Nous traversions l'archipel pris par les glaces où tout glissait silencieusement sur l'eau plombée, immobile — sternes, mouettes, poussière de lumière froide pour nous diriger vers un fjord, qui dessinait comme une longue ramification au cœur de la banquise. Nous longions lentement des berges escarpées, encore enneigées, caressées par les rayons du soleil. Nous remontions l'étroite vallée, vers le débarcadère où quelques silhouettes s'agitaient. Je protégeais mes yeux et à contre-jour, je la vis soudain surgir des glaces, surplombant le fjord, gigantesque masse sombre faisant saillie dans la montagne, barrant l'horizon, comme la coque d'un navire échoué, enfouie aux trois quarts dans les neiges. On eût dit un bâtiment enseveli sous une avalanche et qu'on excavait avec labeur. C'était l'arche.
Redoutant un cataclysme planétaire, une fondation a construit dans les glaciers une île, au pôle Nord, une chambre cryogénique censée préserver la diversité des espèces végétales — environ cinq millions d'échantillons — peuplant la planète. Elle charge Elja Osberg d'en être la sentinelle. Très vite, une catastrophe climatique de grande ampleur survient... Elja Osberg comprend qu'il est le dernier homme.
Xavier Boissel, né à Lille en 1967, est professeur de français à Clichy. Intéressé par les univers de la sociologie tout aussi bien que du roman de genre, il a collaboré à de nombreux ouvrages du collectif inculte, ainsi qu'à la revue du même nom. Il est l'auteur d'un premier essai très remarqué en 2012, Paris est un leurre, et a publié son premier roman, Autopsie des ombres, à la rentrée littéraire 2013 (prix SGDL).