Suite à un mystérieux incident à l’école, Juillet et Septembre, deux sœurs, sont emmenées par leur mère dans une maison de famille sur la côte anglaise. Si leur relation est quasi fusionnelle, les deux sœurs sont très différentes. Juillet, la cadette, est timide et naïve, Septembre l’appelle d’ailleurs souvent « bête de Juillet ». Au contraire l’ainée est vive, trop même ; si elle défend sa sœur quand celle-ci se fait harceler, elle n’hésite pas non plus à la forcer à accomplir des actes violents contre elle-même.

Raconté par Juillet, Sœurs commence comme une banale histoire de famille, un départ à la campagne précipité suite, certainement, à une bêtise de l’une d’entre elles. Et puis le récit s’assombrit, l’ambiance s’alourdit, et l’autrice maitrise parfaitement ce changement de ton. Quelque chose coince entre ces deux sœurs aux caractères si dissemblables. La narratrice est sous l’emprise de Septembre ; cela la perturbe et elle nous livre un récit parfois incohérent, parfois déstructuré où se mêlent le présent et les souvenirs des mois précédents, de ce qu’elle a subi au lycée jusqu’aux événements de cette journée qui a provoqué leur départ.

Roman finaliste des prix Shirley Jackson et Locus en 2021, Sœurs doit avant tout son caractère horrifique à cette ambiance familiale étrange, à cette relation perverse et à son twist final que certains devineront bien avant sans que cela ne nuise au roman. Dénué d’élément fantastique, Sœurs est proche de l’œuvre de Shirley Jackson, avec ses rapports dérangeants entre membres d’une famille, son ambiance teintée de maladie mentale, ses huis-clos inconfortables dans cette maison dont on peut se demander si elle est hantée. Nous plongeant dans les esprits complexes de ces trois femmes, Daisy Johnson fait surgir le malaise avec dextérité. Signalons enfin l’excellente adaptation cinéma sortie en 2025 sous le titre July & September  et réalisée par Ariane Lebed.