Ce texte est une farce qui, mine de rien, brasse des idées qui tracent une perspective possible de l'humanité. On appelle ça un conte philosophique, et celui-ci est gouleyant.
L'intrigue se passe dans un monde devenu la caricature du notre, vers 2040. L'intelligence artificielle peu à peu remplace la main-d'oeuvre humaine, et ceci ne profite qu'à une poignée de pays, qui ferment leurs frontières pour repousser les migrations sauvages, et ceci ne profite même qu'à une partie des pays riches, puisqu'en leur sein le chômage fait des ravages.
Dans ce monde morose la pornographie triomphe sur tous les écrans. Sur quoi, le président du Sénégal, visionnaire, trouve un débouché sans pareil pour une ressource naturelle de son pays : industrialiser la greffe du pénis, ses concitoyens faisant l'admiration du monde entier sous cet angle.
On voit bien le côté farce de tout ça, et la farce est bien menée, sur le ton ampoulée et raisonneur, mais ironique, que pouvaient prendre certains textes des 18ème et 19ème siècle. Sans trop d'ennui cependant, tellement la farce est énorme -- si je puis dire.
Mais cette farce ne verse pas dans la plaisanterie de fin de repas, aucune péripétie n'est gratuite, et toutes mènent vers un final ahurissant, et pertinent. On passe alors du conte philosophique au vertige science-fictif, de la virtuosité des idées au récit qui touche dans la chair, et c'est brillant.
Sylvain FONTAINE
Première parution : 7/4/2021 nooSFere