OXYMORE
, coll. Épreuves n° (2) Dépôt légal : mai 2003 Première édition Recueil de nouvelles, 288 pages, catégorie / prix : 13,80 € ISBN : 2-913939-33-3 Genre : Fantastique
Quatrième de couverture
Dans une maison obscure, durant les douze nuits les plus dangereuses de l’année, un écrivain noue avec la Mort en personne un dangereux dialogue.
L’enchantant de ses récits, à l’instar d’une moderne Schéhérazade, il lui montre son propre visage à travers le miroir de nos yeux. Nos yeux de mortels, de tombes ensevelies dans le désert à d’étranges laboratoires ; d’opéras viennois en planètes portant le nom d’antiques Enfers ; de studios d’étudiants sanguinaires aux rues gelées de New York...
Mais au travers, aussi, de l’âme trouble des hommes, de démence d’artiste en amour d’enfant, de prédation en sacrifice.
Et la Mort écoute, tandis que dehors le monde se tait...
Le temps de douze nouvelles, du Fantastique à la Science-Fiction, découvrez l’“autre voix” de la conteuse Léa Silhol, quand la “Tisseuse” ès Fantasy trempe sa plume à l’encre rouge...
1 - Assassin (Comme un Reflet dans une Eau Morte), pages 11 à 23, nouvelle 2 - Le Lied d'Intransigeance, pages 25 à 43, nouvelle 3 - Lucifer Opiomane, pages 45 à 69, nouvelle 4 - Sur la Terre comme au Ciel, pages 71 à 94, nouvelle 5 - Dialogue avec les Ombres, pages 95 à 103, nouvelle 6 - Nos Funérailles, pages 105 à 113, nouvelle 7 - L'Ordalie des Matriarches, pages 115 à 139, nouvelle 8 - Xolotl, pages 141 à 155, nouvelle 9 - Discours direct : Un Baiser de Vampire, pages 157 à 170, nouvelle 10 - Maillon d'une Ancienne Chaîne, pages 171 à 201, nouvelle 11 - Une hécate et son Chien, pages 203 à 231, nouvelle 12 - De nuit, de Glace, d'Argent, pages 233 à 243, nouvelle 13 - Fins de Siècle, pages 247 à 271, postface 14 - Biographie, pages 273 à 274, bibliographie 15 - Biobliographie, pages 275 à 280, biographie 16 - Nuancier, pages 281 à 281, index
Critiques
Après Les Contes de la tisseuse, ouvrage résolument fantasy, ce deuxième recueil de Léa Silhol regroupe la plupart de ses premières nouvelles, écrites depuis 1988 et avant le passage au nouveau millénaire, dans des versions remaniées.
Ce sont douze nouvelles, douze « nuits de cendres », chacune associée à une teinte particulière de gris (argent, acier, fumée, perle, anthracite, etc.). Outre cette unité chromatique, un fil conducteur les relient : elles sont les histoires qu'un vieil écrivain raconte à la Mort, durant « les Douze Nuits qu'a chantées Shakespeare, les nuits qui s'étendent entre la Nativité et l'Epiphanie ». Douze contes destinés à retarder l'issue fatidique, à l'image des récits de Schéhérazade, mais aussi douze conversations univoques destinées à enseigner à la Mort les paradoxes de la vie humaine.
La Mort étant le personnage pivot de ce recueil, la plupart des textes relèvent du fantastique. Assassin est ainsi une histoire très XIXe siècle de miroir et de double, de schizophrénie et de culpabilité, pour exorciser « ce fantôme qui écrit en moi ». Lucifer opiomane décrit avec une élégance raffinée la rencontre avec un diable aussi séduisant que Dorian Gray, « un diable très... humain » qui prône « l'exploration systématique du plaisir ». Dialogue avec les ombres est une courte et anecdotique exploration de ce que voient les chats dans l'invisible. Discours direct : un baiser de vampire met en scène la métamorphose spontanée d'un couple en vampires. Dans Une Hécate et son chien, on croise une antique Sibylle lassée de son immortalité et un célèbre chien, pour une descente aux enfers d'un brillant classicisme. De nuit, de glace, d'argent traite de la possibilité de distraire — de séduire — l'Ange de la mort, ce qui en fait la conclusion logique de ce recueil puisque c'est justement cette distraction de la Mort qui en fait l'unité.
On rapprochera de ces six textes fantastiques deux autres récits qui ne contiennent pas de réel élément surnaturel. L'un est proche de l'horreur et montre qu'amour et folie peuvent conduire à une mort terrifiante : Nos funérailles. L'autre relève davantage de la littérature générale mais prend la valeur d'une fable « sans une de ces morales que l'on donne aux contes d'enfants » : Le lied d'intransigeance étudie comment le caprice désespéré d'une chanteuse d'opéra vire à l'obsession destructrice.
Quatre autres textes glissent progressivement vers la science-fiction. Maillon d'une ancienne chaîne est une nouvelle à grand spectacle qui rappelle les aventures d'Indiana Jones : la découverte d'un tombeau égyptien pré-dynastique amène à reconsidérer la réalité des anciens mythes d'Horus et de Set et à y voir l'empreinte de « grands anciens ». Sur la Terre comme au Ciel narre la création d'une chimère angélique à partir d'une séquence ADN trouvée à la fois dans une grotte de Mésopotamie et sur Alpha du Centaure. L'ordalie des matriarches met en scène une jeune fille qui refuse la souffrance que lui apporte son don psi et les rites imposés par une société matriarcale autoritaire, dans un récit très sensible qui rappelle certaines œuvres de Joelle Wintrebert. Endin, Xolotl est une nouvelle astucieuse et remarquablement construite où les rapports d'une petite fille et d'un dangereux animal, un bayshu, offrent une leçon inattendue à un personnage qui l'est tout autant.
Il n'est rien que le critique puisse dire de pertinent sur ces textes que Léa Silhol n'ait écrit elle-même dans une longue mais intéressante Postface de l'auteure intitulée Fins de siècle. De prime abord, ce texte où elle présente sa vie et son œuvre peut apparaître manquer de modestie, voire virer parfois au nombrilisme prétentieux, mais cette impression s'efface à la lecture car Léa Silhol s'y montre sincère, lucide et talentueuse. Dès lors, on ne peut qu'être d'accord avec ses analyses, surtout quand elle signale que son style d'alors est « pétri de cette stylistique XIXe dont j'étais, en ces temps, saturée jusqu'aux ongles » et que « tous ces textes ont quelques choses de déliquescent, qui a beaucoup à voir avec le feeling décadentiste ».
Seuls deux textes m'ont paru peu convaincants. D'une part Discours indirect : un baiser de vampire, un texte qui malgré sa relative longueur n'apporte pas grand chose de neuf au thème et qui fait davantage penser à un exercice de style, à un « travail de tâtonnements » comme le souligne l'auteure elle-même. D'autre part, Nos funérailles où le cheminement psychologique du personnage est présenté de manière trop superficielle, trop brève sans doute, pour me paraître crédible. Hors ces deux textes — hors aussi le Maillon d'une ancienne chaîne qui constitue une exception très réussie à l'absence d'action spectaculaire dans la plupart des textes de Léa Silhol — , la voix de l'auteure est partout ailleurs chargée d'émotion, d'un désespoir intériorisé, assimilé, dominé pour créer plutôt que se pendre. Sa prose envoûtante sublime une connaissance intime et poussée des mythologies humaines.
Un talent rare, justement distingué cet année par le Prix Merlin, pour son excellent roman La Sève et le givre.