À la tombée de la nuit, Fabrice rejoint le parc des attractions tueuses de Thanatopolis pour y chercher la mort. Amputé de sa jambe, il reprend espoir en apprenant d'un Ange qu'il existe une planète où les âmes des disparus se rassemblent. Accompagné par le fils de l'Ange, un adolescent quasi-autiste dont l'essentiel des paroles est relayé par une machine vocale, il part en quête du secret dissimulé derrière
Animamea. Mais, très vite, il trouve sur sa route les Templiers du Renouveau Charismatique et leur Grand Maître, et sa quête se transforme en fuite éperdue.
Pendant ce temps, le rocker Chris Nelson, dont le fils a été carbonisé sur scène, ne peut se résoudre à renouer des liens avec le jeune clone qu'on lui a livré. Il part lui aussi à la recherche de l'autre côté de la mort, guidé par des gourous et d'étranges médiums, sans réaliser que le conditionnement qu'il reçoit le transforme peu à peu en tueur. Un tueur qu'on va lancer sur la piste de Fabrice.
Rarement la noirceur aura été si fulgurante.
Animamea est rempli de scènes inoubliables, d'une cruauté baroque comme on a trop peu osé en écrire. Les décors de ruines et de fêtes déglinguées sont peuplés d'individus désespérés, dont le destin est à l'image des décombres qui les entourent. Les symboles tracés à gros traits abondent, depuis la mer souillée de Vieille Terre et sa contrepartie de Varaden, d'un rose couleur de gencive, jusqu'aux doigts de pierre d'Offworld, tendus vainement vers le ciel. Même si l'univers décrit emprunte un certain nombre de ses codes à la science-fiction (planètes étrangères, vaisseaux spatiaux aux noms chargés de sens), on est plus proche de l'épopée homérique que de l'anticipation futuriste.
Pourtant, ce n'est pas un livre sur la mort mais sur la peur suscitée par elle et sur les dérives qu'elle engendre : religions prédatrices, espoirs sans cesse déçus. Canal est tour à tour stendhalien et fellinien ; il emprunte au cinéma expressionniste, aux mythologies grecques, voire au rock'n roll, pour composer une œuvre totalement personnelle, volontairement excessive, qui reste, dans sa thématique comme dans sa construction, un des chefs-d'œuvre de la science-fiction française des années 80.
Publié une première fois au
Fleuve Noir en 1987, en trois fragments découpés à la hache,
Animamea retrouve enfin sa structure originelle aux récits délicatement entrelacés. Le style a évidemment été revu — en vingt ans de métier, Canal s'est forgé quelques outils littéraires de toute beauté — mais le souffle est intact et le venin encore puissant. C'est un joyau sombre et dangereux que ce livre, un fantastique voyage dans les royaumes de nos terreurs secrètes que Canal dissèque avec jubilation.