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Sans âme

Gail CARRIGER

Titre original : Soulless, 2009
Première parution : New York, USA : Little, Brown, 2009
Cycle : Le Protectorat de l'Ombrelle vol. 1 

Traduction de Sylvie DENIS
Illustration de Stefan HILDEN

LIVRE DE POCHE (Paris, France), coll. Orbit n° 32557
Dépôt légal : avril 2012, Achevé d'imprimer : mars 2012
Roman, 432 pages, catégorie / prix : 7,10 €
ISBN : 978-2-253-13488-6
Format : 11,0 x 17,8 cm
Genre : Fantasy



Quatrième de couverture
     Miss Alexia Tarabotti doit composer avec quelques contraintes sociales. Primo, elle n'a pas d'âme. Deuxio, elle est toujours célibataire. Tertio, elle vient de se faire grossièrement attaquer par un vampire qui ne lui avait même pas été présenté ! Que faire ? Rien de bien, apparemment, car Alexia tue accidentellement le vampire. Lord Maccon — beau et compliqué, écossais et loup-garou — est envoyé par la reine Victoria pour démêler l'affaire.
     Des vampires indésirables s'en mêlent, d'autres disparaissent, et tout le monde pense qu'Alexia est responsable. Mais que se trame-t-il réellement dans la bonne société londonienne ?
 
     « Tout simplement brillant »
Publishers Weekly.
 
     « Un ravissement »
New York Times.
 
     Madame Carriger réside dans les colonies et exige que son thé soit importé directement de Londres. Empruntant aussi bien à Jane Austen qu'à Charlaine Harris, la série du Protectorat de l'ombrelle connaït autre-Atlantique un immense succès.
Critiques
     C'est bien connu, la bit-lit est une littérature quelque peu « fourre-tout » où les codes de divers genres peuvent s'inviter avec plus ou moins de réussite. Quiconque a lu Patricia Briggs, Yasmine Gelenorn, Kelley Amstrong, Jeaniene Frost ou encore Richelle Mead sait que ce courant n'est pas sectaire, mais malgré cette variété déjà grande, il reste heureusement toujours de la place pour de la nouveauté. Les amateurs francophones accueilleront ainsi avec ravissement Gail Carriger sur leurs étagères.

     Cette auteure a en effet la bonne idée d'intégrer à son œuvre l'imagerie du courant Steampunk. Elle nous plonge à l'ère victorienne, plus particulièrement vers la seconde moitié du 19e siècle, une époque qui voit apparaître la révolution industrielle et de grandes innovations dans tous les domaines. Malgré ce terrain fertile en idées nouvelles, les femmes y restent enfermées dans les carcans entretenus par la bonne société anglaise. Alexia Tarabotti appartient à celle-ci mais, en plus d'être une vieille fille aux aspirations libertaires — pensez donc, vingt-six ans et sans regret de ne pas être encore mariée — , la demoiselle a le mauvais goût d'être sans âme et surtout à moitié Italienne. Shocking, isn't it ?
     Elle côtoie comme tout un chacun, vampires, loups-garous et autres créatures surnaturelles qui ont, dans cette version de la réalité, pignon sur rue et sont parfaitement insérés dans la société. En revanche, sa famille ignore qu'elle est une paranaturelle — ses ascendances latines et son célibat persistant sont déjà bien assez fâcheux et avouer une nouvelle tare ne serait pas sans conséquence sur les nerfs de sa mère. Seuls les membres surnaturels de Londres sont donc au courant de sa particularité. Tous sont inscrits au BUR — Bureau du registre des non-naturels — , une division des services administratifs de Sa Majesté.
     L'intrigue débute quand, lors d'un bal, un vampire fraichement transformé essaie de la mordre sans même lui avoir été présenté. Alexia expédie proprement cet impoli ad patres, au risque d'encourir un châtiment tout aussi fatal. Bien sûr, ce fait d'armes est immédiatement découvert par le charismatique lord Conall Maccon, Alpha de la meute des loups-garous locaux — et chef du BUR — et par son Béta, le professeur Lyall, qui assistaient tous deux à la soirée. La gravité de l'incident passe toutefois à l'arrière-plan quand ils s'aperçoivent que le nouveau-né est inconnu de leur bureau et que ce jeune vampire ne semblait pas être au courant des vertus neutralisantes du contact de la demoiselle pour les pouvoirs surnaturels.

     Maniant le second degré avec brio, Miss Carriger parodie avec style les codes de la bonne société victorienne où le paraître, la moralité et le respect de la bienséance soulèvent plus de commentaires que les dangers encourus par Alexia lors de ses différentes expéditions. Le décalage est proprement réjouissant. D'un tempérament fortement cartésien en raison de son absence d'âme, cette héroïne n'a pas froid aux yeux et possède un sens de la répartie particulièrement délicieux. Ses rencontres avec lord Maccon sont électriques et savoureuses. Le contexte victorien associé au caractère affirmé de la demoiselle et au manque de vernis social du vieux loup-garou soupe au lait — sûrement un excès d'âme — engendrent des scènes très cocasses, surtout quand la romance s'en mêle. Le couple s'emploie, pour notre plus grand plaisir, à l'art délicat de la transgression des convenances tout en restant dans les limites — très élastiques — de la bienséance.
     L'univers de l'écrivain est soigné et parfaitement maîtrisé dans sa construction et l'organisation de la communauté des loups-garous et des vampires. Il présente plusieurs idées originales — notamment sur la problématique des âmes et la création des êtres surnaturels — malgré le classicisme de l'ensemble. Par contre, le vocabulaire particulier n'est pas forcément simple à intégrer sans un peu d'imagination ou du moins de familiarité avec ce type de roman car les explications ne sont pas toujours disponibles dans le récit. Le scénario est construit sur le postulat que le lecteur est déjà familier avec cet environnement, ce qui peut parfois être un brin frustrant et donner une impression de survol alors que l'on souhaiterait en savoir un peu plus.
     Côté intrigue, le début est un peu cafouilleux, justement parce que nous ne sommes pas familiarisés avec le raisonnement des personnages et ce qu'ils détectent comme suspect dans les situations. Heureusement, ce léger flottement s'estompe plus on avance dans notre lecture. En revanche, l'enquête paraît trop complexe et trop peu efficace pour le bon déroulement de l'histoire. En effet, en dépit d'une héroïne ayant la bougeotte et possédant un cerveau en excellent état de marche, il m'a semblé que les échanges entre Alexia et Conall avaient plus de reliefs que les péripéties de la demoiselle. Seul intérêt des déambulations de la jeune femme : la rencontre avec d'autres personnages hauts en couleurs de la communauté, tous particulièrement bien développés, et les informations que nous glanons sur le fonctionnement des différents peuples.

     Amusant, caustique et léger, ce premier tome contient assez d'originalité pour être rafraichissant quand on est fan de bit-lit. Amateur du second degré et de dialogues corsés et délicieusement désuets, lancez-vous !

Nathalie TELL
Première parution : 4/6/2012 nooSFere

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition ORBIT, (2011)

     Angleterre, époque victorienne. Depuis le règne d'Henry VIII, et de façon définitive par décision de sa fille, la reine Elizabeth, vampires et loups-garous sont sujets à part entière de la Couronne. Ajoutons quelques fantômes sans véritable importance dans une nation qui les accueille depuis toujours. Les lycanthropes sont organisés en meute que dirige un mâle Alpha, et les hématophages en ruche gouvernée par une reine. Chacune des communautés délègue un conseiller auprès de Victoria, ce qui a rendu possible l'Empire. Première originalité du roman s'il faut absolument évoquer l'uchronie : les changements ont rendu possible une situation politique telle qu'on la connaît dans notre réalité. La sphère sociale et son protocole rigide (nous parlons d'une époque où chaque coin corné d'une carte de visite a sa propre signification) se trouve renforcée par les mœurs des différentes ethnies. Dans cette trame serrée des usages évolue avec grâce mademoiselle Alexia Tarabotti. D'origine italienne par son père décédé, soumise à l'ennui britannique par le remariage de sa mère, cette voluptueuse vieille fille de vingt-six ans, dont la peau mate olivâtre et le goût pour les études ne sont pas forcément des atouts pour trouver mari, rencontre avec un savoureux déplaisir Lord Maccon, l'Alpha bourru écossais, au fil des bals et dîners qu'organise la Gentry. Maccon est par ailleurs le responsable du BUR, ou Bureau du registre des non-naturels, qui veille au devenir des deux communautés. A ce titre, l'aristocrate est au fait de la particularité d'Alexia : elle n'a pas d'âme, ce qui en fait une paranaturelle, singularité dans la taxinomie du Royaume. Tout serait bel et bon si, depuis quelques temps, vampires et loups-garous non affiliés à un groupe ne disparaissaient dans des conditions mystérieuses...

     Le pur plaisir ressenti à la lecture de Sans âme repose sur trois effets distincts.

     Le premier niveau, immédiat, tient à la qualité d'invention et de style. Les personnages sont bien campés et l'on suit avec délectation leurs échanges, l'héroïne jouant de toute la gamme des conventions selon qu'elle s'adresse à l'exquis vampire efféminé Lord Akeldama ou à sa meilleure amie, Ivy Hisselpenny, dont les chapeaux sont une offense au bon goût. L'intrigue constitue une variation intelligente à partir des thèmes bit lit, néologisme anglo-saxon créé en France pour désigner un genre d'ouvrages globalement américain. Le lecteur pourrait s'en tenir à ce premier degré et passer un excellent moment.

     Le deuxième niveau est celui de l'ultra-référence totalement assumée. La quatrième de couverture évoque à raison Jane Austen et Charlaine Harris. Plus encore est-il question de l'évident clin d'œil à Elizabeth Peters et son héroïne Amelia Peabody, archéologue qui collectionne les ombrelles. Et bien sûr P. G. Wodehouse. Tout comme son célèbre butler Jeeves, on sourit en imaginant que Floote, le majordome qui veille sur Alexia, appartient au club des Gentlemen's gentlemen. L'Infernales machines de K. W. Jeter apporte également sa touche au récit. Ainsi, au fil de ces sincères hommages, le lecteur averti verra son plaisir augmenter.

     Enfin, le troisième niveau offre une analyse extrêmement pertinente des préoccupations biologiques si prégnantes à l'époque victorienne. En novembre 1859, L'Origine des espèces de Charles Darwin présente un modèle évolutionniste du vivant. Chaque espèce connaît dans son développement des variations graduelles et transmissibles à la descendance. L'accumulation progressive des modifications entraîne à plus ou moins long terme l'apparition de nouvelles espèces en vue d'une meilleure adaptation à leurs conditions de vie. A quoi s'ajoute la compétition naturelle, le fameux « struggle for life », lutte pour la vie qui favorise les formes plus aptes à survivre. Le modèle de Darwin va gagner la réflexion sociale, repris aussi bien par la gauche (Marx et Engels) que la droite, celle-ci rejetant le modèle victorien sous l'impulsion de la révolution industrielle. Qu'est-ce qui sépare l'homme de la bête, le riche du pauvre ?

     Dans le roman, les concurrences des espèces et des classes sociales sont inextricablement liées. Ajoutons le concept de Missing link ou « chaînon manquant », terme qui apparaît en 1851 dans le contexte des sciences naturelles avant de connaître une véritable mode en politique et dans les arts. Pour la seule littérature, il suffit d'évoquer Robert Louis Stevenson et son récit « L'Etrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde » (1886), le roman L'Ile du docteur Moreau de Herbert George Wells paru en 1896, et l'improbable aventure de Sherlock Holmes « L'Homme qui grimpait » que publie Arthur Conan Doyle en 1923. Parce qu'elle est privée d'âme, Alexia Tarabotti fait figure ici de chaînon manquant, théorisé dans le récit à partir de la « loi du contrepoids ».

     Ce fond si sérieux est-il réellement présent dans un roman qui paraît ne pas se prendre au sérieux ? Assurément. Gail Garriger, de son vrai nom Tofa Borregaard, est diplômée en anthropologie avec une spécialisation en archéologie. Tout son talent est de présenter sa démonstration avec la légèreté d'un bon mot. D'ailleurs, public et critiques ne s'y sont pas trompés. Sans âme, premier titre d'une série, a été finaliste de nombreux prix, et mademoiselle Tarabotti figure sur la liste des best-sellers à chaque nouvelle aventure que pimentent des scènes coquines.

     Vampires, tueuses et loups-garous, ce livre est fait pour vous : à lire au pieu, à poil.

Xavier MAUMÉJEAN
Première parution : 1/4/2011
dans Bifrost 62
Mise en ligne le : 7/2/2013

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