IMAGINAIRES SANS FRONTIÈRES
(Nancy, France), coll. Fantasy Dépôt légal : novembre 2002, Achevé d'imprimer : novembre 2002 Première édition Roman, 368 pages, catégorie / prix : 16 € ISBN : 2-84727-013-2 Format : 13,1 x 20,0 cm Genre : Fantasy
Rome. An 1541 après la fondation de la ville éternelle.
Symbole d'une société gangrénée de l'intérieur, la peste s'infiltre, sournoise et insoupçonnée. La splendeur de l'Empire Romain toucherait-elle à sa fin ?
L'Empereur Julius II règne. Mais c'est Eunomos, le « Père des Pères », qui domine sans pitié au nom de Mithra. Tout opposant est offert aux jeux et, dans l'arène, la plèbe acclame son héros, le gladiateur Marcellus...
Judith de Braffort, fidèle à ses Dieux et à la liberté des peuples, se dirige vers la capitale. Mais à l'ombre des catacombes, les forces du mal guettent la jeune héroïne de l'Empreinte des Dieux.
Judith n'a pas fini d'affronter les mages de Mithra et leur puissance maléfique !
Une passion pour le récit épique et les scènes de bataille, voilà pour le caractère. Une licence d'histoire et une maîtrise d'archéologie, voilà pour le sérieux. Rachel Tanner, écrivain à l'univers très personnel, ne se reconnaît aucun maître, sinon Tanith Lee pour l'histoire et David Gemmel pour les combats.
Après L'Empreinte des Dieux, unanimement salué par la critique (Le Monde, La Provence, Galaxies, Lanfeust Mag...), Rachel Tanner s'impose comme un maître de la fantasy.
1 - (non mentionné), Rome, vers 1540, pages 12 à 12, carte 2 - Introduction, pages 13 à 14, introduction 3 - Chronologie, pages 359 à 359, notes 4 - Glossaire, pages 361 à 366, lexique
Critiques
Après L'Empreinte des Dieux, ce nouveau roman uchronique de Rachel Tanner nous entraîne dans une plongée vers Rome, telle qu'elle aurait pu être au Moyen Âge si... si un certain évènement (relaté dans L'Empreinte des Dieux) s'était produit, si le mithriacisme avait supplanté le christianisme...
Le Glaive de Mithra décrit l'arrivée de Judith de Brafford, l'héroïne de L'Empreinte des Dieux, dans une Rome qui ne connaît pas encore les périls qui la menacent : une nouvelle secte mithriaste, plus sanguinaire que les classiques hérétiques-végétariens, la Peste précédée de ses rats... Judith parviendra-t-elle à sauver la Ville Éternelle de ses maux ? Le souhaite-t-elle, d'ailleurs ? Et l'empereur Justin, père d'un si mignon petit garçon, quelle marge de manœuvre lui restera-t-il entre l'influence du Père des Pères (équivalent mithriaste du Pape) et ses devoirs envers son peuple ?
Les uchronies de Rachel Tanner sont de purs moments de délice et de délire, car on sent l'auteur extrêmement bien documentée — elle a une formation d'historienne et d'archéologue. Elle se délecte et nous régale de truculentes histoires de batailles, de conflits entre humains ou entre dieux païens, d'amour ou de sorcellerie. Des jeux du Cirque aux plaisirs des Thermes, du marché aux légumes aux bordels officiels, des catacombes au Palais impérial, nous sommes conviés à une visite guidée d'un genre particulièrement vivant.
Voilà un roman attachant et bien construit, dont l'intérêt réside entre autres dans la description des personnages secondaires, et dans le fait que certains chapitres sont racontés à la première personne par Damien, un jeune paysan barbare rescapé de la Peste, et qui découvre Rome. Peut-être ce livre est-il un peu moins brillant que le premier, où l'auteur posait les bases de cet univers parallèle. En effet, L'Empreinte des Dieux foisonnait de personnages historiques ou fictionnels, humains ou divins, et leurs aventures étaient particulièrement délirantes. Néanmoins, Le glaive de Mithra laisse le lecteur dans l'attente impatiente d'un troisième roman situé dans le même univers, ou à défaut, d'un autre livre de Rachel Tanner.
Lucie CHENU Première parution : 12/3/2004 nooSFere
Avant tout sans doute, c'est un grand roman « historique », à Rome, entre jeux du cirque, bas-fonds de Subure, marchés, palais impérial, catacombes et même, brièvement, égoûts. On s'y aime, on s'y déteste, on y fait de la politique, c'est-à-dire qu'on compose avec le réel, on s'y étripe, et on meurt crâne défoncé ou carcasse épuisée par la peste. Et le lecteur ne cesse d'être tenu en haleine. Et lorsque l'auteur paie son tribut à ses études d'histoire et d'archéologie, il n'y a rien de platement scolaire dans ses fiches — qui concernent entre autres les graffitis obscènes.
De plus, c'est une Rome uchronique, sans christianisme, où le culte de Mithra a triomphé, a son pape, persécute cruellement ses hérétiques, et tente de peser sur le pouvoir civil. Une Rome dont un vassal, un certain Charles, s'est taillé son royaume du côté d'Aix-la-Chapelle — dans notre monde, on approcherait de l'an 800. Une Rome, pourtant, qui bénéficie d'un empereur et d'administrateurs efficaces, avec une esquisse de méritocratie, même si elle pressure ses provinces pour financer l'armée contre les barbares.
C'est aussi — évidemment — une Rome de fantasy. L'héroïne est sorcière, et malgré la malignité de l'Église officielle, son adversaire principal est une force qui menace l'humanité entière. Et après maints coups de glaives, étripages, passages secrets et conflits très humains, l'affrontement final, préparé par des escarmouches, doit tout à la magie.
Enfin, last but not least, ce roman bénéficie d'une voix, d'une écriture, d'une inspiration. Il serait facile de se référer à quelque spécificité féminine, quitte à souligner, dans un a contrario supposé, le goût pour les combats, la violence des affrontements, la crudité énergique du vocabulaire, fort bien venue au moins dans les dialogues, voire le fait que lorsqu'un personnage est aussi narrateur, c'est un homme. N'empêche. À côté de la cervelle parfois répandue, des horions et des rats voraces, on découvre une immense attention aux gens. Aux femmes, aux enfants en particulier. Sans mièvrerie ni moralisme, comme en fait foi le splendide portrait des deux concubines d'un patricien. Sans misérabilisme non plus, mais avec réalisme quant à la misère et l'injustice, à la douleur et aux blessures, ou à l'exploitation, y compris sexuelle, y compris celle des enfants, ceci avec une authentique sensibilité, de celles qui font cogner fort, et droit à l'estomac. Et avec, en fait, une attention constante aux choses et aux gens, et une volonté de parler du passé non tel que le mythifient les adeptes du « bon vieux temps » mais tel qu'on peut le connaître, quitte, à partir de là, à le modifier et à le rêver, mais dans ses dégueulasseries et son humanité mêlées.
Autant dire, d'abord, qu'on passera aisément sur de rares scories ou un paragraphe bégayé, qu'on lira avec passion. Autant dire aussi que, bien que cela ne soit pas nécessaire au récit qui fonctionne par lui-même, ceux qui n'ont pas acheté le premier roman de Rachel Tanner, L'Empreinte des Dieux, auront fort envie de se le procurer. Malgré sa couverture — celle du présent volume, par ailleurs, est due à Caza ; dire qu'elle est très réussie relève donc du pléonasme. Un dernier mot s'imposerait, mais le critique ne sait pas quel est l'équivalent de Hosanna chez les adeptes du culte de Mithra.