ACTES SUD
(Arles, France), coll. Cactus Dépôt légal : septembre 1997 Première édition Roman, 438 pages, catégorie / prix : 148 F ISBN : 2-7427-1341-7 ❌
Quatrième de couverture
« Et voici un panoramique sur la capitale, ses rues et ses édifices illuminés. Au vingt-sixième étage du dortoir gratte-smog HD, où la lumière est éteinte, habitent les parents et la sœur d'Hélianthe. Ils ont mal répondu au sondage télévisé quotidien, leur vote s'est retrouvé dans les 32 % et, faute d'avoir deviné la réponse majoritaire, ils seront privés de lumière, de chauffage et de télévision jusqu'à demain matin. »
(Extrait)
A travers la vie quotidienne des habitants de Tristalia, Stefano Benni semble d'abord nous promettre une satire fameusement pessimiste de notre société. Et puis son roman prend la tournure d'un fabuleux voyage. De planète en planète, au coeur des Mondes Altéréens, ses héros rivalisent dans la quête d'un élixir aussi essentiel à la guérison d'Hélianthe qu'au salut d'un monde dévoyé par l'argent et la manipulation informative. C'est bel et bien à la résistance que nous invite ce maître italien de la fantaisie langagière. Une résistance en forme d'éclat de rire, de lucidité et de poésie.
Ecrivain et journaliste, Stefano Benni est né à Bologne en 1947. Traduit en quinze langues, il a déjà publié de nombreux romans et recueils de nouvelles. Chez Actes Sud ont paru Le Bar sous la mer (1992) et La Dernière Larme (1996).
Critiques
Pour guérir un enfant soigné dans un hôpital menacé par l'affairisme, et sauver la région qu'il doit représenter dans un jeu télévisé où elle défendra sa liberté face à l'état central, se met en place un jeu de piste cosmique auquel participent un samouraï, des gamins de banlieue et trois diables tirés de leurs bains de magma. Ils visitent des mondes improbables, une soupe originelle d'où un démiurge maladroit doit tirer des êtres variés, un monde « moyen » où tout doit être pair et ordonné, un océan où sévissent des pirates aux allures de drag queens, un désert ravagé où un singe règne sur ce qui reste d'un restaurant, servant exclusivement des aliments pour chiens et du Pernod, un champ de bataille entre cliques moyenâgeuses aussi caricaturales que les « frais » et les « forts » d'une publicité fromagère, et, pire que tout, un pays où les sondages sont quotidiens, où il faut répondre comme la majorité pour ne pas être privé d'électricité pour la journée, et où vingt présidents s'entretuent pour la forme tandis qu'un super-ordinateur se charge des « questions vitales telle que les guerres atomiques, les changements d'horaire des émissions télévisées, les classements au hit-parade, etc. ». On rencontre en prime un médecin collectionneur de médicaments anciens, de curieuses théories sur les causes de décès, un lutteur féroce incapable de lacer ses chaussures, le contenu de la valise d'un diable en mission, les effets du sentiment amoureux sur icelui, des variations un peu éculées sur le théorème d'Archimède, des poissons férus de philosophie, des sports improbables, un « nazi-chic » qui ressemble fort au chef des « postfascistes » italiens, et tout un tas de choses encore, dont une critique des manipulations politiques des médias berlusconiens. Tout se mélange, on croule sous les clins d'œil et les choses improbables, avant que tout converge et s'ordonne in fine.
Bref, c'est n'importe quoi, c'est baroque, exaspérant et merveilleux, naïf et roué, cela parle du présent en dynamitant des stéréotypes universels, et si c'est inégal, si cela tombera de certaines mains, ceux qui se laisseront prendre au jeu y gagneront des moments d'intense jubilation. Ce qui n'est pas rien.