Écrit en Ecosse, au XVIIe siècle, par Robert Kirk, le plus jeune et le septième fils de M. James Kirk, pasteur à Aberfoyle, La République mystérieuse est tout simplement LE livre de référence sur les petits êtres des profondeurs. Tout le monde en parle, le cite, s'y réfère, mais — presque — personne ne l'a lu, ni même vu... Et pour cause : le manuscrit date de 1691, une centaine d'exemplaires seulement furent imprimés en 1815 en Grande-Bretagne. Il s'agit d'un véritable manuel de présentation et d'initiation au Petit Peuple. Et, chose plutôt rare, les fées y sont montrées sous un jour démoniaque, à l'instar de certains ésotéristes du XIXe siècle, date de la publication de l'édition française...
Très curieux livre que celui-ci. Son titre complet, La République mystérieuse des elfes, faunes, fées et autres semblables, annonce bien évidemment la couleur. Néanmoins, il faut savoir que son auteur est un pasteur qui a vécu à Aberfoyle, en Ecosse, au XVIIe siècle, ! On est donc ici en terre historique, puisqu'il s'agit sans doute du livre le plus ancien traitant intégralement du Petit Peuple. Au-delà de ses qualités réelles, cela en fait donc un livre incontournable dont on s'étonnera de ne trouver aucune mention dans la Cartographie du Merveilleux, d'André-François Ruaud.
Mais qu'apprend-on au juste, dans ces soixante pages, qui vaille la peine d'être signalé ? Eh bien, une masse d'informations assez impressionnante, susceptibles de donner plusieurs idées de nouvelles ou romans à chaque page. Cet essai décrit l'apparence physique des êtres (« quelque peu de la nature d'un nuage condensé et plutôt visible au crépuscule »), puis nous décrit l'organisation de leur société, qui n'est finalement pas si éloignée de la nôtre. Ils ont les mêmes types de problèmes que nous, aussi terre à terre, comme les disputes ou la haine. D'ailleurs, même si certains sont angéliques, il ne faut pas croire que tous soient de bonne composition : certains n'ont de cesse de jouer des tours pendables ou de veiller à leur propre intérêt avant tout. L'auteur insiste également sur les êtres humains capables de les apercevoir, ou de les ressentir, qu'il appelle Voyants. Le livre reprend enfin le rapport d'un dénommé Lord Tarbott, qui recueillait un certain nombre d'anecdotes relatives aux êtres mystérieux qui nous entourent. On ressort de cette lecture -pas très facile, car le style de l'auteur est pour le moins chahuté — surpris par cette vision naturaliste des elfes et autres fées. Et aussi, frappé par tout ce que la différence entre la vision d'un pasteur du XVIIe siècle et la nôtre nous suggère sur le travail de l'imaginaire collectif.
Bref, malgré sa brièveté déjà mentionnée (quatre-vingts pages si l'on compte les deux préfaces, dont l'une du traducteur de l'époque), ce livre constitue un saisissant tableau de ces peuples. Saisissant, car révélateur de l'évolution des croyances au cours de l'Histoire, tout en demeurant puissamment évocateur.