« Je peux bien l'avouer à présent : j'ai su dès le début que les Hellenbeck avaient quelque chose d'étrange. Plusieurs détails m'avaient intrigué... mais qui n'a pas ses petites bizarreries ? »

     Des voisins qui débarquent du XXIème siècle, une ville qui mobilise ses fantômes pour préserver le passé, un policier qui poursuit les coupables d'un autre temps...

     Nouvelles fantastiques où le cours des siècles semble pris de folie !

 

     Jack Finney, né en 1912 est connu en France pour « Néant à roulettes ». Son chef d'oeuvre, « Graines d'épouvante », a inspiré les cinéastes : « L'invasion des profanateurs » (Don Siegel 1956, Philip Kautrnan 1978).

     Peut-on écrire comme Bradbury ? Certainement : en témoigne l'histoire de Galesburg, Illinois, une petite ville qui menace d'être envahie par les parkings et autres témoignages bétonnés de la laideur moderne, et qui « entre en rébellion », grâce à la résurgence opportune d'éléments du siècle passé, « les vieux trams jaunes, les charrettes de pompiers à chevaux ou les téléphones muraux désaffectés » qui, à leur manière, témoignent et luttent. Ce texte nostalgique et poétique (passéiste, pourront dire certains), est titré Un printemps à Galesburg. Mais on peut lui préférer son titre anglais : I love Galesburg in the springtime. On pourrait s'étonner de le trouver sous la plume de Jack Finney, connu pour ses polars et surtout pour son illustrissime roman Graines d'épouvante (dont furent tirés les films de Don Siegel et de Philip L'insoutenable lourdeur de l'être Kaufman : L'invasion des profanateurs). Et pourtant le présent recueil, qui comporte six longues nouvelles réunies par Stéphane Bourgoin sont toutes pareillement nostalgiques, témoignent toutes, à travers une thématique légère de voyages temporels, de la fuite du temps — rattrapable en certaines occasions. Comme dans Des voisins originaux, où un couple du futur fuit le XXIe siècle déliquescent pour s'établir dans une petite ville américaine de la fin des années 50, ou dans La photo, où un inventeur expédie au XIXe siècle des originaux qui ne supportent plus de présent...

     Parfois la SF se mue en fantastique, à l'occasion du texte le plus poignant, Hé ! Regardez-moi..., qui voit un écrivain mort trop jeune revenir à l'état de fantôme pour tenter en vain de poursuivre son œuvre. Sans doute l'ensemble de ces textes des années 50 pourront-ils paraître désuets et pâlots, à l'époque des cyberpunks. Mais c'est précisément ce qui fait leur charme prenant, leur force souterraine. Et, outre Bradbury, on pourra également évoquer à leur sujet Simak, qui vient comme on sait de mourir, et qui trouve là un hommage posthume, en forme de résurgence. Enfin, Contretemps permettra au public français de retrouver Finney, bien ignoré, ou considéré, à tort on le voit, comme l'homme d'un seul livre.

     Encore un mot, au sujet de la collection qui l'abrite, cette « Série 33 », de jolis petits livres noirs et rouges au format poche, dirigée par François Guérif et Stéphane Bourgoin, deux fins connaisseurs de la littérature américaine, et qui se promet de réunir des auteurs aussi à leur aise dans le polar, le thriller, le fantastique ou la SF. Finney est exemplaire de ce cas, mais signalons que la série a publié aussi un roman et un recueil de Brown, Echos de Richard Matheson (un suspense parapsychologique resté scandaleusement inédit en français jusqu'à l'an dernier), Le territoire des morts de William Irish et Psychopathe de Bloch. Certains de ces ouvrages avaient fait l'objet d'un tirage limité au titre des éditions Sinfonia. Les voilà maintenant disponibles pour un prix modique, à l'intérieur d'un catalogue naissant qui vous met l'eau à la bouche. Bravo !