Le VISAGE VERT
(Cadillon, France) Achevé d'imprimer : septembre 2019 Première édition Recueil de nouvelles, 190 pages, catégorie / prix : 17 € ISBN : 978-2-918061-42-7 Format : 15,5 x 21,0 cm✅ Genre : Fantastique
Quatrième de couverture
- Le Monde invisible ? murmurai-je, stupéfait.
Il secoua la tête d'impatience.
- Allons, dit-il, vous savez bien que nos cinq sens sont impuissants à nous faire percevoir tout ce qui existe. Des sens, il en faudrait probablement des milliers pour avoir une perception totale du monde. Nous sommes donc entourés d'une quantité de choses et d'êtres que nous ne voyons pas, que nous n'entendons pas, que nous ne sentons d'aucune manière, parce qu'ils sont invisibles, silencieux, impalpables, etc. Voilà le mystère au milieu duquel nous vivons et qui n'est pas niable. Depuis cent ans, la science a découvert assez de choses, assez d'êtres jusqu'alors insoupçonnés, pour que nous soyons certains de ne pas sur Terre être aussi seuls qu'il y paraît. Des compagnons invisibles nous environnent. Ils nous croisent sans bruit, ils nous traversent peut-être, ils sont mêlés à notre existence sans que nous nous en doutions. Leur présence n'est sans doute pas sans effet sur la nôtre. Sans eux, nous ne serions pas ce que nous sommes de même que sans les microbes et les radiations, nous aurions un genre de vie tout à fait différent. Une possibilité terrible, ce serait que, parmi ces invisibles, il y en eût qui fussent nos maîtres...
Maurice Renard (1875-1939) est l’auteur reconnu de romans d’anticipation – ou de « merveilleux scientifique » comme lui-même qualifiait le genre –, tels que Le Docteur Lerne, sous-dieu (1908), dédié à H. G. Wells, ou encore Le Péril bleu (1912). De très nombreuses nouvelles complètent sa carrière d’écrivain. En témoigne le recueil Celui qui n’a pas tué, regroupant des contes de différents genres, écrits entre 1927 et 1930, publiés pour la plupart dans Le Matin. La particularité de ce recueil est d’avoir été composé par l’auteur en 1931, mais laissé à l’état d’épreuves à la suite de la faillite des Éditions Crès en 1935. C’est sa première impression, préparée par Claude Deméocq, que Le Visage Vert propose au lecteur.
1 - Claude DEMÉOCQ, Préface, pages 7 à 11, préface 2 - Celui qui n'a pas tué, pages 14 à 46, nouvelle, illustré par (non mentionné) 3 - La Photographie de Mme Lebret, pages 47 à 69, nouvelle 4 - L'Horoscope, pages 70 à 72, nouvelle 5 - Le Perroquet, pages 73 à 76, nouvelle 6 - Les Amants délicats, pages 77 à 80, nouvelle 7 - Flagrant délit, pages 81 à 84, nouvelle 8 - La Reine Alba, pages 85 à 89, nouvelle 9 - Le Collier, pages 90 à 94, nouvelle 10 - Colin-maillard, pages 95 à 99, nouvelle 11 - Sainte Hedwige, pages 100 à 103, nouvelle 12 - C'est l'usage..., pages 104 à 108, nouvelle 13 - Le Sourcier, pages 109 à 113, nouvelle 14 - Le Bonhomme de neige, pages 114 à 117, nouvelle 15 - Le Coup de la surprise, pages 118 à 122, nouvelle 16 - Au bout du fossé, pages 123 à 127, nouvelle 17 - Le Souvenir de la vie, pages 128 à 131, nouvelle 18 - La Chouette, pages 132 à 135, nouvelle 19 - L'Ancêtre, pages 136 à 140, nouvelle 20 - Une odeur de soufre, pages 141 à 144, nouvelle 21 - Hippolyte, pages 145 à 153, nouvelle 22 - L'Ombre du roi, pages 149 à 153, nouvelle 23 - Comment Strohm nous quitta, pages 154 à 158, nouvelle 24 - L'Atroce illusion, pages 159 à 163, nouvelle 25 - Gardner et l'invisible, pages 164 à 168, nouvelle 26 - Ondes mystérieuses, pages 169 à 173, nouvelle 27 - Le Cœur et le progrès, pages 174 à 177, nouvelle 28 - Avenir, pages 178 à 181, nouvelle 29 - Claude DEMÉOCQ, Bibiographie, pages 183 à 185, bibliographie
Critiques
[Critique parue exclusivement dans la version numérique de la revue]
Maurice Renard, chantre du merveilleux scientifique, a été quasiment oublié pendant un temps, mais diverses publications, ces dernières années, l’ont rappelé à notre bon souvenir, comme l’enthousiaste et habile pionnier qu’il était. En 2019, nous avons eu droit à deux exhumations éclairant la dernière phase de l’œuvre de l’auteur… à vrai dire une époque où il avait tendance à remiser le merveilleux scientifique, pas assez vendeur, quand d’autres genres, à l’image de la romance ou du policier, lui garantissaient des revenus plus sûrs.
En témoigne surtout Celui qui n’a pas tué, recueil de nouvelles publiées essentiellement entre 1927 et 1930 ; le recueil avait été composé par Renard, et devait paraître en 1931… mais la faillite de son éditeur mit un terme au projet. Curieusement, le livre paru au Visage Vert presque cent ans plus tard… en est ainsi la première édition ! Le merveilleux scientifique et le fantastique y sont somme toute assez rares, ce qui ne les empêche pas de produire quelques jolies pépites. Les deux longues nouvelles initiales (il faut singulariser « La Photographie de Mme Lebret », une sacrée réussite), suivies par vingt-cinq très courts récits, témoignent combien la romance occupe une place importante dans le recueil, qui abonde en couples où l’un soupçonne à tort l’infidélité de l’autre, ou ne la soupçonne pas quand elle est bien réelle ; mais on y trouve bien d’autres choses, du policier à l’humour. Toutefois, s’il est un trait qui rassemble la majorité de ces contes, c’est la multitude des coïncidences qu’ils mettent en scène. Le destin joue avec les protagonistes, de la manière la plus improbable qui soit, et c’en serait presque risible si le lecteur n’était amené de mille et une manières à jouer le jeu. Maurice Renard avait du métier, il savait tourner un récit, et sa plume agréable y participait. L’ensemble ne manque dès lors pas de charme ludique, et si le lecteur de Bifrost pourra regretter un chouia que l’Imaginaire n’occupe pas la première place dans ces récits, il y trouvera sans peine son content de nouvelles attrayantes dans d’autres registres plus ou moins proches.
Quelques mois plus tôt, la BNF, dans sa collection des « Orpailleurs », avait publié un autre ouvrage de Maurice Renard – un roman, cette fois, Le Maître de la lumière. Proposé en feuilleton en 1933, il est donc postérieur aux nouvelles de Celui qui n’a pas tué . Cependant, le merveilleux scientifique y revient en force, tout en se mêlant de quantité d’autres genres : là encore, le récit sentimental et le policier ont une importance majeure, mais Maurice Renard y ajoute une dose non négligeable de roman historique, et s’autorise même un détour via les aventures maritimes.
Tout commence avec une histoire d’amours impossibles, très Roméo et Juliette, mais avec des Corses : les amoureux sont issus de clans qui se livrent une impitoyable vendetta depuis un siècle en raison d’un assassinat qui rend toute réconciliation impensable. Or, notre héros fait la découverte d’un étrange matériau, la « luminite », qui « ralentit » la lumière : les images que l’on voit à travers proviennent ainsi du passé, à la manière du spectacle des étoiles. De fait, ce que l’on voit ainsi pourrait peut-être éclairer l’assassinat qui s’est produit en 1835… au jour et à l’endroit mêmes de l’attentat de Fieschi (encore un Corse).
L’idée relevant du merveilleux scientifique est bonne, et méticuleusement explorée. Cette trouvaille produit une double enquête, à la fois policière – très astucieuse, pour le coup – et historique, avec la « machine infernale » à l’arrière-plan. Les genres se conjuguent très bien, et la romance qui les sous-tend de même (passé les tout premiers chapitres, elle ne phagocyte pas excessivement le récit). À ceci près que Le Maître de la lumière s’avère à nouveau une impensable collection de coïncidences – c’est plus sensible encore que dans Celui qui n’a pas tué du fait de l’unité (malgré tout !) du récit. Par chance, là encore l’auteur sait inciter le lecteur à jouer le jeu, et, si l’on excepte un antépénultième deus ex machina bien falot qui ne devait pas davantage convaincre en 1933 qu’aujourd’hui, l’ensemble, même un brin trop bavard, se montre aussi charmant que palpitant.
Bienvenues, ces deux publications illustrent, dans des registres divers, le talent multiforme de Maurice Renard. Elles ne constituent sans doute pas le pinacle de sa carrière, mais qu’importe : elles sont tout à fait séduisantes.