A CONTRARIO Dépôt légal : mai 2004 Première édition Anthologie, 286 pages, catégorie / prix : 18 € ISBN : 2-7534-0008-3 ✅ Genre : Fantastique
Quatrième de couverture
Quel rapport les écrivains entretiennent-ils avec le fantastique ?
L'acte d'écrire est-il lui-même fantastique ?
Le fantastique peut-il s'immiscer dans l'écriture au point de l'envahir tout entière et avec elle son auteur ?
Est-elle un exutoire, un acte salvateur, ou au contraire une damnation imparable pour celui ou celle qui y succombe ? Et si damnation il y a, quelles formes peut-elle recouvrir ? À toutes ces questions les auteurs présents dans cette anthologie tentent, chacun à leur façon, d'apporter des réponses.
Découvrez-les sous la plume de Matthieu Baumier, Markus Leicht, Tony Mark, Jeanne Faivre d'Arcier, Bernard Jurth, Thierry Acot-Mirande, Robert de Laroche, Didier Rouge-Héron, Roland Fuentès, Christine Ausseur et Daniel Walther.
Alain Pozzuoli est le biographe français de Bram Stoker, le père de Dracula. Auteur radio il a adapté pour France-Culture de nombreux classiques de la littérature fantastique (Bram Stoker, Mary Shelley, Sheridan Le Fanu, Oscar Wilde, Jean Lorrain, etc.) en dramatiques et en feuilletons.
Ses derniers ouvrages parus sont : Bram Stoker, Œuvres (avec Jean Lorrain), aux éditions Omnibus en 2994, ainsi que French Gothic et Les morsures du loup-garou, deux anthologies publiées aux Belles Lettres en 2004.
1 - Alain POZZUOLI, Introduction, pages 9 à 14, introduction 2 - Matthieu BAUMIER, Le Sang des écrivains, pages 15 à 33, nouvelle 3 - Markus LEICHT, Des fragments de rouille humaine, pages 35 à 60, nouvelle 4 - Tony MARK, Amours défuntes, pages 61 à 70, nouvelle 5 - Jeanne FAIVRE D'ARCIER, L'Alchimie des soupirs, pages 71 à 93, nouvelle 6 - Bernard JURTH, Le Voleur de seins, pages 95 à 129, nouvelle 7 - Thierry ACOT-MIRANDE, Montagnes russes, pages 131 à 149, nouvelle 8 - Bernard DE LAROCHE, Entre deux rives, pages 151 à 175, nouvelle 9 - Didier ROUGE-HERON, Carnet noir, pages 177 à 201, nouvelle 10 - Roland FUENTÈS, L'Encre de la Pieuvre, pages 203 à 223, nouvelle 11 - Christine AUSSEUR, Elisabeth Foster, pages 225 à 243, nouvelle 12 - Daniel WALTHER, Pauvre Bruno, pages 245 à 270, nouvelle 13 - Alain POZZUOLI, Notices biographiques, pages 271 à 282, dictionnaire d'auteurs
Critiques
Pour cette nouvelle anthologie publiée aux éditions A Contrario, Alain Pozzuoli a eu l'idée de demander aux auteurs d'écrire sur... l'acte d'écrire. La question qu'il leur pose est celle du fantastique, voire de la magie, dans l'écriture. Onze écrivains, dont certains spécialisés dans le fantastique ou la science-fiction, ont répondu présent.
C'est le cas de Matthieu Baumier, qui ouvre le recueil avec la nouvelle éponyme du titre de l'anthologie : Le Sang des écrivains. Dans un Paris parallèle, en 1925, des écrivains peu connus (Proust, Drieu La Rochelle...) décèdent dans des circonstances mystérieuses. Humour et culture sont au rendez-vous de ce texte. Le suivant, Des fragments de rouille humaine, de Markus Leicht, joue sur un tout autre registre. Julien Champier entre en transe alors qu'il écrit un roman d'horreur, genre auquel il n'est pas accoutumé. Tandis que ses doigts courent sur le clavier, des mots bizarres — Abraxanata — et des visions lui viennent à l'esprit. Il vivra l'écriture de son roman jusqu'au bout, jusqu'à une fin étrange et terrifiante.
Tony Mark, qui ne dédaigne pas la parodie en d'autres circonstances, raconte comment la mort d'un être aimé peut pousser quelqu'un à l'écriture. La passion indestructible est le thème, ou le filigrane, d'Amours Défuntes, conte paradoxalement tranquille et ardent à la fois. Au contraire, Jeanne Faivre d'Arcier, avec L'Alchimie des Soupirs, évoque pêle-mêle écriture, peinture, cinéma et people dans un texte vif et coloré, amusant et effrayant à la fois, dont l'intrigue se passe à Venise, la ville où tout peut arriver.
L'intérêt se relâche avec les nouvelles qui suivent. L'histoire du Voleur de seins, de Bernard Jurth, si elle est originale — un homme obsédé par l'inutilité des seins dérobe seins amputés et prothèses mammaires — se trouve malheureusement gâchée par un style trop lourd pour son parti-pris de second degré permanent. Quant à Montagnes Russes, de Thierry Acot-Mirande, c'est un de ces textes dont on se dit que si son auteur a manifestement pris du plaisir à l'écrire, on n'en a pas à le lire. Pas de sujet, pas d'intrigue, en somme, pas le genre de texte à offrir à des amateurs de fantastique, surtout en comparaison des prestations de Leicht et Faivre d'Arcier.
Heureusement, les nouvelles suivantes rachètent l'anthologie avant qu'elle ne sombre dans l'ennui. Entre deux rives, de Robert de Laroche, hymne au fantastique et au cinéma, sous prétexte d'une maison hantée, parle d'« inquiétante étrangeté » et de « perception décalée ». Carnet noir, de Didier Rouge-Héron, pétille d'humour et de légèreté, tout en restant grave, et le charme de cette contradiction en fait l'une des plus agréables nouvelles du recueil. Quant à Roland Fuentès, avec L'Encre de la Pieuvre, il s'illustre dans l'humour noir, aux limites du polar.
Dans un genre très différent, Elisabeth Foster, de Christine Ausseur, qui débute comme une histoire d'amour pour déraper progressivement, souffre d'une écriture un peu simpliste. C'est dommage car l'intrigue, plaisante, comporte plus de profondeur qu'il n'y parait : qu'a-t-on le droit d'écrire sur des personnes réelles ? Jusqu'à quel point peut-on mêler fiction et réalité ? Daniel Walther, qui clôt l'anthologie avec Pauvre Bruno, un hommage à l'écrivain Bruno Schultz, abattu par un gestapiste dans le ghetto de Drohobycz, réussit le tour de force de les réunir. Si la gravité du sujet l'emporte sur le fictionnel, ce n'est pas au détriment du plaisir de lecture.
L'association de ces nouvelles paraît curieusement disparate. Certes, dans toute anthologie on trouve des textes variés, et c'est ce qui fait l'intérêt de ce type de livre, mais là, l'originalité du thème est telle que quand un écrivain se l'approprie, il ne saurait écrire sans y mettre une grande part de lui-même, sans faire plonger le lecteur dans son inconscient. Tous ces auteurs étant fort dissemblables, le passage de l'intimité de l'un à celle de l'autre est parfois difficile pour le lecteur. En conséquence, on dégustera ce recueil petit à petit, nouvelle par nouvelle, en intercalant parfois une autre lecture. Il passionnera néanmoins tous ceux qui ne se contentent pas d'avaler du texte mais vont au-delà du simple plaisir de consommation pour s'intéresser aussi à la démarche artistique à l'œuvre dans la création littéraire.
Lucie CHENU Première parution : 5/10/2004 nooSFere