Un lourd cendrier en onyx vert-brun était posé sur le sol à côté du fauteuil. Max, absorbé par sa lecture, y déposa sa cigarette de guingois. Elle ne tarda pas à rouler sur elle-même et tomba sur le tapis beige chiné qui recouvrait le sol. J'allais ouvrir la bouche pour l'avertir... Pas de son ! Mes cordes vocales étaient paralysées. Le Trip venait de se baisser distraitement, se saisissant du mégot entre le pouce et l'index, et le coinça dans un créneau du cendrier. Je rêvais tout éveillé ! Une décharge d'adrénaline me secoua de la tête au pieds. Ce qu'il avait fait était virtuellement impossible. Aberrant ! Une image holographique projetée par mon propre cerveau était tout simplement incapable de déplacer un objet, comme l'aurait fait un être en chair et en os. Le geste du Trip défiait toutes les lois de la physique. Max n'avait rien remarqué. Il poursuivait sa lecture avec une sorte de frénésie. Comment aurait-il pu voir quoi que ce soit ? Un mégot qui retournait spontanément dans un cendrier pour éviter de brûler le tapis. C'était du Stephen King pur et dur ! Une séquence qui sortait de la prose à laquelle je vouais, hier encore, une dévotion sonnante et trébuchante. J'avais l'impression de vivre sur deux plans différents, d'appartenir à deux univers distincts dont les lois s'opposaient en tous points. La quatrième dimension ! Twilight zone ! Max releva la tête :

- C'est génial... commença-t-il, mais qu'est-ce qu'y t'arrive, Olivier ? T'es blanc comme un linge !