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Faisons les fous

Stanislas-André STEEMAN



Les EDITIONS NOCTURNES (Bruxelles, Belgique)
Dépôt légal : 1986
Réédition
Roman, 152 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant



Critiques
 
     [Critique de trois livres :
     LE MYSTERE DE LA CASE VIDE, par Luc Dellisse.
     ENTRE LA VIE ET LA MORT, par A.-P. Duchâteau.
     FAISONS LES FOUS, par St.-A. Steeman.
     Aux Editions Nocturnes.
     note nooSFere]

     Dans le décor plutôt aride du monde éditorial belge, la naissance de Nocturnes vient de créer la surprise. Ses démiurges sont Luc Dellisse, critique protéiforme et auteur de fictions, et le célèbre André-Paul Duchâteau, scénariste du non moins illustre Ric Hochet. D'emblée, ils publient trois livres qui ont pour dynamisme de se jouer de genres ou de modes de discours trop souvent cloisonnés, en les revivifiant par la verdeur d'esprit, en les valorisant par des écritures fortes.
     Ainsi, Luc Dellisse a rassemblé une quinzaine d'interventions critiques, antérieurement parues dans différents Cahiers de la bande dessinée. Elles gravitent autour de personnalités dissemblables, de gens comme Bourgeon, Godard, Veyron, Manara ou Cauvin, ou encore Régis Franc. Mais, quelle que soit la disparité des styles et des talents, ces auteurs prennent ici un air de famille, soumis qu'ils sont au même regard investigateur. Il y a une manière Dellisse, faite de détachement serein face à ce dont il parle, et d'un sens de l'expression juste, qui ne sont pas sans rappeler la modernité, l'aisance mentale des Encyclopédistes : Se trouve aussi chez lui un goût du romanesque dans la démarche critique, corroboré par la présence de fictions courtes, insérées ça et là, qui ponctuent le propos. Se centrant sur le discours tout en ruptures de la bande dessinée, cette approche proprement littéraire renouvelle le sujet, sans que s'affadisse son mystère : la structure des cases vides demeure, qui crée le genre et préexiste aux narrations. Les généralistes liront ce livre d'un trait, tandis que d'autres, aux manies fantastiques et sciencefictionnelles, iront d'emblée à deux études sur E.-P. Jacobs, comme à une subtile décortication de l'Eternaute, scénario de Breccia pour le grand Oesterheld.
     Et puis, Duchâteau nous rappelle qu'à côté de ses activités de concepteur des trames que lui dessine Tibet, l'écriture pure (et non pas simple) l'attire aussi. Entre la vie et la mort confirme ses dons de romancier, déjà révélés par des livres tels que De 5 à 7 avec la Mort (Ed. du Rocher) ou La 139è victime (Rossel). Quoique..., s'agit-il bien ici d'un roman, dans l'acception courante d'une fiction suivie ? Non, puisque neuf des textes pourraient fort bien se lire de façon distincte, comme autant de nouvelles : Oui, car les relie entre eux le soliloque du Conseiller, pour qui chaque énigme est une réalité qui a marqué sa vie et où, peut-être, il a trempé. Insidieusement se développe, au-delà des mystères clos, un autre plus vaste, qui les expliquerait et les contiendrait tous. Cette trouvaille, qui aurait pu n'être qu'une ficelle narrative, fonctionne si bien, qu'elle fait d'un livre gigogne un véritable roman à dimensions multiples.
     Enfin. Nocturnes réédite un sombre joyau : le Faisons les fous de Stanislas-André Steeman. Introuvable depuis sa parution, en 1961, aux Editions Karolus, ce roman se démarque des énigmes rigoureuses qu'affectionnait l'auteur, telles qu'il les publiait au Masque, ou au Jury, dont il était d'ailleurs le maître d'œuvre. Dans ce cas-ci, l'enquête n'est plus que prétexte à la fantaisie la plus débridée. Toute l'intrigue, prisonnière d'un asile où peu distingue aliénistes et fous, libère une cinglante virtuosité verbale. Laquelle, effet en retour, vient commander le récit. Sous le patronage de Nietzsche, les jeux de langage règlent un chassé-croisé entre démence et raison du plus fort, qui débouche soudain sur l'épouvante, sur une surenchère de méchanceté foncière rendant pâlot plus d'un récit dit « gore ». A lire, puis à ranger difficilement entre les rayons grotesque et très noir de votre bibliothèque.
     On attend donc avec intérêt, et une certaine angoisse, les prochaines livraisons de la Maison Nocturnes. Laquelle, répétez-le, cherche des textes neufs.

Alain DARTEVELLE
Première parution : 1/10/1986 dans Fiction 379
Mise en ligne le : 14/2/2015

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