En ce 24ème siècle, l'humanité a atteint son objectif ultime : surpasser l'ennemi suprême, la mort. Elle a gagné le combat pour la vie. Cela n'a pas tenu à grand-chose. Les fragiles équilibres qui régissent l'évolution d'une espèce ont été rompus. Le comportement même de cette race, qui se croyait surpuissante et maîtresse de son destin, l'a presque menée à sa perte. Mais, confrontée à sa propre extinction, elle a su trouver la solution en s'appuyant une fois de plus sur la science : pour éviter sa disparition, il lui suffit de ne plus mourir.
Libéré de toute contrainte éthique, un scientifique développe la solution miracle esquissée à l'aube du 21ème siècle. Tout d'abord, il généralise le clonage puis invente le transfert de la substance psychique d'un clone à l'autre. Un Age de cristal où la disparition d'un être à son quarantième anniversaire signifie non pas, mais renaissance dans un corps de vingt ans plus jeune sans discontinuité temporelle.
Pourtant, dans leur grande sagesse, les puissants de ce monde ont décidé de conserver les souches originelles dans leur environnement basique, renvoyant ainsi des peuplades entières, en cours de développement, à des modes de vie ancestraux. Des barrières capables de filtrer selon l'ADN et des satellites suffisamment puissants pour surveiller les évolutions ont été élaborés. La « clonehumanité » fière de ses quelques milliers de représentants contrôle et maîtrise tout. Il n'y a plus grand-chose à espérer de mieux dans ce monde parfait.
Pourtant, lors d'un transfert — cérémonie au cours de laquelle la mémoire est transplantée d'un corps à son double arrivé à maturité — un contact s'établit entre les deux cotés de la barrière. Il est à l'initiative de de Djargal, jeune chamane en devenir d'une de ces tribus parquées, qui touche le clonehumain Kardigal. La tribu de Djargal est en danger de mort. L'eau est contaminée par un poison qui vient d'avant la barrière, d'avant la « clonehumanité ». Le doute s'installe alors dans l'esprit de Kardigal, au point de l'entraîner dans une longue quête à la rencontre de l'esprit du Renne.
Avec ce deuxième roman — et troisième livre publié — Olivier May poursuit l'exploration des thèmes qui lui sont chers. Après avoir dénoncé les corporatismes et autres formes de communautarismes, puis les pouvoirs médiatiques détournés au profit de quelques individus, le voilà qui s'attaque à cette volonté chimérique d'atteindre la perfection de l'humanité éternelle.
Est-ce une fin en soi ? L'adage dit « qui n'avance pas recule ». Ne pourrait-on pas l'extrapoler à « qui ne varie pas s'étiole » ? Telle est la question qu'aborde Olivier May dans cet ouvrage plein d'inquiétude, débordant d'une humanité tout à la fois naïve et tellement d'actualité !
L'intérêt de ce texte réside dans les idées qu'il développe de manière quasi pédagogique : il incite à se poser un certain nombre de questions, et pourrait constituer une bonne base de débat contradictoire au sein d'une classe, par exemple.
Je ne pense pas qu'Olivier May cherche ici à atteindre l'excellence littéraire, mais plutôt à communiquer sous une forme romanesque, des idées qui lui tiennent à cœur, loin de toute polémique politique ou intérêt personnel. À ce titre, L'esprit du Renne me semble être une anticipation probable de notre fonctionnement sociétal. Ni plus, ni moins.
Sans nul doute, certains n'y verront qu'un texte militant, d'autres un roman assez classique, d'autres enfin un fatras de science et d'idéologie fumeuse. Comme le disait un certain agent Fox Mulder « la vérité est ailleurs. ».
Fabrice FAUCONNIER (lui écrire)
Première parution : 9/5/2006 nooSFere
Mise en ligne le : 9/5/2006