Première édition Roman, 496 pages, catégorie / prix : 25,30 € ISBN : 979-10-387-0164-9 ❌ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Après sa mort à 66 ans, en 1948, un joueur d’échecs new-yorkais se retrouve comme tous les humains sur la planète Petite Vie. Ici tout le monde a de nouveau 20 ans, et un bonus de 10 ans de vie. Mais loin d’une seconde chance, c’est d’une mission qu’il hérite.
Sur Petite Vie, il subit la même injonction que les autres à se souvenir, afin de reconstituer la mémoire de la Terre. Intégralement. Massivement. Pris dans un engrenage kafkaïen aux allures de cauchemar éveillé, il se lance à la recherche de Robert Krauss, qui aurait été aperçu sur un continent éloigné de la capitale, afin de reconstituer son roman 4001. Avec Bonadea, qui prend de plus en plus souvent les traits de sa femme disparue, il traverse des paysages psychédéliques, des outre-mondes et des temporalités poreuses, dans un univers digne du jeu vidéo le plus fou et le plus expressionniste. Est-il drogué, manipulé ? Par quel mécanisme ?
Au crépuscule de cette deuxième vie, reclus dans un bunker, il enregistre pour la postérité le témoignage halluciné de son expérience, avant de définitivement disparaître…
Stupéfiante allégorie de la mémoire, de son processus et de sa fiabilité, critique de notre obsession de l’archivage et de l’encombrement cérébral qui nous mène au bord de l’explosion, Fonte brute est un voyage au cœur de nos images mentales. Un flot d’instantanés en Technicolor mêlant le passé vécu à des souvenirs refabriqués, issus de photos et de scènes de films, comme si nous avions vraiment joué dans un James Bond, un David Lynch, Matrix ou Vertigo…
Un roman-kaléidoscope phénoménal !
Critiques
Petite Vie est une planète jumelle de la Terre où renaissent les Terriens défunts. Ils ont vingt ans, et dix années devant eux pour mener à bien la quête qui leur échoit : se remémorer le plus de choses possibles de leur existence antérieure afin d’enrichir la culture de Petite Vie et faire de celle-ci une copie au plus juste de la Terre – comme partir à la recherche d’un artiste ou d’un écrivain disparu qui se serait réincarné, afin de retrouver une de ses œuvres. C’est ce qu’il advient au professeur de lettres et joueur d’échecs narrateur de ce livre. Abattu à 66 ans à Times square, retrouvé nu dans une pièce sombre, il se voit chargé, après une courte formation dans une université, des travaux de recomposition du roman de langue allemande le plus important du xxe siècle, 4001 de Robert Krauss. Commence pour lui l’exploration de l’univers étrange de Petite Vie, aux côtés de Bonadea, compagne d’esprit et de cœur. Percera-t-il les secrets de ce monde qui l’accueille ? Sous la ville se cache un grand Mécanisme reproduisant par des tunnels le cerveau humain. Est-il encore en activité ? Et quels sont ses liens avec les statues en fonte qui reproduisent les traits de ceux qui sont passés sur Petite Vie ? Au fil de son enquête, fort éprouvante, le narrateur se voit doté d’une capacité de remémoration totale qu’il peine à contrôler…
Fonte brute est le roman d’une dense rêverie hallucinée sur la mémoire et sur les objets qui l’incarnent, en tout premier lieu le cinéma et la littérature, considérés comme des arts qui ne peuvent qu’échapper à notre appréhension par leur richesse débordante : que garde-t-on d’un livre quand on le referme ? Ce qu’on a appris par cœur ? Ne faudrait-il pas alors, comme le narrateur, être capable de se le remémorer intégralement en tout temps ? Mais ne deviendrait-on pas fou ? Peut-être vaut-il mieux oublier ? Mais si chaque livre ainsi disparaît de nous, ne pourrait-on espérer retrouver ceux qui ont disparu pour de bon ? Et le cinéma et ses 24 images seconde : quel souvenir en garde notre esprit ? Quelles richesses pourrait-il aller puiser dans ces images qui renferment le monde entier, non seulement ce qu’elles montrent mais aussi tout l’environnement ? Sofronis Sofroniou, en connaisseur des neurosciences, sonde les mystères de la continuité de la conscience et de ce qui fonde l’individu. Il jette en défi au lecteur les pérégrinations de son narrateur qui nous perd dans l’univers âpre, cruel et aux mille significations d’un David Lynch ou d’un Philip K. Dick, et spiralaire comme celui d’un Hitchcock. Les visions surréalistes s’enchaînent, la cruauté absurde d’un Orwell n’est pas loin non plus. Le lecteur s’acharne à faire travailler sa mémoire, tracer des recoupements pour trouver des continuités, faire émerger un sens. Et c’est sans doute la réussite de ce roman : incarner, par sa forme onirique et sa puissance de suggestion, la quête d’une mémoire, d’une unité, d’une identité. Que le Bifrostien n’hésite pas à s’y perdre !