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Dans le jardin d'Iden

Kage BAKER

Titre original : In the Garden of Iden, 1997
Première parution : Hodder & Stoughton, 1997   ISFDB
Cycle : La Compagnie vol. 1 

Traduction de Jacques COLLIN

RIVAGES (Paris, France), coll. Fantasy précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : février 2002, Achevé d'imprimer : janvier 2002
Première édition
Roman, 302 pages, catégorie / prix : 21 €
ISBN : 2-7436-0951-6
Format : 15,5 x 23,5 cm
Genre : Science-Fiction

Couverture à rabats.
Illustration de couverture : Portrait d'Elisabeth 1re, peinture anonyme du XVIe siècle, détail


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
Tout commence en Espagne. Mendoza, une fillette de parents inconnus, est tirée des griffes de l'Inquisition par des agents très spéciaux, venus du XXIVe siècle. Immortels, ils voyagent dans le temps pour sauver des espèces en voie de disparition. Ils en feront une des leurs.
 
Pour sa première missions — sauver l'Ilex tormentosum, une variété de houx qui va disparaître cent ans plus tard — , Mendoza est envoyée dans un pays froid, arriéré et dangereux, où la pluie forme un manteau gris, un pays où la nourriture est infestée de bactéries, où les toilettes sont primitives : l'Angleterre de la Renaissance. Marie Tudor est montée sur le trône et les Anglais haïssent les Espagnols...
 
Racontée à la première personne par l'héroïne, cette première aventure de la voyageuse temporelle Mendoza est pleine de fantaisie, d'humour et de rebondissements. L'érudition historique et le talent de conteuse de Kage Baker font de ce Jardin d'Iden un roman pétillant, audacieux et véritablement ambitieux.
 
[texte du premier rabat de couverture]
 
Kage Baker est née à Hollywood en 1952. Aujourd'hui elle vit toujours en Californie, à Pismo Beach, dans un cottage qui, à son désespoir, n'est pas « hanté par un fougueux capitaine de vaisseau », au contraire de celui qu'occupait Gene Tierney dans L'Aventure de Madame Muir. Elle fut artiste, actrice, professeur d'anglais et se livra durant de longues années à des recherches historiques sur la période élisabéthaine avant de se consacrer à l'écriture.
Critiques
     « Où comment exploiter aux trois-quarts seulement une jolie idée ». Tel pourrait être le sous-titre de ce roman. Et c'est fort dommage.

     Nous sommes au XXIVe siècle, et une botaniste décide de nous raconter sa vie, qu'elle a passée au service de l'entreprise Dr Zeus. Là où les choses commencent à être croustillantes, c'est que sa vie a débuté un peu avant 1540, quelque part près de Saint Jacques de Compostelle ! Comment ? Pourquoi ? Dr Zeus est une firme qui a inventé l'immortalité et qui, afin de vérifier que son invention fonctionnait, a également appris à maîtriser le voyage dans le temps. C'est logique : vous vous projetez dans le Moyen Age, vous traitez un « cobaye » pour le rendre immortel, et vous revenez ensuite au XXIVe siècle pour vérifier qu'il est toujours vivant. Et, au passage, vous justifiez le mythe du Juif Errant. Seulement voilà : l'immortalité ne marche pas sur tout le monde et coûte très cher. Or, les vieux milliardaires qui peuvent se l'offrir font de très mauvais sujets. Reste un seul moyen d'exploiter et de rentabiliser ces découvertes : rapporter du passé des choses aujourd'hui perdues — pourvu que l'on respecte la règle qui veut que « l'histoire écrite ne peut être changée ». Tel tableau a été détruit ? Il le sera tout de même... Mais si vous avez pu lui substituer une copie avant sa destruction, c'est elle qui disparaîtra dans le passé, et il vous restera l'original. Vous suivez ? Parfait. Bon, il ne reste alors qu'une chose à faire : recruter dans le passé des enfants, en faire des immortels, et les laisser traverser le temps en leur donnant pour mission de sauvegarder tout ce qui peut servir aux humains et qui a malencontreusement disparu avant le XXIVe siècle.

     Notre botaniste s'est donc fait recruter dans un des cachots de l'Inquisition, où elle avait échoué par erreur. Son enfance et sa formation au centre d'entraînement 32-1800 de Terra Australis sont racontées par Baker avec un humour et une verve peu communs. On ne s'ennuie pas une minute devant les réparties spirituelles de la petite Mendoza, tant face à ses Inquisiteurs que lorsqu'elle porte un regard amusé sur ses années d'école. Le récit est plus qu'attachant : esthétique, bien mené, il est parfaitement servi par l'impressionnante culture de l'auteur sur la période concernée. On se dit qu'avec tout cela, le reste de l'œuvre ne peut être que splendide et drôle...

     Première mission pour Mendoza : débarquer en Espagne, sous l'identité de la senorita Rosa Anzolabejar, dans une famille d'accueil composée de membres de l'organisation de Dr Zeus, en prévision d'un voyage en Angleterre qui doit les mener tout droit dans le jardin botanique d'Iden, un noble farfelu collectionneur d'espèces animales et végétales rares. Si le texte conserve sa drôlerie, c'est ici néanmoins que les choses commencent à s'enliser. Parce qu'on ne ressort plus de ce jardin : Mendoza y rencontre un jeune homme protestant, dont elle tombe bien sûr amoureuse, ce qui fait un tantinet désordre pour une prétendue jeune fille de bonne famille espagnole, d'autant que Marie Tudor vient d'accéder au trône, qu'elle épouse le prince Philippe d'Espagne, laissant envisager le retour de l'Inquisition, et que les espagnols sont cordialement détestés des insulaires... Le roman s'enferme dès lors dans une histoire d'amour impossible somme toute banale, émaillée d'événements politiques dont on a parfois du mal à suivre les méandres. Bref, un sentiment de déception s'instaure inéluctablement, sentiment accru par une fin assez convenue.

     Au final, Dans le jardin d'Iden tient tout son charme de la culture historique et du talent de conteur de Kage Baker, mais il gagnerait à être délesté des longueurs « romanesques » qui le tirent parfois trop loin du projet originel, vers le roman élisabéthain classique. Il n'en reste pas moins que la lecture en est agréable et qu'on en ressort moins ignorant sur la période du règne de Marie Tudor.

Sylvie BURIGANA
Première parution : 1/7/2002 dans Bifrost 27
Mise en ligne le : 11/9/2003


     «  Jadis, il y eut une cabale de marchands et de scientifiques dont le but était de s'enrichir et d'améliorer le sort de l'humanité. Ils inventèrent le Voyage temporel et l'Immortalité.  »

     Le voyage dans le temps présente un certain nombre de contraintes : il est impossible de modifier l'histoire « écrite  », d'aller dans son propre futur ou de ramener un objet du passé. La raison de ces impossibilités n'est pas clairement explicitée par l'auteur – son propos est ailleurs – mais elle constitue la justification de l'intrigue.
     En effet, la compagnie « Dr Zeus  », fondée en 2335, a pour objectif de s'enrichir, comme toujours, mais aussi d'œuvrer pour le bien de l'humanité en sauvegardant les trésors du passé  : œuvres d'arts détruites, plantes ou espèces animales disparues par exemple. Pour cela, il est nécessaire de contourner les lois du voyage temporel  : une fois dans le passé, on peut prélever l'ADN d'une espèce à préserver, dérober une toile de maître ou numériser la bibliothèque d'Alexandrie avant qu'elle ne flambe. Une fois ces trésors en lieu sûr dans une cachette convenue, il suffira aux hommes de 2335 de la retrouver pour en extraire les échantillons et les objets qui auront traversé le temps. A condition bien sûr d'avoir employé le bon stratagème et d'avoir trouvé une cachette qui soit demeurée intacte au cours des siècles.

     Mais évidemment, aucun des hommes du futur n'a envie de passer son temps à visiter des époques sales et inconfortables. L'immortalité étant désormais au point, le plus simple est d'engager de la main d'œuvre locale à différentes époques. Après quelques tâtonnements, des enfants sont ainsi transformés en cyborgs immortels.
     Formés dans des stations ultramodernes disséminés dans le monde et dans le temps, connaissant tout de l'histoire à venir, capable de comparer les événements qu'ils vivent avec leur version cinématographique du XXème siècle, ces cyborgs sont nombreux et bien organisés. Leurs implants captent par exemple une radio qui commente en permanence les actualités de l'époque où ils se trouvent. Leur immortalité fait que le nombre de cyborgs augmente au fil des siècles, au point qu'ils se demandent ce qu'ils deviendront à la fin des temps. Au regard de cette éternité, les conflits humains leur paraissent dérisoires et méprisables, semblables à des gesticulations de singes dans un zoo.

     L'héroïne du présent roman est devenue l'une de ces cyborg. Mendoza, une petite espagnole, est tombée aux mains de l'Inquisition en 1541. Sauvée par un recruteur de Dr Zeus, elle reçoit la formation qui lui permet de devenir une brillante botaniste capable de sauver des plantes en voie d'extinction. Sa première mission l'emmène en Angleterre, dans le jardin d'Iden, où poussent une multitude de plantes rares...

     Bien qu'il paraisse dans une collection dite de fantasy et se déroule dans un contexte historique, ce roman est bien une œuvre de science-fiction. L'idée de ces cyborgs du passé, véritables encyclopédies ambulantes, capables de scanner le métabolisme de leur interlocuteur d'un seul regard ou de visionner l'intégrale des films de Bogart, est véritablement impressionnante.
     Les premiers chapitres sont brillants, pleins d'esprit, pétillants de malice et d'intelligence, et le caractère dramatique du sort de la petite Mendoza est atténué par une ironie et une légèreté de ton réjouissante. Si la seconde partie du roman conserve une part de cette légèreté, elle devient plus grave. La peinture historique, où les conflits religieux occupent la première place, se double alors d'une touchante histoire d'amour impossible entre l'immortelle Mendoza et un mortel.

     Dans le jardin d'Iden est un roman inventif et amusant, intelligent et stimulant, nouvelle preuve que la fusion entre Histoire et SF est depuis quelques années l'une des synergies qui auront donné le plus de livres intéressants. Après Evangelisti et sa série des Nicolas Eymerich, Kage Baker est un auteur à découvrir de toute urgence.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 1/4/2002 nooSFere


     On avait tendance à croire que le thème des voyages temporels n'était plus très porteur de nos jours, tant les auteurs de SF avaient creusé toutes ses possibilités. Mais l'écrivain américaine Kage Baker vient de démentir de tels propos en partant de prémices assez originales et presque irrésistibles dans son cycle de la Compagnie, dont ce premier tome vient de paraître en français (il y a déjà trois suites publiées aux Etats-Unis : Sky Coyote, Mendoza in Hollywood et The Graveyard Game).
     Voyons cela : au XXIVe siècle, la Compagnie Dr. Zeus, Inc. met au point une technologie qui rend possibles des voyages aller-retour vers le passé. Pas question d'aller dans l'avenir, ni de changer le cours de l'Histoire ou créer des paradoxes temporels. Mais, nuance, cette dernière remarque s'applique seulement à l'Histoire enregistrée. Ce qui laisse une marge de manœuvre pour des opérations juteuses, comme la préservation d'espèces disparues ou d'œuvres d'art et de littérature perdues, mises en sauvegarde pendant des siècles par les agents du Dr. Zeus jusqu'au jour où cette Compagnie pourra les sortir de leurs cachettes. Reste un problème : les voyages temporels coûtent cher et les habitants du XXIVe siècle rechignent à l'idée de risquer leur peau dans les époques barbares. Mieux vaut recruter des gens sur place, les former à leurs tâches, et les doter des technologies de pointe. Y compris l'autre grande trouvaille du Dr. Zeus : un traitement d'immortalité. Malgré ses effets secondaires indésirables et le fait qu'il ne réussit que sur des jeunes enfants, ce traitement permettra la création d'une armée d'Immortels qui traversera l'Histoire, travaillant en secret pour les intérêts de la Compagnie. Mais qui contrôle la Compagnie ?
     Au cours de ce premier roman, on verra la mise en œuvre de tout cela dans le détail. Mendoza, une fillette arrachée au milieu du XVIe siècle des mains de l'Inquisition espagnole (qui la soupçonne d'être juive) par un agent recruteur de la Compagnie, va subir son traitement et suivre une formation dans une base cachée en Australie, avant d'être envoyée en Angleterre pour sa première mission quelques années plus tard. Elle doit sauver de l'extinction une variété de houx, l'Ilex tormentosum, dont quelques échantillons survivent encore dans le jardin botanique d'un gentilhomme anglais, sir Walter Iden. Mendoza prend l'identité de la fille d'un médecin espagnol afin de s'introduire dans la maison d'Iden. Cependant, le contexte historique va tout compliquer. Mary Tudor est Reine d'Angleterre et favorise la Contre-réforme en s'alliant avec l'Espagne catholique. Mais les Espagnols sont haïs par la majorité des Anglais, et Mendoza va enfreindre toutes les règles en tombant amoureuse de Nicolas, le jeune assistant d'Iden et un protestant notoire.
     Kage Baker construit une intrigue bien ficelée qui combine avec dextérité science-fiction et roman historique (elle est, paraît-il, une experte de cette période). Son portrait des personnages de l'époque, avec leurs mentalités bornées et leurs destins tragiques, est tout à fait saisissant. Mais l'attention du lecteur est attirée surtout par le dilemme de Mendoza et des autres agents de la Compagnie, condamnés à cohabiter avec les mortels en connaissant le sort que l'Histoire leur réserve, sans pouvoir les sauver. On se pose bien des questions sur le rôle véritable de ces agents, ainsi que sur celui de la Compagnie, à la fin du roman. Cette stratégie est diablement efficace, car cela donne envie de connaître la suite, où Baker commence effectivement à livrer des réponses en suivant la carrière de Mendoza et de ses collègues immortels dans d'autres époques. Au-delà des épisodes individuels, il y a donc une méta-histoire, pleine de suspense. Un vrai plaisir de lecture !

Tom CLEGG (lui écrire)
Première parution : 1/3/2002 dans Galaxies 24
Mise en ligne le : 11/9/2003

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