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La Face perdue de la Lune

Benjamin LEGRAND

Première parution : Paris, France : Flammarion, Imagine, octobre 2001

Illustration de KAÏN

FLAMMARION (Paris, France), coll. Imagine n° (29)
Dépôt légal : octobre 2001
Première édition
Roman, 336 pages, catégorie / prix : 14,5 €
ISBN : 2-08-068071-4
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Benjamin Legrand vient du cinéma, où il a travaillé comme assistant réalisateur et scénariste. Traducteur (notamment de Tom Wolfe), scénariste de plusieurs bandes dessinées (avec Tardi, Rochette... ) et séries télévisées, il possède un sens du récit qui devait le conduire au roman. Il en a déjà deux à son actif dans le domaine du fantastique et de la S.-F. : La mécanique des ombres (prix du jury littéraire Gérardmer-Fantastic'Arts 1996) et Avril et des poussières (Denoël).

     À la fin de ce XXIe siècle marqué par l'injustice économique, le fanatisme et la violence, s'ouvre l'espoir d'une Renaissance. Les nouvelles forces politiques mondiales réunissant scientifiques et religieux sous la bannière d'une Nouvelle Éthique de l'Être ont entamé le nettoyage de la vaste poubelle qu'est devenue la Terre.
     Pour cela elles ont créé le corps des Dumpmen, spationautes-pompiers-éboueurs chargés de transporter et de stocker sur la Lune tout ce que nous avons engendré comme poisons, armes, virus et déchets divers.
     Mais la période de paix vers laquelle se dirige l'espèce humaine n'est pas du goût de tout le monde, et les manoeuvres d'une mystérieuse puissance vont donner naissance à une entité monstrueuse, une force destructrice issue du mélange de toutes les horreurs enfouies dans le sol lunaire.
     Pour l'élite des Dumpmen, qu'ont rejoints deux prêtres enquêteurs et une jeune télépathe, le cauchemar commence...
Critiques
     Un peu plus de 300 pages menées à 300 km/h, voilà comment résumer ce roman. Aucun doute possible : le savoir faire de scénariste, tant pour la bande dessinée que pour la télévision, de Benjamin Legrand, se fait nettement sentir à travers cette troisième incursion de l'auteur dans le domaine romanesque.

     La Lune est devenue, depuis qu'une forme de « Renaissance » sociale et politique sous l'égide de la religion est née sur Terre, un satellite-poubelle où se trouvent rassemblées sous haute surveillance toutes les armes jamais inventées par l'homme. Armes chimiques, nucléaires, bactériologiques... rien n'y manque. Ces armes sont récupérées sur Terre par les « Diggers », puis convoyées, stockées et surveillées par le corps d'élite de ces éboueurs de l'espace, les « Dumpmen ». Teren vient d'obtenir son entrée dans ce corps prestigieux. Juste au moment où quelque chose se détraque dans une des cavernes de la zone Trixie 3 et, coïncidence, alors que deux prêtres-enquêteurs de la N.E.E, sorte de puissance politico-religieuse qui règne sur l'ensemble de la Terre, arrivent sur la Lune accompagnés d'une jeune médium afin d'éclaircir une affaire de trahison potentielle en haut lieu lunaire. Et c'est alors qu'une chose noire sort de ladite caverne de Trixie 3 et sème la pagaille la plus totale parmi les intelligences artificielles et biologiques dans un seul but : détruire, selon la philosophie qui avait présidé à la construction de toutes les armes ici stockées.

     Dans une course folle, digne des meilleurs films-catastrophe, les humains, coupés de tout contact avec la planète Terre, luttent contre une « chose », une « présence », simple ombre noire qui plane, image vivante de la Grande Faucheuse, la Mort, le Léviathan, l'Apocalypse, l'Holocauste final de l'Humanité. Au fil du récit se dévoilent les ambitions dictatoriales d'un des membres du triumvirat terrien, au nom transparent de Floda Reltih, clone d'un allemand mort il y a bien longtemps, et qui envisage un règne de mille ans... Naît aussi un très belle relation amoureuse entre la jeune médium et l'entité maléfique, qui, ayant d'abord le pouvoir de prendre possession des humains, se laisse tenter par les avantages de leur conditions, en particulier lorsque le problème de l'amour est en jeu. Et le tour de force, c'est que tout cela se fait sans que de longues tartines sentimentales viennent entraver la marche forcée vers le dénouement. Jusqu'à une fin du texte qui, loin de verser dans le « happy end », laisse au lecteur de quoi réfléchir...

     On sent dans ce texte le souffle du space op' un peu à l'ancienne, sans que cela soit le moins du monde péjoratif. Legrand ne se perd pas dans les considérations métaphysiques qui émaillent un roman comme Mars blanche de Brian Aldiss, alors que, si l'on y regarde de près, la situation initiale est la même : une planète (ou un satellite) qui devient dépotoir et se trouve subitement coupé de la Terre. Là où Aldiss en fait une défense de l'Utopie, de la préservation d'un monde, Legrand choisit la voie de l'action pure et dure. Évidemment, la portée philosophique est bien différente, mais c'est, il faut le reconnaître, nettement plus lisible. Par ailleurs, l'insistance répétée sur la « défonce » perpétuelle des Dumpmen et leur langage particulier, extrêmement grossier, apporte, discrètement mais sensiblement, au lecteur un moyen de réfléchir à ce que peut susciter l'isolement d'un ensemble d'humains sur une planète, d'ailleurs de façon plus lucide que dans le roman d'Aldiss. Il convient par ailleurs de préciser que Legrand parvient à expliquer un monde, son passé et son avenir, dans une action qui se déroule en approximativement deux ou trois jours. Et si on tient compte du fait que les protagonistes ne dorment pas pendant cette période, on se rapproche ici d'une des règles de la Tragédie : une seule journée pour l'action. L'unité de lieu, elle aussi, est maintenue : seule la Lune compte. Même chose pour l'unité d'action : une seule lutte, contre une entité noire qui ressemble fort au destin antique. On frôle la tragédie moderne, en quelque sorte, constat qu'on ne peut faire de n'importe quel ouvrage venu — suivez mon regard...

     En bref, voici une œuvre attachante et forte qui se lit avec plaisir — pour peu qu'on ne s'offusque pas en matière d'insanités. Legrand apporte, sous couvert de littérature populaire, autant de réflexions sur le monde contemporain que beaucoup d'autres auteurs actuels réputés « intellos ». Et s'il choisit la voie du roman d'aventures S-F, on ne peut que s'en féliciter, tant pour nous, lecteurs, que pour le genre en lui-même.

Sylvie BURIGANA
Première parution : 1/4/2002 dans Bifrost 26
Mise en ligne le : 10/9/2003


     Fin du XXIe siècle. La donne géopolitique s'est considérablement modifiée durant les cent dernières années. Désormais les gouvernements mêlent religieux et scientifiques dans une même vision du monde : celle de la Nouvelle Ethique de l'Etre, vaste organisation dont l'un des buts est de nettoyer la planète. Pour cela, quoi de plus pratique, en guise de poubelle, qu'un satellite peu éloigné, et vierge de toute habitation ? C'est donc la Lune qui va servir de dépotoir. Pour ce faire, on a créé le corps des Dumpmen, éboueurs de l'espace dont la seule occupation est de convoyer les matières nuisibles sur les Lunes, puis de les y enfouir. Teren Fédor est un aspirant dumpman, un utopiste pour qui ce métier représente l'idéal en matière de responsabilisation et d'éthique. Il va rapidement relativiser l'intérêt d'un tel travail, mais n'aura de toute façon que peu de temps pour réfléchir : à peine est-il arrivé que tous les travailleurs lunaires sont confrontés à la pire menace qui ait jamais pesé sur notre satellite naturel.
     Avec La face perdue de la Lune (troisième roman de SF et de fantastique publié par cet auteur après La mécanique des ombres et Avril et des poussières), on entre de plain-pied dans le thriller. Dès le prologue, des dumpmen meurent tués par une entité étrange. A peine a-t-on eu le temps de souffler et de faire connaissance avec l'enquêteur que celui-ci est à son tour assassiné. De telle sorte que la situation, au bout de quelques pages, est déjà mal engagée. Et cela ne va pas s'arranger... On est dans le registre du roman à poigne, efficace, bien souvent linéaire et généralement caractérisé par des personnages sans épaisseur. Pour le bonheur du lecteur, ce n'est pas le cas ici. L'intrigue, tout d'abord, est rondement menée, éclatée entre les différents protagonistes. Ce roman est ouvertement un hommage à « La chose d'un autre monde » de John W. Campbell (popularisé au cinéma par les films de Howard Hawks et John Carpenter) : même huis clos de plus en plus suffocant (la Lune remplaçant ici la banquise), même menace implacable et étrangère, mêmes personnages durs à cuire, et, page 234, l'aveu implicite lorsque la « présence » déclare : « Ils m'appellent “ the thing ” [...] ou “ la chose ”. Efficace, ce roman l'est enfin par sa progression, aux rebondissements savamment orchestrés, et son aspect très visuel, très cinématographique.
     L'autre bonne surprise, ce sont les personnages : tous ont de l'épaisseur. Les dumpmen, par exemple, combattent le stress et la solitude par leurs écarts de langage (les insultes sexuelles et scatologiques fusent) et leur dépendance à une drogue qui leur permet de rester éveillés longtemps. Puis frère McIntosh, brutalement plongé au cœur de l'enquête à la mort de son supérieur, et ses rapports avec Dandella, la médium capable de revivre les derniers instants de la vie des morts, sont des plus finement décrits. Emerge encore du lot le commandant Al Shaabi, montagne de granit pourtant plus humaine qu'il n'y paraît.
     En résumé, on a affaire ici à un roman particulièrement bien enlevé, thriller droit dans ses bottes qui, s'il ne renouvelle pas le genre, ajoute néanmoins un nouveau nom à la liste des auteurs dont on attend avec impatience le prochain roman.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 7/1/2002 nooSFere

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