Non répertoriée par la géographie officielle, la Féerlande est un chapelet de petites îles belges de la mer du Nord. C'est dans cet univers insulaire, et presque intercalaire, que Dogston H. Juge mène ses enquêtes au pas de course. D'étranges affaires conduisent ce policier monolithique, tenace et violent, aux frontières du possible et souvent bien au-delà. Au centre de Hightoren-City, capitale administrative de l'archipel, existe Juridiction Zéro, une zone très ancienne qui semble digérer les hors-la-loi se réfugiant derrière ses hauts murs. Le jour où des créatures sanguinaires en sortent par mégarde, Dogston, nullement impressionné par le surnaturel, intervient à sa façon habituelle : à coups de poing et de revolver. Il aura la même délicatesse pour résoudre le mystère Duckstone dont tous les habitants ont été transformés en automates, et pour vaincre Le Voleur d'ans et les terribles Légions du néant échappées du pandémonium lovecraftien.
1 - Yves VARENDE, Le Pérégrin du fantastique, pages 9 à 50, préface 2 - Juridiction zéro, pages 55 à 172, roman 3 - Duckstone, pages 175 à 317, roman 4 - Le Voleur d'ans, pages 321 à 457, roman 5 - Les Légions du néant, pages 461 à 621, roman 6 - (non mentionné), Bibliographie de Frank Andriat, pages 623 à 628, bibliographie 7 - (non mentionné), Bibliographie de Mythic, pages 629 à 633, bibliographie 8 - (non mentionné), Œuvres communes à Frank Andriat et Mythic, pages 635 à 636, bibliographie
Critiques
«Dogston, ne t'amène pas encore avec des histoires de soucoupes volantes ou des machins comme ça ! » Les supérieurs de Dogston H. Juge ont beau faire, le détective de l'étrange version féerlandaise — du nom de l'archipel perdu dans la mer du Nord imaginé par Frank Andriat et Mythic, alias Smit-le-Bénédicte — n'en fait qu'à sa tête. Pour être juste, aux antipodes d'un Mulder, il laisse plutôt parler ses muscles et son Fire-kiss, revolver surdimensionné qui en dit long sur la finesse avec laquelle ce gros dur, à mi-chemin entre Bob Morane, James Bond (pour les conquêtes féminines), Judge Dredd et Harry Dickson, franchit les frontières du possible.
Dans les quatre romans à deux mains — sauf pour le dernier signé Mythic, Dogston, accompagné du fidèle Kramer, se démène comme un beau diable pour préserver ses concitoyens de Hightoren et sauver le monde. Égaré dans la zone hors-la-loi de Juridiction Zéro, le Snake Plissken nouvelle génération affronte diverses engeances, bêtes aux crocs féroces ou robots-programmés, avant de découvrir une porte ouverte sur une autre galaxie où gravite Figéa, une planète menacée qui a envoyé des éclaireurs sur terre pour procéder à une colonisation pacifique. Dans Duckstone, notre héros prend les allures de David Vincent et joue un remake des Envahisseurs, situé dans le décor principal d'une île aux drôles d'habitants zombifiés. Paranoïa et complot sont au rendez-vous avec l'inquiétant consortium Amarcord qui étouffe l'affaire. Le Voleur d'ans met aux prises Dogston avec un vampire buveur de jeunesse et producteur de cadavres vieillis prématurément. L'issue nous entraîne dans les entrailles du Warmberg, alors qu'un planétoïde est sur le point d'anéantir la terre. Pourquoi faire simple ? Les Légions du Néant, sans doute le roman le plus ambitieux, puise ouvertement chez Lovecraft (ses Grands Anciens, ici les Uchults, Herbert West et ses morts vivants mal ressuscités) et s'inspire de la scénographie de Body Snatchers pour le suspense et l'ambiance. Pour notre plaisir, les aventures de Dogston ne font pas dans la dentelle, mélangent les mauvais genres et usent de procédés narratifs éprouvés : prologues saisissants, coups de théâtre prévisibles, explications finales qui permettent de remettre toutes les pièces du puzzle en place.
Bref, les auteurs, défenseurs de la production populaire belge — y compris la BD — , optent pour une littérature de stéréotypes recyclés, au charme certain et limité. Le jeu nostalgique ou effréné des références ne suffit pas à immortaliser un flic de l'insolite au franc-parler caricatural, dépassé par les événements. Restent des univers surnaturels revus et corrigés, dont on ne se lasse pas.
Guy ASTIC Première parution : 1/1/1999 dans Ténèbres 5 Mise en ligne le : 1/11/2003