« Meysnier Manthi et le tiers qui viendra peste et nouveau insult enclos troubler Aix et les lieux furent dedans mordra puis les Phociens viendront leur mal doubler. » Cette prédiction hante les nuits de Nostradamus. Le grand devin ne sait encore comment il doit interpréter ces vers terrifiants. Meysnier, ce ne peut être que le baron Maynier d'Oppède, son bienfaiteur. Et Manthi, autre forme de Mathieu, annonce la venue de Mathieu Ory, l'inquisiteur général de France. Mais qui est ce troisième homme qui apportera la peste et le malheur ? Est-ce Ulrich de Mayence, que l'on dit vivant et vindicatif à l'égard de son ancien disciple ? En cette période troublée de chasse aux hérétiques, Nostradamus sait que ses origines juives et ses dons de voyance l'exposent à de terribles accusations. Quel péril devra-t-il fuir à Marseille et peut-être plus loin encore ?
Ce deuxième tome du Roman de Nostradamus renforce encore ses liens avec le fantastique et avec la série des Eymerich : hérésies fondées sur des sciences condamnées, comme l'alchimie ou l'astrologie ; apparition d'une flore monstrueuse, bourgeonnant en métastases incontrôlées ; naissance d'enfants difformes laissant présager de sombres catastrophes ; drogues capables d'engendrer des visions ou de curieuses mutations biologiques ; disparition des frontières de l'espace et du temps...
En revanche, la partie historique perd un peu de son intérêt. Le contexte politique n'évolue plus vraiment, et les agissements de Catarina Cybo-Varano, une sorte de Milady perverse, qui n'hésite pas à vendre ou à donner sa fille pour la punir de sa jeunesse, ne sont pas tout à fait à la hauteur des implacables manipulations du regretté Molinas. Néanmoins, le rythme feuilletonesque et la densité des personnages et des situations maintiennent le lecteur en haleine.
On attend désormais avec impatience l'affrontement ultime dans le monde d'Abrasax. Michel prépare en effet son alliance avec ses anciens ennemis (Molinas, Catarina, et un jeune prêtre qui sera sans doute au centre du dernier tome de cette trilogie), pour combattre le terrifiant Ulrich de Mayence, l'ancien maître de Nostre-Dame, et éviter l'avènement du “ Roi d'Effrayeur ” et l'apocalypse de 1999.
Bref, inutile d'insister davantage sur la fertilité de l'imagination de Valerio Evangelisti et sur la vivacité de son style. Il suffit d'espérer que le dénouement de la trilogie ne se fera pas trop attendre.
Avec ce deuxième tome des infidélités d'Evangelisti à la SF (cf. Galaxies n° 15), on retrouve Nostradamus, Jumelle devenue son épouse, Catherina Cybo-Varano qui prend contre lui le relais de l'inquisiteur Molinas, Scaliger ou Rabelais, plus désormais Guillaume Postel, Ignace de Loyola, Benvenuto Cellini, l'Arétin, Michel Servet ou Jérôme Cardan. Sur fond de massacre des vaudois du Lubéron et de persécution des huguenots, on manœuvre, on enferme, on tue ou on essaie, on juge. Le roman historique est réussi — avec en prime des grincements amers sur la condition féminine. On parle aussi alchimie, astrologie ou démonologie, et le choc entre le héros et son maître Ulrich, prévu au premier épisode, débute : cela alléchera l'amateur de fantastique. Et pour nous, se confirme que l'univers en aplomb du temps, ouvert au héros et à d'autres, a des cousins en SF. La « sphère archétypale », p. 137, évoque la cosmogonie de Roland Wagner, et, du coup, la catastrophe pronostiquée pour 1999 prend une allure de Grande Terreur primitive avortée. Avec des allusions à Eymerich, cela justifie qu'on parle du livre.