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Killdozer / Le viol cosmique

Theodore STURGEON

Traduction de Georges H. GALLET
Illustration de Philippe CAZA

J'AI LU (Paris, France), coll. Science-Fiction (1992 - 2001, 3ème série - dos violet/blanc) précédent dans la collection n° 407 suivant dans la collection
Dépôt légal : décembre 1994, Achevé d'imprimer : 1 décembre 1994
Recueil de romans, 320 pages, catégorie / prix : 4
ISBN : 2-277-12407-9
Format : 11,0 x 16,5 cm
Genre : Science-Fiction

Autres éditions
   J'AI LU, 1971, 1972, 1976, 1982, 1989
        sous le titre Killdozer, suivi de Le viol cosmique, 2003

Quatrième de couverture
     Theodore Sturgeon
     Né en 1918 dans l'Etat de New York, c'est l'un des plus grands écrivains américain de l'étrange. Ces deux romans : Les plus qu'humains et Cristal qui songe sont des chefs-d'œuvre incontestés du genre.
 
     Avant la race humaine, il y eut le déluge, et avant le déluge, une autre race, dont l'humanité ne peut comprendre la nature. Elle n'était pas surnaturelle ni étrangère, car cette terre était sienne et c'était sa patrie.
     Il y eut une guerre entre cette race, qui était une grande race, et une autre. Celle-ci était vraiment étrangère : une forme nuageuse douée de conscience, un groupement intelligent d'électrons tangibles. Elle prit naissance dans de prodigieuses machines, par quelque accident d'une science dépassant notre conception primitive de la technologie. Et ces machines, servantes de nos prédécesseurs, en devinrent alors les rivales...
     Killdozer et Le viol cosmique, deux luttes titanesques avec des créatures venues d'au-delà du néant.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Killdozer (Killdozer!, 1944), pages 7 à 128, nouvelle, trad. Georges H. GALLET
2 - Le Viol cosmique (The Cosmic Rape, 1958), pages 131 à 307, roman, trad. Georges H. GALLET
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Science-Fiction (2001 - 2007) (2018)

    Ce recueil réunit deux textes qui, individuellement et du fait de leur longueur, auraient eu du mal à trouver une opportunité de publication hexagonale : la novella « Killdozer » et le court roman Le Viol cosmique. Les deux abordent une thématique commune, à savoir l’affrontement de l’humanité avec des créatures autres.

    La novella « Killdozer » fut publiée dans Astounding en novembre 1944, puis révisée en 1959 ; la version de 1944 a néanmoins perduré bien après 1959 côté anglo-saxon, et c’est elle qui a servi de base à la présente traduction. Il convient de noter que, du fait de sa situation personnelle à l’époque, Sturgeon avait arrêté d’écrire entre juin 1941 et avril 1944, période qui s’achève avec l’écriture de cette novella en avril 1944, rédigée en neuf jours seulement ! Après un court prologue, qui nous apprend l’existence d’une race immémoriale aux pouvoirs exceptionnels ayant existé avant l’humanité, nous voilà plongés dans le chantier de construction d’une piste d’aéroport. Or, lors de la phase de préparation du terrain, l’un des engins de chantier, un bulldozer, justement, rase un vestige de la race en question, vestige récipiendaire de ces fameux pouvoirs. Lesquels se transmettent au bulldozer, qui devient alors comme possédé, et n’a de cesse, dans un mécanisme de réaction, de chasser et exterminer les hommes qui ont voulu lui nuire. La suspension d’incrédulité est ici nécessaire, tant imaginer un engin de chantier, machine surpuissante, prendre vie, est a priori inconcevable. Néanmoins, Sturgeon y parvient parfaitement, se gardant de personnifier le « killdozer » : celui-ci se comporte comme s’il était conscient, mais tout est vu par les yeux des ouvriers qui croient affronter un être maléfique là où il ne s’agit peut-être que d’un engin déréglé. La gestion de la confrontation est extrêmement efficace : Sturgeon, ancien conducteur d’engins, décrit minutieusement les machines utilisées et mène à merveille le suspense. Les personnages sont eux aussi décrits avec finesse, l’atmosphère propre à un chantier de construction est rendue avec véracité, notamment à travers les interactions entre les différents protagonistes, où le racisme (l’un des ouvriers étant portoricain) n’est d’ailleurs pas exclu. Sans doute pas le plus personnel des textes de l’auteur, mais diablement efficace, « Killdozer » en est aussi l’un des plus connus, qui plut énormément au rédacteur en chef d’Astounding, John W. Campbell, et rapporta à Sturgeon plus de cinq cents dollars, de loin son plus gros cachet pour une nouvelle à l’époque. Le texte est aussi suffisamment connu hors du public SF pour que le terme « killdozer » ait été attribué à un bulldozer de la mort, un Komatsu blindé par un Américain, Marvin Heemeyer, qui entreprit en 2004 de détruire sa ville de Granby, dans le Colorado, avant de se suicider. Cette novella fut adaptée à la télévision en 1974 par Jerry London, Sturgeon collaborant au script : une production caractérisée par une absence de moyens et des acteurs peu crédibles, mais qui reste malgré tout assez fidèle au texte en dépit de personnages à l’épaisseur de carton, le film se concentrant sur la lutte contre le killdozer.

Le Viol cosmique parut en 1958, en même temps qu’une version abrégée (a priori par le rédacteur en chef) en nouvelle, « Le Choix de la Méduse », au sommaire de la revue Galaxy datée août 1958. Gurlick, mi-paumé mi-petite frappe, mord dans un hamburger entamé trouvé dans une poubelle ; pas de chance pour lui, une entité extraterrestre, Méduse, attendait patiemment dans le burger que quelqu’un l’ingère. Cet alien arrive en effet sur Terre en quête d’une conscience collective — à l’image de la sienne — susceptible de l’abriter. Sauf qu’il n’avait pas prévu l’individualisme de l’humanité, ni non plus de tomber sur un paumé alcoolique et obsédé tel que Gurlick… Le texte entrecoupe le développement de l’intrigue liée à Gurlick de scènes du quotidien un peu partout à la surface du globe. Sans lien au début, ces instantanés prendront sens dans la deuxième partie du roman. Ce sont là des condensés d’humanité comme seul un auteur empathique tel que Sturgeon peut en écrire, avec une véritable finesse psychologique. Et qui contrastent d’autant avec les passages sur Gurlick, où rejaillit le penchant sarcastique de Sturgeon — mais toujours empreint d’une bienveillance envers son prochain. L’auteur brode ici sur ses thèmes favoris : la conscience, la notion d’humanité, la solitude et l’accomplissement, rejoignant ici certains aspects liés à la gestalt des Plus qu’humains. Tout en tordant le cou (rappelons que le texte date de 1958) à une certaine idée de ce qu’est une invasion extraterrestre. Un exemple parfait de l’écriture et des thématiques de Theodore Sturgeon, en somme.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/10/2018
Bifrost 92
Mise en ligne le : 20/6/2023


Edition J'AI LU, Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) (1972)

Parmi les maîtres de la science-fiction américaine de « l'âge d'or » (c'est-à-dire parmi ceux qui se révélèrent entre 1936 et 1948 à peu près), Théodore Sturgeon est probablement celui dont la carrière littéraire présente les plus importantes discontinuités. A plus d'une reprise, il a été purement et simplement incapable d'écrire, à la suite de tensions psychologiques. Les deux récits de ce livre montrent sa fidélité envers un thème précis — celui de l'intelligence extraterrestre affrontant les humains — même à travers une au moins de ces périodes d'inactivité littéraire forcée.

Ce volume, qui s'inscrit dans une collection dont le catalogue de science-fiction s'enrichit régulièrement, présente deux courts romans de Sturgeon dans de bonnes versions françaises dues à Georges H. Gallet. Killdozer parut en 1944 dans Astounding Science Fiction. Une version abrégée du Viol cosmique (To marry Medusa) fut publiée en 1958 par Galaxy, tandis que le texte traduit ici en français apparaissait peu de temps après dans un livre de poche.

Il s'agit donc, dans les deux cas, d'intelligences extraterrestres : non point d'extraterrestres en chair et en os (ou ce qui leur tient lieu de chair et d'os), mais bien de leurs émanations télépathiques, de leurs agents sur notre planète. Dans le plus ancien des récits, l'extraterrestre est « un champ électronique organisé, doué d'intelligence, de mobilité, et d'une volonté de détruire, et guère autre chose », survivant unique d'une guerre ancienne, achevée bien avant l'apparition de l'humanité. Cette intelligence prend possession d'un bulldozer utilisé dans la construction d'une piste aérienne sur un îlot du Pacifique, et utilise cet engin redoutable pour semer la destruction autour d'elle. Pour écrire ce récit — ce qu'il fit en neuf jours, à en croire Sam Moskowitz — Sturgeon utilisa son expérience personnelle : il avait travaillé, peu de temps auparavant, comme opérateur de bulldozer à Porto Rico.

Peut-on qualifier Killdozer de récit de terreur ? L'auteur n'analyse à aucun moment les motivations de l'extraterrestre, qui n'est présenté qu'à travers la vue des humains qui l'entourent — ses futures victimes, dans la plupart des cas. On peut donc lire ce court roman à plusieurs niveaux ; en plus de celui du simple récit terrifiant à suspense, en peut distinguer le récit d'aventures, - et aussi l'esquisse d'une interrogation : que se passerait-il si une machine pouvait agir sans l'intervention d'une intelligence humaine ?

Killdozer fut repris dans une des toutes premières anthologies de science-fiction (The best of science fiction, publiée par Groff Conklin en 1946). Près de trente ans plus tard, cependant, on relit ce court roman en se disant que le sujet était sans doute neuf à l'époque, mais que le passage du temps le fait paraître un peu mince. Le traitement est adroit, la narration assez rapide pour le sujet, mais Killdozer ne révèle pas ce qui devait devenir une des principales caractéristiques ultérieures des récits signés par Théodore Sturgeon : une tendresse à l'égard de ses personnages humains, tendresse qui l'amène à examiner leur âme et leur sensibilité pour en dégager les traits positifs.

Cette tendresse est en revanche apparente dans le viol cosmique. Pour écrire ce récit, Sturgeon a utilisé une technique extrêmement appréciée de ceux qui doivent écrire « sur mesure ». Il parle successivement de plusieurs personnages qui ne se connaissent pas mais dont les mouvements convergent vers la scène essentielle de la narration : il est clair que la suppression ou l'adjonction de quelques-uns de ces personnages permet de raccourcir ou de rallonger le récit, d'en faire à volonté une nouvelle ou un roman. Dans ce cas particulier, il est difficile de dire sous quelle forme l'auteur rédigea son histoire en premier lieu. Probablement sous celle que présente ce volume : en effet Horace Gold, qui dirigeait à l'époque Galaxy, était célèbre pour la facilité avec laquelle il modifiait — ou faisait modifier — les textes qu'il entendait publier dans son magazine.

Cette multiplication des personnages, et par conséquent des points de vue, se justifie d'ailleurs fort bien par la nature de l'intelligence extraterrestre mise en scène. Cette « Méduse » est en effet composée d'une multitude d'êtres, dans de nombreuses galaxies, mais qui ont la particularité de posséder une seule intelligence collective qui est la somme des intelligences individuelles. Le concept est présenté par Sturgeon avec d'autant plus de fermeté que la Méduse n'apparaît jamais qu'à travers ses messages télépathiques, et qu'elle n'imagine des intelligences individuelles — les nôtres — que comme résultant d'une dégénérescence ou d'un accident. Ayant assumé le contrôle d'un clochard, dans quelque grande ville américaine, la Méduse va chercher à rectifier cet accident, puis à incorporer toutes les intelligences humaines dans sa propre entité. Le crescendo de la narration est provoqué par la révélation progressive au lecteur des ressources de la Méduse, alors que les rôles prévus dans la confrontation décisive pour les divers Terriens mis en scène restent évidemment cachés. Parmi ces Terriens, un jeune Italien traumatisé par sa sensibilité, une famille aussi nombreuse que nonchalante surprise dans son déménagement, un Don Juan à la petite semaine, une refoulée, un gosse arriéré : autant de personnages que Sturgeon présente parfois avec ironie ou pitié, mais toujours avec une sorte d'affection qui vient du cœur. En particulier le jeune Italien, qui pourrait être le cousin de Gerry, l'élément central de l'homo Gestalt dans Les plus qu'humains, inspire à Sturgeon cette qualité de tendresse qu'il réserve aux êtres différents qui sont avant tout des inadaptés.

La séquence au cours de laquelle on voit l'humanité disposant d'une intelligence collective possède, d'autre part, une nervosité et une originalité qui sont celles d'un maître de la science-fiction. Sturgeon ne s'interroge que brièvement sur les conséquences profondes qu'entraînerait pour notre espèce une telle communication mentale illimitée : il en montre les aspects bénéfiques mais il passe sous silence les réorganisations sociales qu'elle nécessiterait. A partir du moment où chacun sait ce qu'un homme d'Etat pense (et non plus seulement ce qu'il déclare), à partir du moment où chacun peut distinguer les mensonges d'une propagande idéologique, tout ce qui relève de près ou de loin des principes du poker est évidemment à repenser. Sturgeon s'arrête en deçà de ces bouleversements, sur une note résolument optimiste. Cela n'enlève rien à la qualité de son roman, même si le lecteur se dit que les problèmes réels ne font que commencer lorsque celui-ci s'achève. Le viol cosmique est le récit d'une attaque infructueuse menée par des extraterrestres exceptionnels, et il représente, dans ces limites, une réussite incontestable.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/4/1972
Fiction 220
Mise en ligne le : 2/3/2019

Prix obtenus par des textes au sommaire
Killdozer : Retro Hugos novella / Court roman, 1945

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Killdozer , 1974, Jerry London (Téléfilm)

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