à la direction de la Haute-École.
     Intrigues de cour, magicien aux pouvoirs inouïs, résistants engagés pour un monde meilleur, tout est réuni pour que la révolte éclate. Mais Arik et Madge doivent persuader les leurs de passer à l'action...
     Haute-École est le premier roman de Sylvie Denis.
Critiques
     En dépit des résonances d'un tel titre, l'univers bâti par Sylvie Denis n'entretient qu'assez peu de rapport avec le collège magique de Harry Potter. Car dans le Royaume extérieur, tout enfant faisant la preuve d'un début d'éveil de pouvoirs magiques est immédiatement enlevé à sa famille par les Chasseurs, et envoyé à l'une des Hautes-écoles, pour filles ou pour garçons. Là, un pénible cycle éducatif se met en place, qui tient beaucoup plus du dressage que de l'université : c'est que le Royaume extérieur compte sur les énergies magiques, littéralement, pour son fonctionnement para-technologique.

     Ayant connu son équivalent d'une Révolution industrielle, le Royaume extérieur utilise les Talents de manière ultra-spécifique : tel type de mage se retrouve enchaîné à une porte de ville pour en manœuvrer les battants, tel autre actionne les métiers à tisser, ou bien contrôle des pompes. Bien entendu, il existe chez les magiciens une élite comme partout ailleurs : Hérus Tork, un petit homme nerveux et inquiétant, est parvenu à se hisser au plus haut niveau de la hiérarchie des mages, afin d'influer sur l'évolution de toute la société — mais ses buts n'ont rien d'altruistes, et peu lui chaut qu'une majorité de ses congénères magiciens peinent dans des taches abrutissantes, souvent mutilés, transformés en machines. Tork rêve au contraire de pousser toujours plus loin le machinisme du Royaume extérieur ! Il conçoit des bateaux toujours plus rapides, des métiers à tisser toujours plus « industriels »...

     Le souverain s'est longtemps opposé à ses visées les plus extrémistes, mais aujourd'hui il se meurt, et le prince héritier écoute Tork... Il prête également une oreille attentive aux propos d'Arik Renshaw, son favori, mais ce dernier s'avère bientôt être un terrible traître : un magicien renégat, dont les pouvoirs sont si puissants qu'il est toujours parvenu à cacher sa qualité de mage, au cœur même du système !

     Et il n'est pas le seul, à lutter contre le pouvoir en place et contre la montée en puissance des projets mégalomaniaques d'Hérus Tork : il existe non pas un, mais deux mouvement de résistance. L'un issu des commerçants et aristocrates les plus éclairés, l'autre d'un petit réseau de magiciens clandestins. Trois en fait, si l'on compte la résistance du Royaume intérieur, une opposition politique en passe de changer la donne quant à la guerre qui épuise les deux contrées voisines.

     Joliment complexe, la société du Royaume extérieur se trouve explorée par un assez vaste casting de personnages, pour la plupart placés du côté des différentes résistances. Si complexe, en fait, qu'on regrette presque que l'autrice ne nous ait pas livré un roman encore plus long, encore plus approfondi : la logique interne d'un tel univers semble si prégnante, si bien établie, que l'on se surprend à s'interroger sur le fonctionnement du Royaume intérieur (sans mages, quelle technologie ?), par exemple. Et puis tout de même, si préoccupée qu'elle est à agiter une population sympathique, l'on reprochera à Sylvie Denis d'avoir par trop négligé les « méchants » : après le début du roman, plus aucun chapitre n'est consacré à Hérus Tork et à la vie parmi les hauts dignitaires de la Haute-école, qui n'apparaissent donc que comme de simples noms, sans épaisseur ni réel enjeux. Idem d'ailleurs quant au prince héritier, pourtant un personnage attachant et subtil, empli d'intéressantes contradictions, mais dont on aurait aimé connaître plus en détail la vie et les sentiments. Les points de vue narratifs du roman s'avèrent trop polarisés sur un seul « camp », au détriment d'une vision plus globale, qui aurait été encore plus passionnante.

     Mais il ne s'agit pas tant là de reproches, en définitive, que du témoignage de l'agréable pouvoir de cette fiction : si puissant y est l'effet de réel que l'on en demande toujours plus ! Avançant avec une belle sûreté de démarche sur les pas d'autrices anglo-saxonnes du style de Barbara Hambly ou d'Elizabeth Lynn, Sylvie Denis démontre comment une plume francophone peut apporter son style impeccable et sa sensibilité remarquable au corpus finalement trop peu fréquenté d'une certaine « high fantasy » plus politique que guerrière, plus humaine et littéraire que « carton pâte » et jeu de rôles. Une voix subtilement différente au sein des avalanches de trilogies formatées.

Note :

Des parties de cette chronique ont été réutilisées par leur auteur dans l'article « France : les enfants d'Orphée & de Mélusine » du Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux [note de nooSFere]

André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 6/10/2004 nooSFere


     Hérus Tork est un monstre ; il sait se faire oublier et il sait se faire remarquer, si l'on en croit Mérot l'ancien. C'est le méchant de ce roman et, comme tout bon méchant qui se respecte, il a un projet démoniaque : créer une école de magie mixte où pourront (joyeusement ?) copuler les jeunes gens doués qu'il enlève aux quatre coins du royaume. Ainsi sera initiée une nouvelle génération de magiciens, au sang plus riche, aux pouvoirs plus étendus. Pour arriver à ses fins eugéniques, Hérus a besoin d'argent et d'un lieu qu'il lui sera facile de diriger. Arriviste, déterminé, cet abject individu tient plus du fonctionnaire nazi zélé que du Sauron des bacs à sable (ce qui nous change des habituels méchants de fantasy qui, réveillés après une longue cuite de dix mille ans, ont surtout envie de tout péter par l'entremise d'une armée d'orques, d'ogres, de satyres purulents, de dragons et/ou de gobelins — rayer les mentions inutiles). Du côté des gentils, on trouvera un trio de personnages fort bien campés : Madge Mayfield, une Louise Michel couturière ; Arik Renshaw, un magicien surdoué et d'une rare ambiguïté ; et Ian Bren, le Luke Skywalker des environs, le naïf surdoué de ce roman forcément initiatique. Ian, poussé par Arielle, ne pourra que se joindre à la Résistance, puisque la Force est avec lui. Faites péter les tambours de John Williams ! Un conflit se prépare, mais évidemment il ne se déroulera pas comme prévu...

     Pour son premier vrai roman (elle avait commis en son temps un « Agence Arkham » tout à fait oubliable), Sylvie Denis n'a pas choisi la facilité, loin de là. Son récit est truffé de personnages, d'intrigues, de sous-intrigues, de rivalités diverses et de romance. D'ailleurs, au début, on ne comprend rien ou presque, la faute sans doute aux chapitres trop courts qui empêchent le lecteur de s'installer dans l'intrigue. Comme dans tout premier roman, il y a des défauts. Ici, c'est le style qui manque de fluidité et évoque souvent une longue chute dans des escaliers ; ce défaut-ci, criant au début du récit, a tendance à s'estomper par la suite. Il y a aussi les influences, parfois gênantes : La Guerre des étoiles, évidemment, le cycle de Robin Hobb, « L'Assassin royal », et Shirley Jackson, m'a-t-il semblé. Tout comme chez Hobb, le monde décrit est un monde de carton-pâte, lissé et bancal, malgré de jolies descriptions ; on est loin de la brutalité décalée de « La Compagnie Noire », ou du réalisme boueux du Livre de Cendres de Mary Gentle. Dans le même ordre d'idée, Sylvie Denis semble ne pas avoir choisi si son monde était médiéval ou pré-industriel, celte ou franc... Le plus pénible restant le côté « Harlequin » de certains passages, des moments particulièrement douloureux en ce qui me concerne et qui m'ont rappelé à quel point l'Humanité se porterait mieux si Céline Dion, la Star Ac' au complet et leurs clones lobotomisés au miel sentimental étaient brûlés en place publique. « Il y a plus dangereux que l'acide : l'eau de rose. » Et Sylvie Denis serait bien inspirée de se faire tatouer ladite sentence sur le dos des mains.

     Pour ce qui est des qualités de l'ouvrage... il y a des moments réellement magiques, des personnages forts (Arik Renshaw en tête de gondole), des scènes de dialogue fort réussies et parfois de très belles descriptions. Et surtout, on ne peut que remarquer l'engagement politique réel qui transparaît au fil du récit ; Sylvie Denis raconte une révolution tout comme Emma Bull et Steven Brust dans Freedom and Necessity (le plus féérique des romans marxistes jamais écrits — une curiosité qui mériterait amplement d'être traduite). Elle écrit ses Lumières à la sauce Harry Potter, un projet original qui nous change de « Grand Méchant s'est réveillé et il n'est pas content ».

     Haute-école n'est pas un grand livre, il semble souvent avoir été accouché dans la douleur ; mais on peut juger que c'est un bon livre en mettant dans la balance son ampleur, son faux manichéisme et son engagement politique de bon aloi. En tout état de cause, c'est un premier roman tout à fait honorable et fort lisible (si on survit aux cent premières pages, qui partent un peu dans tous les sens et auraient gagné à être élaguées). Quant à Sylvie Denis, dont les lecteurs de Bifrost (re)connaissent le talent depuis belle lurette, éclairée par les feux de la longue distance, elle semble avoir enlevé son masque pour mieux apparaître en pleine lumière : romantique, gauchiste, progressiste et sensible. Voilà une auteure qui a des choses à dire, mais qui, pour le moment me semble-t-il, les dit mieux dans le cadre de la science-fiction prospective. Espérons qu'elle ne donnera pas de suite à Haute-école pour se concentrer plutôt sur un projet de science-fiction.

CID VICIOUS
Première parution : 1/7/2004 dans Bifrost 35
Mise en ligne le : 2/8/2005


     Surprise, le premier « vrai » roman de Sylvie Denis (le précédent, L'invité de verre, était davantage un livre de commande puisque publié dans la collection « Agence Arkham » de DLM, qui imposait certaines contraintes) est un texte de fantasy. Surprise, car Sylvie Denis nous avait essentiellement habitués à des nouvelles de science-fiction, dont certaines relevant de la plus pure hard science. Ceci étant dit, on ne saurait demander à un auteur de rester dans le même champ indéfiniment.
     Bien que l'on parle ici de société sous la coupe de magiciens, thème très souvent traité, le postulat de départ est assez original. D'un côté, il y a la Haute-École du titre, université dirigée de main de fer par Herus Torck, personnage ignoble rêvant d'accouplement de magiciens entre eux, comme des animaux d'élevage, afin d'arriver à la « race » plus pure qui soit (dans notre monde, inutile de rappeler qui eut le même type de fantasme). De l'autre, les hommes normaux. Et, au milieu, les magiciens indépendants, coincés entre les deux extrêmes, entre Torck — lequel veut toute la magie concentrée dans l'enceinte de l'École — et les humains sans pouvoir, qui haïssent ceux qui en sont dotés.
     L'histoire se concentre sur ces personnages intermédiaires, qui tentent de lutter pour simplement vivre leur vie, au milieu des autres, en harmonie avec leur entourage. Rien de plus. Ce roman se démarque donc de la fantasy habituelle, en ce sens que la quête de pouvoir — celui-ci corrompt quiconque en possède une parcelle — n'est pas au centre de l'intrigue. Le plus éclatant exemple en est Arik Renshaw, chef de file des contestataires, qui semble plus embarrassé que réjoui par son statut de magicien le plus puissant de cet univers.
     Autre différence avec une bonne partie de la fantasy classique, à laquelle l'apparente sa forme très classique, Haute-École est peuplé par des protagonistes éminemment humains, mais cela ne surprend pas de la part de Sylvie Denis qui a toujours très finement dessiné ses personnages. Tout ceci agrémenté d'un style très fluide, qui permet de conférer la vitalité nécessaire à cette histoire palpitante. Sans renouveler le genre (mais est-ce encore possible ?), Sylvie Denis nous invite ici à un moment de détente, marqué par un très fort attachement aux valeurs humaines, inscrivant ainsi Haute-École à la liste des titres désormais incontournables de la fantasy francophone.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/5/2004 nooSFere


     Dans le Royaume Extérieur, tous les jeunes magiciens sont « éduqués » au sein de la Haute-école, dirigée depuis peu par le sombre Hérus Tork. En réalité, cette éducation consiste surtout à brider leurs volontés et leurs pouvoirs, à les spécialiser dans un seul tour inlassablement répété qu'ils effectueront au service de l'état, à leur ôter toute liberté de choisir leur destin, bref à les asservir. Au nom de l'intérêt supérieur de la société, afin de profiter des magiciens mais aussi pour éviter la menace potentielle qu'ils constituent, des chasseurs parcourent le territoire et traquent les esprits qui trahissent des pouvoirs émergents. Pourtant, quelques enfants réussissent parfois à leur échapper, et certains envisagent même de lutter contre l'injustice de leur sort...

     Toutes les écoles de magie ne ressemblent pas à Poudlard et tous les romans de fantasy ne sont pas calqué sur Le Seigneur des anneaux. Les magiciens de Haute-école sont sans doute plus proches des Slans de van Vogt que de Harry Potter ou de Gandalf. En effet, la problématique abordée par Sylvie Denis est celle de l'asservissement de l'homme par l'homme : en l'absence de races non-humaines et de créatures fantastiques qui pourraient constituer des ennemis « naturels », l'humanité se déchire elle-même. On peut ainsi rapprocher la situation des magiciens de celle des mutants dotés de pouvoirs psi (les Slans, les X-mens...), mais aussi de celle des peuples réduit en esclavage, voire des classes ouvrières (la « mécanisation » de la magie et l'espoir d'augmenter la productivité en développant une sorte de « travail à la chaîne » est une allusion sans équivoque). Cette évocation d'une sorte de racisme est renforcée par l'un des projets d'Hérus Tork, qui souhaite accroître le nombre de ces travailleurs/esclaves par une expérience d'accouplement systématique des magiciens, rappelant évidemment le sinistre programme lebensborn des nazis.
     En parallèle, Sylvie Denis condamne la guerre stérile que se livrent les Royaumes Intérieur et Extérieur, par le biais de comploteurs pacifistes qui trouveront des alliés dans le camp des magiciens rebelles. Leur combat est une révolte contre l'oppression et pour la paix, et il ne prend donc pas la forme d'une lutte sanglante, laissant même la place au pardon et à la rédemption.

     On voit donc que ce roman nous emmène assez loin d'une partie de la fantasy où les génocides de races diverses (orcs, trolls...) semblent naturels et où les guerres sont la seule solution qui permette de résoudre tous les problèmes, de cette fantasy que certains dénoncent comme véhiculant — sans doute le plus souvent inconsciemment — des idées proches du fascisme, de cette fantasy habilement pastichée par le Rêve de fer de Spinrad.
     Pour autant, Haute-école n'est pas un virulent pamphlet politique. C'est avant tout un excellent roman d'aventures où l'on suit avec bonheur les destins parallèles d'une bonne dizaine de personnages, tous décrits avec une grande sensibilité. Là aussi, Sylvie Denis réussit à éviter d'employer les stéréotypes habituels de la fantasy : ses protagonistes sont des humains ordinaires, parfois contradictoires, parfois opportunistes, parfois détestables, mais souvent touchants et faisant preuve de compassion.

     Dans ce contexte, la troisième et dernière partie — que l'on se gardera de trop dévoiler — s'avère troublante. En effet, même si ce monde appartient essentiellement aux humains, certains « dieux » y habitent encore, alors que la plupart sont partis et que le credo officiel veut qu'ils n'aient jamais existé. Ces dieux à la nature imprécise auront un rôle à jouer, et le dénouement pourra faire l'objet de plusieurs interprétations — mais au lecteur de les découvrir...

     Haute-école est donc incontestablement un roman de fantasy hors-normes, dont le propos sera sans doute également apprécié par bon nombre de lecteurs de SF — alors que ceux qui ne jurent que par l'heroic fantasy musclée et par les batailles épiques entre le bien et les effroyables forces du chaos trouveront peut-être les personnages un peu trop subtils. Cette réussite ne surprend guère de la part d'une excellente novelliste qui s'est brillamment distinguée dans les domaines de la hard science et de la SF humaniste (comme en témoigne son récent recueil Jardins virtuels). Ce « premier » roman — qui ne l'est pas tout à fait puisqu'elle en a déjà publié un très court intitulé L'invité de verre dans la série de l'Agence Arkham — ne fait donc que confirmer un talent déjà reconnu et que l'on souhaite avoir le plaisir de lire plus souvent.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 15/3/2004 nooSFere

Prix obtenus
Julia Verlanger, [sans catégorie], 2004


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