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Rasta solitude

Philippe CURVAL

Première parution : Paris, France : Flammarion, Imagine, 2003

Illustration de KAÏN

FLAMMARION (Paris, France), coll. Imagine n° (45)
Date de parution : 19 septembre 2003
Dépôt légal : septembre 2003, Achevé d'imprimer : septembre 2003
Première édition
Recueil de nouvelles, 338 pages, catégorie / prix : 15 €
ISBN : 2-08-068417-5
Format : 12,9 x 20,0 cm
Genre : Science-Fiction

Photo de quatrième de couverture : © Pierre Ferbos.



Quatrième de couverture
Philippe Curval est l'un des inventeurs de la science-fiction en France. Écrivain, photographe plasticien, découvreur de talents, critique au Magazine littéraire, il a à son actif plus de vingt-cinq romans et une centaine de nouvelles traduits dans une douzaine de pays.
 
Dans un complexe touristique au Kenya, une force mystérieuse s'empare de l'esprit d'un vacancier pour former une entité qui s'agglomère à d'autres humains. Au même moment, sur la côte africaine, un vaisseau extraterrestre vient de s'échouer...
Lorsqu'un jeune architecte arrive à Heraklion pour vendre son projet visionnaire à des promoteurs, les héros mythologiques endormis, déjà irrités par le tourisme de masse qui ravage la Crète, se révoltent...
Tandis que la terreur informatique règne sur les cinq continents, un nain artificiel et une adolescente à peine humaine vivent des amours bizarres sur les pentes du lac Baïkal...
En onze nouvelles écrites pour la plupart au cours de voyages, et puisant leur inspiration dans l'exotisme du lieu, Philippe Curval s'interroge sur la solitude de l'étranger en terre étrangère. Il y devient au choix un extraterrestre, un « rastaquouère » à force d'éprouver la réalité comme décalée. Celle-ci prend alors, naturellement, les couleurs de la science-fiction ou du fantastique.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Science-fiction rastaquouère, pages 9 à 16, préface
2 - Une tête à soi, pages 17 à 41, nouvelle
3 - Portrait sans visage, pages 43 à 71, nouvelle
4 - Canards du doute, pages 73 à 103, nouvelle
5 - La Vie est courte, la nature hostile, et l'homme ridicule, pages 105 à 122, nouvelle
6 - Ovni soit qui mal y pense, pages 123 à 151, nouvelle
7 - Barre/Watis, pages 153 à 184, nouvelle
8 - Blanche Neige et un seul nain, pages 185 à 218, nouvelle
9 - Rastafari solitude, pages 219 à 227, nouvelle
10 - Sal Rei, pages 229 à 249, nouvelle
11 - Le Sourire du chauve, pages 251 à 291, nouvelle
12 - Dédale en pente douce, pages 293 à 331, nouvelle
Critiques
     Dans sa passionnante préface, Curval expose que le propre de la science-fiction est de présenter des univers insolites, qui provoquent l'étonnement. De là à affirmer que le lecteur de S-F est un éternel touriste, il n'y a qu'un pas, allégrement franchi, pour explorer les conséquences de ce déracinement perpétuel : absence d'implication, solitude de l'étranger de passage ou expatrié, exclusion du quotidien et perte de repères, distorsion avec son environnement. A force d'être partout sans jamais prendre part à rien, et de se déplacer toujours plus facilement, l'éternel touriste risque bien « de perdre le point de vue terrestre, de devenir un humain moins qu'humain. »

     Cette analyse est brillamment démontrée par le biais de onze nouvelles où Curval s'attache à traquer les dissonances du quotidien et les stigmates de l'exil. Tous les récits ne ressortissent pas à la science-fiction, le fantastique est tout aussi approprié pour étudier ces fractures instillant le doute. Pour parfaire l'identification, le lecteur est souvent promené sur des plages exotiques, où des chasseurs d'images, des chercheurs d'épaves et des promoteurs ambitieux connaissent des destins funestes. Mais les pérégrinations citadines sont tout aussi mortifères : le diesel y devient une maladie qu'on tente de soigner par la lecture. La perte d'identité provoque fréquemment l'amnésie ou prend des aspects monstrueux : la greffe d'une mémoire supplémentaire annihile les deux identités occupant un seul corps ; à l'inverse, un touriste se transforme en entité monstrueuse en absorbant les personnes qu'il côtoie ; ailleurs, un conférencier amnésique débarque dans un pays où les habitants arborent les traits de son visage dont il est dépossédé. Souvent sombres, ces textes se teintent d'un humour noir mêlé de cynisme : le dictateur expatrié sur une planète à dominer échoue par manque de méchanceté ; Blanche-Neige demeure avec un seul nain, une créature cybernétique qui la viole ; l'étranger poussant son exploration aux limites de l'univers s'enfonce dans le néant.

     De sa plume précise et imagée, Curval parvient à faire éprouver au lecteur les malaises du voyageur décalé avec ces récits où l'étrangeté semble être devenue la norme. Bienvenue dans la science-fiction rastaquouère !

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/1/2004 dans Bifrost 33
Mise en ligne le : 1/3/2005


     Les onze nouvelles de ce recueil ont pour thème commun la « solitude de l'étranger en terre étrangère » (préface, p.11). Philippe Curval nous propose selon ses propres termes un manifeste de la « SF rastaquouère ». La désorientation naît de l'exil de l'individu et l'amène à spéculer, à remettre en question ses certitudes, voire même la nature de la réalité. L'auteur nous invite à être les témoins de « l'éclosion de pulsions paranoïaques ou schizophrènes qui conduisent à se réfugier dans des contrées inventées » (préface, p. 12). Petite visite guidée sélective :

     Une tête à soi traite de la solitude urbaine et a pour décor un lotissement high-tech qui connut des jours meilleurs. Les premiers locataires issus de l'élite de la société ne sont qu'un lointain souvenir et les robots de surveillance n'ont plus à se mettre sous la dent que les marginaux et les habitants ayant dû rester faute de mieux. Ce sont eux, les étrangers à la recherche de leur identité dans un décor écrasant et froid. L'assimilation passera par la fusion des individus, mais est-ce vraiment la bonne solution ?

     Dans Canards du doute, le futur s'écrit sans livres et une étrange maladie se répand parmi la population qui dépérit. Et si le remède était de se remettre à lire ? Les autorités voient d'un très mauvais œil ce retour d'un média aussi subversif et tentent d'encadrer la diffusion des ouvrages en ne proposant qu'une maigre sélection en pharmacie. Mais le mal est fait et les premiers drogués de la littérature font leur apparition. Il leur faut leur dose et les ouvrages disponibles en pharmacie et remboursés par la sécurité sociale ne parviennent pas à combler leur appétit.
     S'organise alors un marché noir de la production et de la vente de nouveaux ouvrages. Terriblement sérieuse dans la thématique abordée, cette nouvelle emprunte les chemins de la parodie avec succès et n'est pas sans évoquer les meilleurs moments d'un Sheckley ou du couple Pohl/Kornbluth.

     Humour encore dans OVNI soit qui mal y pense, où des extra-terrestres enlèvent un dictateur en retraite pour qu'il prenne en charge le gouvernement d'une planète récemment conquise. Ici l'étranger est un « alien », un vrai (en passant, il est intéressant de noter qu'en anglais, le même terme sert à désigner l'extra-terrestre et l'immigré clandestin illegal alien), qui vient chercher chez nous de la main d'œuvre hautement qualifiée (le fait qu'il s'agisse d'un dictateur en dit long sur la réputation des humains chez nos voisins extra-terrestres).

     Le ton est nettement plus sérieux dans Barre/Wattis, nouvelle qui met en scène des extra-terrestres exilés sur Terre pour servir d'otages pendant que l'humanité colonise leur planète. La race extra-terrestre imaginée ici par Philippe Curval est particulièrement originale. L'espèce humaine se distingue malheureusement par son abjection, et même lorsque sur la fin, on pense avoir assisté à un sacrifice altruiste, il n'en est rien et notre nature mercantile prend le dessus. Sans doute le texte le plus pessimiste du recueil.

     Cette sélection est assez représentative d'un livre oscillant entre un humour parfois grinçant, et une certaine gravité, tour à tour fréquenté par « des entités inquiétantes, des chirurgiens déséquilibrés, des vierges perverses, des nains informatisés, des esclavagistes voraces et même des gardiens de phare cosmique » (préface, p. 16). Ne venons-nous pas de résumer ce qui fait le charme de la meilleure SF ?

Benoît DOMIS (lui écrire)
Première parution : 1/12/2003 dans Galaxies 31
Mise en ligne le : 8/12/2008


     Où le chroniqueur de l'ouvrage voit son « travail » en partie mâché par la préface du présent livre...
     En effet, « Science-fiction rastaquouère », qui ouvre ce recueil, est tout à la fois explication des textes réunis ici et description de leur genèse. Dans cette introduction, un modèle du genre car claire et justifiée, Philippe Curval y énonce sa théorie selon laquelle la science-fiction naît bien souvent d'une volonté de ne pas s'intégrer, de rester étranger à ce que l'on voit. Un touriste, qui arrive en terrain conquis, n'apporte rien ; en revanche, les personnages qui restent en marge de leur entourage, parfois jusqu'au conflit, sont riches de fractures évocatrices de situations singulières, qui basculent rapidement dans la SF ou dans le fantastique. Comme cet homme qui se réveille amnésique dans une ville inconnue où il va faire une conférence. Le manque de repères le déstabilise totalement, bien qu'il se rende compte qu'il est apparemment quelqu'un d'important. Mais il ne sait pas encore à quel point...
     A noter tout de même que cette « remise en question des certitudes » professée par l'auteur sera sans doute plus efficace pour un amateur de littérature générale ; un lecteur de science-fiction, lui, est habitué aux fractures, il en redemande même, de telle sorte qu'il sera sans doute moins déstabilisé que la moyenne par ces récits.
     Ces onze nouvelles se déroulent pour la plupart dans des endroits exotiques et dépaysants, comme cette plage où un touriste — un archétype de touriste — voit son univers se dérégler petit à petit jusqu'à la conclusion, la mort — l'effacement — du protagoniste. Ce dépaysement aide le lecteur métropolitain à s'identifier peu ou prou aux personnages de l'auteur, et donc à vivre avec eux les fractures. Mais les nouvelles se déroulant sous nos latitudes sont tout aussi dérangeantes. Le diesel y devient par exemple une maladie terrible de notre monde moderne.
     La tonalité de l'ouvrage, on le voit, est plutôt noire, mais elle est bien souvent accompagnée d'une dose de cynisme, comme dans cette relecture du mythe de Blanche-Neige, où celle-ci, une jeune fille améliorée génétiquement, se fait kidnapper par un nain cybernétique qui la viole près du lac Baïkal. Heureusement qu'il y a ces touches d'humour noir, sinon l'on ressortirait du livre avec un moral en berne.
     Des textes originaux (même si parfois un peu hermétiques) et variés, où chaque phrase est ciselée avec grâce, qui entendent étayer une théorie exposée clairement dans une préface instructive : que demander de plus ? Rasta solitude est tout simplement l'un des meilleurs recueils de ces dernières années.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 3/11/2003 nooSFere

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