Yougoslavie, fin des années cinquante. Dans un petit port de l’Adriatique, Anton et Jak, dix et onze ans, assouvissent leurs rêves de piraterie en volant des bijoux, de l’argent et des instruments de navigation sur les bateaux qu’ils astiquent pendant le jour – tout un butin qu’ils entreposent dans une cave laissée à l’abandon.
Alors qu’ils doivent cesser leurs cambriolages, car pêcheurs et miliciens recherchent activement les voleurs du port, les deux garçons font la connaissance d’un ivrogne. En échange d’alcool, le vieil homme leur raconte l’épopée du Pirate Sans Nom, un forban hors du commun qui aurait disparu sans laisser de trace, tout en emportant avec lui son trésor, le plus fabuleux de l’histoire de la piraterie.
Pour Anton, ce qui n’est sans doute qu’une légende va devenir sa principale raison de vivre. Devenu un pirate des temps modernes, un pilleur d'épaves, sa quête le mènera aux quatre coins de la planète, et il découvrira que derrière l’énigme du Pirate Sans Nom s’en cache une autre, bien plus ancienne, celle du Vaisseau ardent...
De l’Égypte prépharaonique à l’Amérique contemporaine, en passant par l’âge d’or des Caraïbes et les glaces du Groenland, Le Vaisseau ardent nous embarque pour la plus grande chasse au trésor jamais contée. Mais quelle est la nature réelle du trésor ?
Critiques
Seul dans son bureau, à la veille de partir enfin pour l'unique voyage qui ait jamais compté à ses yeux, le commandant Petrack, aventurier et chasseur de trésors, se remémore les quelques nuits qui ont donné sens à son existence, à la fin des années 50, dans le petit port yougoslave qui l'a vu naître. Alors âgé d'une dizaine d'années, fasciné par la piraterie et l'aventure maritime, au point de s'improviser voleur pour en goûter les premiers frissons, il fait la connaissance de l'Ivrogne, singulier personnage qui entreprend de lui raconter sa vie au rythme des bouteilles de rhum frelaté que le jeune garçon lui apporte. La vie d'un personnage haut en couleurs, historien excentrique, jouisseur et aventurier malgré lui... Une vie tout entière consacrée à retrouver la trace du Pirate Sans Nom : un flibustier d'exception qui, après avoir des années durant écumé les Caraïbes et amassé un trésor inégalé, aurait disparu sans laisser dans l'Histoire autre chose qu'une absence, une marque en creux...
Fasciné par le destin de ce héros oublié et par la perspective d'un authentique trésor, tiraillé entre le doute et l'envie de croire à la légende, Anton consigne nuit après nuit les divagations de son curieux compagnon. Le doute finira par l'emporter, d'autant plus facilement qu'au fil de l'histoire s'entremêlent des allusions de plus en plus appuyées à une nef mystérieuse, consumée sans dommage par un perpétuel incendie.
Ce n'est que cinquante ans plus tard, à l'occasion d'une rencontre avec une jeune femme dont les recherches accréditent les propos de l'Ivrogne, que le commandant Petrack balaiera ses doutes pour se lancer enfin à la recherche du véritable trésor du Pirate Sans Nom : la légende du vaisseau ardent, qui prend racine dans la nuit des temps...
La perspective de plonger dans un roman de 1300 pages, a fortiori d'un auteur inconnu, peut avoir quelque chose de rebutant. Dès les premières lignes cependant, la plume de Jean-Claude Marguerite convainc et enchante. Le style est limpide, la langue riche et belle impose en quelques pages un grand conteur : le voyage sera forcément inoubliable. Imaginez-vous avoir douze ans, dévorant L'Ile au trésor avec la candeur et la fascination exclusive de l'enfance...
Si nombre de grands récits d'aventures maritimes trouvent un écho dans les tribulations de l'Ivrogne, le roman de Stevenson s'impose facilement comme la réminiscence la plus marquante. L'auteur comme son personnage prennent toutefois soin de privilégier le réalisme historique, loin du cliché romanesque du pirate sans entraves accumulant un fabuleux trésor : nuit après nuit, au fil du récit de sa quête du Pirate Sans Nom, l'Ivrogne inflige à Anton les désillusions, les certitudes et les doutes qui, tout autant que ses rêves, façonneront le commandant Petrack. L'enfance vécue, perdue ou retrouvée, s'installe au cœur du roman, creuset où se forge le sens que chacun donne au mot « trésor » — le sens que chacun donne à sa vie.
De Long John Silver à Peter Pan, des mystères de l'Egypte aux rudes légendes nordiques, de la fontaine de jouvence au déluge, l'auteur puise aux mythes qui colorent notre imagination comme à ceux qui fondent les civilisations pour explorer les grèves brumeuses où se mêlent mythologies et Histoire. Au gré d'une construction éclatée qui ne laisse rien au hasard ou à l'approximation, de nombreuses voix s'expriment et témoignages, souvenirs, introspections, mémoires, légendes s'entremêlent inextricablement. A l'exaltation de la grande aventure vient s'ajouter la fascination pour le puzzle mis en place par Jean-Claude Marguerite, véritable sfumato de narrations sans cesse remodelées et magnifiées par la mémoire, intime ou collective, rappelant ainsi que l'Histoire est éminemment subjective : l'essentiel lui échappe pour trouver refuge au cœur des mythes, de « l'autre côté des choses ».
Au terme d'un voyage qui, dans l'espace et dans le temps, aura mené son lecteur des sables de l'Egypte prépharaonique aux glaces menacées du Groenland, le Vaisseau ardent s'impose comme une superbe réussite. Un grand roman, exigeant et captivant, une de ces œuvres qui se voient offrir une place de choix dans les bibliothèques, inoubliables pour la simple raison qu'après leur lecture, quelque chose d'indéfinissable a changé dans le regard qu'on porte sur le monde. A découvrir, lire... et relire de toute urgence.
Dans un petit port de pêche de l'Adriatique, dans une Yougoslavie dirigée par Tito, Anton et Jak sont deux gamins joueurs et rêveurs. Comme beaucoup d'enfants de leur âge, ils rêvent de défis et d'épopées. Pour Anton, l'aventure passe par les pirates. Il les connaît par cœur, admire leur liberté et envie leur existence. À un point tel qu'il deviendra un pirate des temps modernes, le Sherlock Holmes des Mers. Cette admiration, il la doit notamment à l'Ivrogne, prétendument ancien étudiant en histoire de la piraterie, aventurier et découvreur de Trésors. Les chroniques qu'il raconte au narrateur et à son ami portent sur un mystérieux flibustier dont l'Histoire n'aurait retenu ni le nom ni les très importantes péripéties : le Pirate Sans Nom. Autour de ces récits, l'homme évoque également une île inconnue et un tout aussi énigmatique bateau en feu : le Vaisseau Ardent. Voilà de quoi attiser l'imagination déjà féconde des deux jeunes garçons. Oui, mais si ce n'étaient pas de simples fables. Voilà ce que pense le Commandant Petrack, version adulte et sceptique d'Anton, qui part à la recherche de ce trésor après une existence passée à douter de son authenticité.
Le roman se développe en près de 1300 pages parce que Jean-Claude Marguerite a voulu créer une intrigue totalement cohérente et complète. Le Vaisseau Ardent comporte ainsi plusieurs récits imbriqués les uns dans les autres : les souvenirs du Commandant tout d'abord, puis les histoires de l'Ivrogne, constituées notamment par la description de ses études et ses péripéties dans les Caraïbes, ou encore par une partie de la vie du Pirate Sans Nom. Ces nombreuses digressions parlent du souffle de l'aventure, des rêves de gamins et des légendes anciennes. De la Fontaine de Jouvence à l'Arche de Noé en passant par une imitation du « Neverland » de Peter Pan, l'auteur met en avant les mythes qui façonnent notre imagination. Au final, cela donne un texte extrêmement documenté, fourni et cohérent. Le tout porté par une langue très facile d'accès, belle et enivrante. Pour son premier roman, l'auteur a voulu bien faire, peut-être trop justement.
En effet, cette multiplication d'histoires, de dialogues et d'aventures nuit aussi à l'œuvre. Ce n'est pas que les digressions soient ennuyeuses ou inintéressantes, mais qu'au contraire le lecteur s'impatiente devant l'occasionnelle lenteur des conversations et autres pourparlers initiant chacune de ces aventures. Le texte parle souvent de péripéties, mais n'en développe pas assez. Seule la deuxième partie du roman, et surtout son achèvement, accélère le rythme de l'ouvrage et les implications pour les personnages. Ces derniers sont la plupart du temps aussi passifs que le lecteur, auditeurs comme lui d'une histoire passée. Cela empêche donc une imprégnation dans leur devenir et l'apparition d'une empathie envers eux. De même la surabondance d'indices relatifs à l'authentique jeu de piste qui se crée à la recherche du Vaisseau Ardent, offre peut-être un approfondissement de l'intrigue, mais en réduit du même coup la réactivité à cause d'une impression de piétinement. Ainsi, il manque à cette épopée le souffle nécessaire pour atteindre un véritable sense of wonder.
Cependant, lorsque la dernière page est tournée, on découvre une conclusion assez forte, totalement juste qui permet à toutes les pièces du puzzle de prendre leurs places. Les quelques défauts, et principalement les longueurs du récit, sont oubliés devant la maîtrise par l'auteur du scénario et de la plume. Jean-Claude Marguerite réussit quand même le défi de nous entraîner dans la lecture d'un pavé qui reste étonnamment fluide et rapide. En effet, les longueurs constatées sont à relativiser aux vues du nombre de pages lues. Ce qui n'empêche pas d'estimer que le livre aurait été meilleur si l'écrivain en avait réduit la taille. On y aurait certes perdu en profondeur, mais gagné en rythme et en émotion.
Anton, jeune yougoslave vivant dans un port de pêche de l’après-guerre, se lie avec un ivrogne débarqué d’un yacht occidental, ancien universitaire spécialiste de la piraterie caribéenne. Ce clochard, en échange d’un rhum infect, lui raconte une histoire fabuleuse : un pirate inconnu aurait abordé puis naufragé de nombreux bateaux et amassé un trésor gigantesque caché dans une ile déserte.
De ce pirate, on ne connaît ni le nom, ni le destin, ni la fin, mais juste un récit de jeunesse et une relation avec un étrange vaisseau. C’est suffisamment de mystères pour Anton, qui, immigré aux Etats-Unis et devenu le commandant Petrack, célèbre aventurier des mers, se relance dans sa chasse après une rencontre avec une jeune fille dont la famille poursuit les mêmes recherches depuis plusieurs générations.
18 ans de préparation, plusieurs années d’écriture, 1280 pages et 1,6 kg en main, il est bien difficile de résumer une œuvre si monumentale. Si le roman possède une ligne directrice forte, il aime prendre un cours sinueux, à la fois dans l’espace, dans le temps et dans la forme de la narration. Entre l’adolescence d’Anton et sa dernière aventure, l’auteur va nous entrainer dans un grand nombre de lieux et d’époques, pour des récits secondaires qui auraient pu constituer des novellas ou des romans à eux seuls. La jeunesse du pirate sans nom, véritable récit initiatique d’un enfant chef de bandes, la légende nomade, pastiche biblique des errances physiques et morales d’une tribu perdue, ou le fléau des mers, pièce de théâtre en plusieurs scènes située sur un drakkar, sont autant de morceaux d’un puzzle qui s’assemble lentement dans la tête du lecteur. Les liens entre les différentes parties, ténus et multiples, nécessitent une lecture attentive de l’œuvre (je n’ose en recommander plusieurs ... ) pour ne pas rater l’intérêt de certaines parties, lecture attentive aidée par un style impeccable, riche sans être précieux. Ajoutons à cela les réécritures de mythes religieux (l’arche de Noé) ou païens (la fontaine de jouvence) apparaissant sous diverses formes au gré du roman, et l’on comprendra la richesse du livre et son volume conséquent.
Bien sur, on pourra trouver trop longue telle ou telle partie, penser qu’une pièce n’apporte pas suffisamment à l’intrigue, mais rien n'est gratuit, et Jean-Claude Marguerite sait, en changeant brutalement de lieu et d’époque, relancer la machine grâce à des passages mystérieux et des scènes haletantes. Lorsque l’histoire bascule franchement dans le fantastique au bout d’un millier de pages (tout de même !) et rassemble les éléments dispersés tout au long du récit, le lecteur ne peut que tirer son chapeau à l’auteur qui a su le mener jusqu’à un huis clos final déroutant.
Les pirates sont décidément à l’honneur : si 2009 a été marqué par le déchronologue de Stéphane Beauverger, 2010 pourrait être l’année du Vaisseau Ardent ; deux romans radicalement différents et tout aussi réussis renouvelant la mythologie du récit d’aventure maritime.