BRAGELONNE
(Paris, France), coll. Science-fiction Date de parution : 14 juin 2017 Dépôt légal : juin 2017, Achevé d'imprimer : mai 2017 Première édition Roman, 646 pages, catégorie / prix : 25,00 € ISBN : 979-10-281-0513-6 Format : 15,3 x 23,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
DEUX CENTS ANS APRÈS LA CHUTE DU MÉCANISME, la société humaine a recouvré une certaine stabilité. On trouve des colonies sous les océans, partout dans le système solaire et même au-delà. Seule la présence insidieuse des Gardiens menace toujours les voyages interstellaires. Cependant, lorsqu’un message radio apparemment impossible parvient à la planète Creuset, tout change. « Envoyez Ndege » : le message semble provenir d’une région non explorée de l’espace. Qui peut bien en être l’auteur ? Et pourquoi mentionner Ndege Akinya, la scientifique tombée en disgrâce ? Afin d’obtenir des réponses, l’une des expéditions les plus audacieuses de l’Histoire est lancée, s’aventurant plus loin dans l’espace qu’on ne l’avait encore jamais osé...
Alastair Reynolds est né à Barry, dans le sud du pays de Galles. Un doctorat d’astronomie en poche, il a travaillé comme astrophysicien pour l’Agence spatiale européenne avant de devenir écrivain à plein temps. Nommé à deux reprises au prix Arthur C. Clarke, il a remporté le prix de la British Science Fiction Association en 2001.
Critiques
Dans le sillage de Poséidon est le troisième et dernier tome de la trilogie des « Enfants de Poséidon ». Il est si clair qu’il peut presque se lire seul, même s’il est évidemment plus judicieux d’en faire la lecture conclusive du cycle pour avoir l’effet de temps long et de dynastie souhaité par Reynolds.
Oubliez Terre et système solaire, le passage y sera bref. L’action démarre sur Creuset – point focal de la panspermie humaine –, longtemps après que trois ambassadrices – l’IA incorporée Eunice, la clone Chiku, et l’éléphante augmentée (une Tantor) Dakota – ont accompagné les mystérieux Gardiens pour ne jamais revenir, puis que Ndege Akinya a réveillé le Mandala de Creuset, provoquant involontairement la mort de centaines de milliers d’Humains et de Tantors. Alors que la lignée des Tantors s’éteint sur Creuset, un message texte inattendu et non signé arrive de Gliese 163, une étoile située à 70 AL environ de Creuset : « EnvoyezNdege ». Discussions, négociations, préparatifs, une expédition partira finalement pour G163 à la recherche de la Trinité perdue, d’éventuels Tantors survivants, ou de toute information qui pourrait éclairer une humanité encore dans l’enfance sur les Bâtisseurs de Mandala, sur les Gardiens, ou sur toute autre de ces sentiences si évoluées qu’elles relèguent l’humanité au rang de Préhistoriques. Hasard ? Chance ? Un autre Akinya, sur Mars, a connaissance du signal et, affublé d’une IA de l’Evolvarium bien plus à la manœuvre qu’il n’y parait, se met aussi en route pour G163 et le contact avec les non-humains. Les deux expéditions constituent deux fils parallèles, inconnus l’un de l’autre, qui finissent par rejoindre deux factions concurrentes à l’arrivée. Faux-semblants, manipulation, aventures épiques, leur confrontation permettra enfin à tous – et donc au lecteur – de savoir quel fut le sort de la Trinité et celui du vaisseau perdu Zanzibar, de comprendre ce que sont les Gardiens et ce qu’ils veulent, et, last but not least, d’en savoir plus sur les Bâtisseurs de Mandala et l’avenir de l’univers.
On ne peut traiter ce roman qu’en actif/ passif. À l’actif du livre, un sense of wonder important avec lunes artificielles, vitesse-lumière, élévation, civilisation post-physique ; Reynolds ne s’interdit rien. De plus, dans un univers infiniment divers, les mystères abondent, et le lecteur sait que les réponses seront au bout du pageturning. Le roman se lit donc vite car, une fois pris, on veut savoir, ne pas mourir plus bête que les protagonistes du récit. Mais il y a aussi beaucoup de passif. D’abord, même si c’est bien fait, rien n’est original, des BDO à la civilisation de machines en passant par l’Élévation (c’est Brin qui vient le plus à l’esprit : augmentation, civilisation mécanique, société galactique normative – même si on a du mal à imaginer les Tantors siffler des trilles en ternaire). Ensuite, l’écriture est très basique, entre analogies malvenues et surexplication de tout (ce qui allonge le texte et énerve le lecteur). Enfin, il faut supporter la nunucherie de personnages affublés de dialogues consternants de mièvrerie. Et puis, tout ça pour ça ! Trois siècles de voyage pour aller découvrir une vérité morale qu’Arendt avait peu ou prou énoncée et la reformuler dans la langue de Paolo Coelho.
Deux siècles après les évènements relatés dans le deuxième tome des Enfants de Poséidon, un message arrive en provenance de Gliese 163, envoyé par le trio de créatures pensantes emportées par les machines extra-terrestres connues sous le nom de Gardiens. Chiku Akinya, l’intelligence artificielle qui simule la personnalité de son arrière-grand mère Eunyce et Dakota, l’éléphant à l’intellect augmenté, appellent à l’aide. Deux descendants d’Eunyce décident de partir à leur secours.
Dans la première moitié du roman, les chapitres alternent entre les deux voyageurs. D’un côté, Goma, petite-fille de Chiku, quitte la planète Creuset à bord d’un vaisseau d’exploration dont l’équipage reflète le délicat équilibre politique entre les différentes factions de la colonie. Leur trajet sera rythmé par les intrigues et les tensions, d’autant qu’un sabotage est à craindre de la part de fanatiques religieux. De l’autre côté, Kanu Akinya part du système solaire avec son ex-femme et une IA représentante d’une nations de robots pour qui Eunyce est la Créatrice. Toute cette partie est bien menée, riche en rebondissements et, si elle peut paraître assez classique aux habitués d’Alastair Reynolds, se lit avec beaucoup de plaisir.
La réunion des deux trames, hélas au prix d’une coïncidence un peu grosse à avaler, permet d’entrer dans la phase la plus captivante du roman. Lorsque tout le monde se retrouve autour de Gliese 163, c’est l’occasion pour l’auteur de raconter la même histoire selon les points de vue divergents des protagonistes. Si le rythme en pâtit un peu, le procédé n’en demeure pas moins intéressant. Comme souvent chez Reynolds, il n’y a pas de manichéisme, mais des conflits qui résultent de choix politiques et philosophiques divergents, voire de la nature différente des personnages : humains transformés ou non, éléphants à l’intelligence augmentée, machines pensantes...
En parallèle, le mystère qui sous-tend la trilogie, les mandalas extra-terrestres, est partiellement révélé et on en apprend un peu plus sur leurs inventeurs ainsi que sur les Gardiens. Le point d’orgue de cette séquence est une haletante opération de sauvetage dans le décor grandiose de la planète Poséidon.
C’est ensuite que naît une certaine déception : de nombreuses interrogations soulevées dans la trilogie ne trouvent pas de vraie réponse et les personnages principaux ne semblent pas faire grand chose du peu qu’ils ont appris, se contentant de résoudre leurs histoires personnelles à travers quelques dizaines de pages à l’intérêt limité. Au cours des trois romans, de nombreux thèmes passionnants ont pourtant été abordés (l’Humanité confrontée à d’autres formes d’intelligence qu’elle a elle-même créées et qui échappent à son contrôle, l’articulation complexe entre la conscience et l’intelligence, les buts des extra-terrestres qui ont fabriqué les mandalas, l’instauration puis la disparition du Mécanisme qui assurait une certaine paix sociale au prix d’une dictature soft,...) mais il n’y est pas apporté de conclusion claire. Tout au plus apprenons-nous qu’une bonne partie des réponses existent sur Poséidon, mais nous n’en connaîtrons pas la teneur, faisant de la planète qui donne son titre à la trilogie rien de plus qu’un énorme MacGuffin. Après cette découverte, on sent que l’Humanité et les autres factions vont être transformées, mais on n’en saura pas davantage, comme si Les enfants de Poséidon n’était qu’un long prologue à un roman qui reste à écrire (notons que, sur son site, l’auteur n’exclut pas de revenir à cet univers dans un quatrième roman).
Dans le sillage de Poséidon possède nombre des qualités des livres d’Alastair Reynolds, notamment cette inventivité et cette vision optimiste du futur qui tranche agréablement avec la majeure partie de la production SF. C’est aussi un hymne à la cohabitation pacifiste entre les êtres vivants, au-delà des différences de nature et des conflits passés. C’est enfin un beau récit d’aventures humaines et scientifiques avec de grandes scènes d’action, du suspens et des personnages au caractère bien trempé (et, en grande majorité, féminins). Ça aurait pu être un très bon roman de science-fiction si on n’en sortait pas avec l’impression d’avoir été floué par une conclusion un peu faible pour une trilogie de 1700 pages.