Un livre de poids, aux deux sens du mot : d'abord 3 kilos et 900 pages, ensuite une exploration exhaustive du folklore français.
L'analyser de façon un tant soit peu complète demanderait presque un autre volume. C'est qu'il s'agit de 819 notes, petits articles, contes populaires, dictons, légendes et traditions orales, ou encore récits littéraires plus élaborés, ayant tous trait eu diable et son train de sorciers, loups-garous et vampires, sans omettre les lieux maudits.
Le livre est ordonné en quatre « brasiers » : Présentation du Diable, Les suppôts du Diable, Damnation et enfer, Le chemin de croix du diable. On ne peut dire qu'on le parcourt comme un roman. Le poids d'abord l'interdit : c'est de ces ouvrages qu'on lit penché sur le bureau. La masse aussi écrase au premier abord, nourriture si riche, si abondante, si variée, qu'il la faut déguster à petites bouchées, depuis les mets grossiers, un peu desséchés par combien de siècles de tradition, jusqu'aux plats raffinés de nos Jours.
Les traditions vivantes n'ont pas été oubliées, car les superstitions relatées restent vivaces, et ne sont pas près de mourir, loin de là. J'en ai surpris de semblables en Campine et dans ces vieux quartiers de Bruxelles que l'on se hâte de raser.
Rien n'est omis, tout est dénombré : les apparences et déguisements du Diable, ses goûts, ses colères, où le rencontrer, comment conclure le pacte, comment devenir sorcier, envoûter et lutter contre l'envoûtement ; nous apprenons où se niche l'enfer sur cette terre, quels sont les arbres maudits et les mœurs des loups-garous, les présages de mort et comment se garder de l'enfer ; comment mystifier et posséder le Diable. C'est une somme, une mine, un océan de documents.
C'est déjà beaucoup, mais Les évangiles du Diable sont bien plus que cela. Trop souvent, les enquêtes folkloriques sont ouvrages savants, fruit d'un travail de bénédictin que l'on admire… de loin, tant la prose en est grise, indigeste et lourde. Et c'est en bâillant que l'on se détourne de tels brouets. Rien à craindre avec Seignolle qui sait « écrire » ce qu'il a recueilli, et rapporte avec une constante bonne humeur, sachant retenir entre diverses versions la plus caractéristique, épingler dans une note le détail cocasse.
Mais il y a plus encore : Seignolle a semé le texte de contes personnels, inédits, comme Le millième cierge, et cela par dizaines. Et, page 867, Jean Ray apporte également sa contribution.
Aussi Les évangiles du Diable méritent, au-delà des spécialistes, d'intéresser tous les amateurs de fantastique. S'ils doivent n'acheter qu'un livre cette année, que ce soit celui-là.