2005 : il ne reste aux rêveurs qu'un grand écart entre Libéraux et Libertaires.

     Ce sont là les deux seuls modèles de société que nous laisse ce début de siècle.

     Les ultra-libéraux, cigales psalmodiant de toutes leurs antiennes une dérégulation salvatrice, chantent à l'envie une liberté totale pour les renards de contracter avec les poules, tandis que les fourmilières libertaires creusent sans relâches d'innombrables galeries où la liberté ne se conjugue qu'aux temps de l'égalité et de la solidarité.

     Un monde de sales « teint-banques » chante aujourd'hui l'instant présent de sa domination sur le vieux monde et brûle la chandelle des conditions mêmes de la vie par les deux bouts. Des grappes de libertaires grouillent en galerie, pressés de vains nouveaux...

     Qui, des cigales ou des fourmis l'emportera ?

     Une chose est sûre, parce que, même si elle triomphe, ce sera pour régner sur un cimetière, la cigale ne chantera pas tout l'été !

     On ne détruit pas impunément les saisons !

     Lorsque l'on ouvre pour la première fois cet ouvrage (après avoir admiré la très belle couverture de Fernando Goncalvés) publié aux éditions Libertaires, on découvre une préface particulièrement militante des éditeurs, une postface en forme de profession de foi, la liste des éditeurs libertaires... Pas de doute, l'étendard du libertarisme est porté haut et fort ! Et le libéralisme sauvage en vogue actuellement fait office de méchant Satan. On se trouve donc ici en territoire engagé, ce que la lecture des textes confirme bien évidemment très rapidement. Pas une nouvelle sans que l'auteur expose sa conception de la vie, faite de libertés individuelles pour peu que celles-ci n'empiètent pas sur celles du voisin. Cette propagande appuyée, quand elle est martelée, nuit au récit dont elle sape tout enjeu dramatique. Heureusement, ce défaut ne transparaît que dans certains textes, globalement la fusion entre intrigue et idées politiques est réussie. Le message est alors assimilable sans peine, d'autant plus que l'auteur arrondit les angles un peu abrupts de la théorie par son sens de l'humour — souvent noir : il n'y a qu'à lire les titres des nouvelles pour s'en rendre compte : « Je mets les pieds dans le plat de mon père », « La femme à venir est un homme ! », « Eve, angélique... », « Jeu », « 49-3 », « G-8 », ces deux derniers sigles renvoyant à ce qu'on connaît mais aussi à une parcelle de terrain et une case de bataille navale. Bref, un recueil qui a des vérités à dire et le fait sans état d'âmes. Que l'on partage ou non les idées de Dibot (dont on pourra également apprécier le style très travaillé), on ne se plaindra pas du fait que, pour une fois, un auteur donne à lire autre chose qu'un roman d'aventures délassant.