Passionné de plongée sous-marine, David Hoog est un habitué du paysage tout en brisures de la côte méditerranéenne entre Marseille et la Ciotat. Un jour, il découvre dans une épave récente un coffret qui recèle une enveloppe... à son nom ! Pour ce jeune homme ordinaire et sans histoire, l'incompréhensible message prend la force d'une insidieuse révélation, et peut-être bien d'une malédiction. Car peu à peu il lui semble perdre ses repères, sa mémoire lui fait défaut...
Et la rencontre avec Jeanne, furtive beauté au charme un peu dur et à l'appartement plein de tensions, va précipiter le processus de perte de soi. D'autant que Jeanne paraît miser sur la disparition de David au profit de... De qui ? Wolf, cette ombre méchante lovée au fond de sa cervelle ?
Entre l'excitante corruption incarnée par Jeanne, par son corps et par ses lectures xénophobes, et la simplicité héliotrope de Bobô, le vieux pote plongeur, arabe un peu magicien, celui qui fut David Hoog se perd, oscille, entre danger et souvenir.
Roland Fuentès s'était vu décerner l'année dernière le prix Prométhée de la nouvelle, ce qui avait abouti au surprenant recueil
Douze mètres cubes de littérature (
éditions du Rocher). On y découvrait un habitué de l'étrange, des décalages, de l'absurde et du quotidien chamboulé par un brin de fantastique. Cette fois, pour son deuxième (court) roman, Fuentès plonge littéralement dans les eaux turbulentes d'un fantastique nettement plus classique, quelque part du côté du
« Horla ». Et si l'ouvrage est beau (parmi les premiers de la nouvelle maison A contrario, sise à Cluny), l'on regrettera fort qu'une quatrième de couverture trop ingénue nous dévoile d'emblée le moindre détail des mystères de cette intrigue.
Cependant, rien ne saurait gâter le plaisir du style d'un tel roman. Car Fuentès est un styliste, ô combien. Oserai-je même affirmer que de mon point de vue cet homme-là est assurément l'un des plus beaux stylistes actuels ? Car non seulement son écriture sait-elle se jouer de toutes les contingences et éviter obstinément les auxiliaires, mais encore se fait-elle lumineuse, faussement simple, d'une fluidité admirablement esthétique. La prose de Fuentès ressemble à son intrigue : mystérieuse et pourtant en plein soleil.
Quant à A contrario, gageons que les amateurs de fantastique se réjouiront de sa création, car avec déjà des recueils, romans et anthologies signés
Matthieu Baumier, Jean-Luc Moreau,
Alain Pozzuoli et
Daniel Walther, nul doute qu'ils trouveront là une production à leur goût.
André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/10/2004 dans Bifrost 36
Mise en ligne le : 24/11/2005