Pour son huitième ouvrage, Jacques Mondoloni se paie le luxe d'un polar dans la collection Sueurs Froides des éditions Denoël, une des plus prisées depuis longtemps. Certains esprits mal tournés ne manqueront pas de faire observer qu'une fois encore un auteur de Science-Fiction a provisoirement délaissé le genre pour un autre, supposé moins intéressant, d'autres se feront un plaisir d'expliquer que cet intérêt récent n'est que commercial, et que... et que... Je leur ferai remarquer que son premier texte publié, aux Editions Matignon en 1973 (ce n'est ni d'aujourd'hui ni même d'hier !), n'est autre que Il Faut Partir, Quilichini, réédité il y a cinq ans... en Spécial-Police ! Il fallait que cela soit dit... Et puis quel mal y a-t-il à embrasser plusieurs genres à la fois ?
Comme dans le roman précité, Mondoloni montre ici tout son amour pour le sud-est de la France (N'est-il pas d'origine corse ? N'a-t-il pas résidé pendant longtemps dans le Vaucluse, à Apt ?), en faisant se dérouler son histoire à Marseille et dans ses environs.
Toni Bonneveine sort de la prison des Baumettes après sept ans d'incarcération. Sept années purgées pour avoir commis un meurtre relatif à une histoire de pigeons sur laquelle il ne nous éclairera pas. Sept années durant lesquelles il a eu le temps de lire et relire une biographie d'Arthur Rimbaud qui a fait naître en lui des idées d'exotisme et de voyage. Peut-être partira-t-il autour du monde, à sa libération, puisque son père a fait de lui un rentier en lui laissant, à sa mort, un immeuble au cœur de Marseille... Mais la première chose qu'il remarque après avoir franchi les portes de la prison est que le nom de l'arrêt d'autobus faisant face à l'établissement pénitentiaire s'appelle justement “Rimbaud-Baumettes”. Une constatation qui tue immédiatement en lui l'envie de voyager : comment peut-on accoler deux noms tels que ceux-là, comment peut-on marier un nom de prison avec celui du poète ? Il se sent responsable et décide de détruire tous les documents faisant mention de ce nom composé. Aussi commence-t-il par le rayer au marqueur sur les horaires affichés à l'intérieur des bus de la ligne, mais il n'ose passer à l'acte pour ce qui serait l'aboutissement de son action la destruction de la plaque nominative de l'arrêt de bus, laquelle, rappelons-le, fait face à la prison. Il se met donc en quête de celui qui pourrait, moyennant salaire (plusieurs millions de centimes !), le faire à sa place.
Ce qu'il ignore, c'est qu'il n'aura pas le temps de mener sa mission à bien puisqu'il tombera avant aux mains du Marchand de Torture, un ancien caïd de la pègre reconverti, ce que tout le monde ignore, dans la torture à visage scientifique !
Avec ce second polar émaillé d'expressions régionales telles que ces savoureux “Fatche de con !” ou “Engatses” (entendez par là problèmes, embrouilles), Mondoloni, admirateur de Simenon et Cendrars, prouve non seulement qu'il s'accommode fort bien d'un cadre contemporain, mais aussi qu'il y est peut-être plus à l'aise que dans ceux, futuristes ou décalés, de la SF.
On ne serait pas autrement surpris de le voir un de ces quatre franchir la barrière et publier, après Tenue de Galère (à paraître en Présence du Futur), un roman de Littérature Générale !
Richard COMBALLOT
Première parution : 1/4/1989 dans Fiction 407
Mise en ligne le : 18/10/2003