Jean Rébillat, dans la vraie vie, travaille dans le domaine aérospatial (je le sais, on est collègues). Rien de surprenant donc à ce que son roman débute par un lancement de fusée. Car la Terre est devenue invivable, aussi quelques nantis ont-ils décidé de la quitter au sein de vaisseaux gigantesques emmenant des êtres humains cryogénisés et du matériel en vue de coloniser d'autres planètes. Mais ceux qui étaient laissés sur le bord du chemin, qui étaient condamnés à rester sur la planète mère, se sont révoltés, et ont empêché le départ du dernier vaisseau. Au début du roman, quelques années plus tard, de nouveaux scientifiques réussissent à échapper à la rébellion civile qui perdure, et à préparer le véhicule restant. C'est le point de départ d'une grande saga...
Il s'agit là d'un premier roman, et cela se sent, essentiellement dans son style, qui a tendance à forcer le trait plus que de raison : tout est décrit de manière un peu trop appuyée, sans toutefois que l'auteur en fasse des tonnes et empêche toute adhésion du lecteur à son texte. Non, c'est beaucoup plus subtil, c'est davantage lié à certaines descriptions un brin didactiques, qui étouffent parfois le souffle de ce livre. Car La dernière traversée est clairement animé par un besoin de découverte, d'exploration, bref un esprit de pionnier qui le porte en dépit de ses maladresses stylistiques. Sans doute la construction assez originale du roman n'est-elle pas non plus pour rien dans sa dynamique : plutôt que de livrer un texte linéaire, l'auteur recourt à de très longues ellipses qui séparent chacune de ses parties, de telle sorte que ce premier tome d'une série au titre mystérieux, Ultimum, pourtant court de 140 pages, s'étend sur de nombreuses années de temps subjectif. Ces ellipses ne nuisent nullement à la compréhension du roman, au contraire elles permettent à Rébillat de se focaliser sur les étapes importantes de son récit, et au lecteur de s'amuser à reconstituer les événements intervenus entre-temps.
Au final, La dernière traversée se révèle un premier roman pas encore abouti, mais agréable à lire, et annonciateur d'une nouvelle plume à suivre en la personne de Jean Rébillat, à la thématique encore très classique, mais intéressant dans sa façon de construire une intrigue. Rendez-vous donc la suite de la saga Ultimum, Le Chemin de la liberté, pour vérifier si l'auteur confirme cette première impression globalement positive.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/3/2009 nooSFere