Dès le premier chapitre, Sadoul réunit – dans un transfert qui les arrache instantanément à leur monde habituel – quatre personnages plutôt inattendus dans un roman de fantasy puisqu'il s'agit de quelques-uns de nos contemporains : une coiffeuse simplette, une actrice japonaise, un vieux professeur et un grand chasseur sénégalais. S'y ajoute une nymphe, un être-énergie de nature démoniaque, trompeusement incarnée dans le corps d'une belle jeune femme.
L'argument est simple, on ne peut plus épuré : nos héros malgré eux sont sommés de combattre la Noirceur – le mal absolu annoncé par une antique prophétie – qui essaye d'anéantir l'univers tous les 3000 ans (impossible alors de ne pas se remémorer la trame du Cinquième élément).
Une intrigue archétypale, voire caricaturale, dans laquelle sont jetés des personnages décalés : ces ingrédients semblent destinés à une parodie, et le début est d'ailleurs assez amusant. Hélas, l'auteur semble ensuite hésiter sur le ton à adopter, pour devenir sérieux, trop sérieux car l'humour initial nous gêne déjà pour adhérer à ce revirement...
De plus, le décalage perd vite de sa saveur car les personnages qui composent ce quatuor n'acquièrent aucune consistance, au point que plusieurs rôles secondaires leur volent la vedette. La seule qui conserve une certaine épaisseur est l'actrice, mais uniquement parce qu'elle s'oppose à la nymphe, qui est la véritable héroïne du roman.
Cet être énergétique, enfermé dans un corps humain qui ne reflète en rien sa véritable nature, est en effet un beau personnage. Embarquée contre son gré dans cette aventure, elle est totalement indifférente à l'issue d'une quête qui ne la concerne pas. Mais comme elle est douée d'un formidable pouvoir destructeur, sa participation est cependant indispensable à la réussite de l'entreprise.
On pourra d'ailleurs regretter que – de façon toutefois logique – elle s'humanise peu à peu, perdant ainsi ce qui fait son originalité et son intérêt.
Suit alors une quête classique qui se déroule à la fois dans l'espace et le temps, avec une succession de péripéties où prédominent des scènes violentes, tels que viols, émasculations, meurtres ou tortures... Cette brutalité surprend, car d'un réalisme inhabituel dans un genre où les combats sont habituellement traités sur un mode épique. La surprise fait cependant place à une certaine lassitude devant le caractère répétitif de ces scènes.
Au bout du voyage, nous obtenons un roman de quête qui semble vouloir détourner les conventions du genre pour finalement s'y abandonner : pas assez drôle pour être parodique, trop décalé pour que l'on se prenne au jeu du récit, avec des personnages trop pâles pour qu'on s'identifie à eux... Le lecteur demeure distant, souvent intrigué ou intéressé, mais jamais vraiment convaincu.
Ainsi, ce roman ne laissera pas un souvenir durable, même s'il se lit sans déplaisir.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 10/9/2000 nooSFere