MNÉMOS
(Saint-Laurent d'Oingt, France), coll. Dédales Dépôt légal : novembre 2012, Achevé d'imprimer : octobre 2012 Première édition Roman, 328 pages, catégorie / prix : 21,00 € ISBN : 978-2-35408-147-8 Format : 15,5 x 23,5 cm✅ Genre : Fantasy
Dans le royaume de France ravagé par la guerre contre les légions catharis d’Occitania, Cristo, un soldat prisonnier, échappe à ses geôliers enchaîné à trois compagnons d’infortune. Les quatre fuyards que tout oppose doivent s'entraider pour survivre, contraints de se cacher puis d'emprunter les chemins de traverse. Commence alors pour eux une haletante course-poursuite à travers un pays ennemi dominé par des démons et vivant sous le joug d’une Église catharis fanatisée. Ici, dans les vestiges d'un antique Empire disparu, une magie ancienne continue de survivre dans des talismans et d'immenses tours-statues. Au cœur des forêts profondes et des montagnes déchiquetées des terres occitanes, pris dans le fracas des combats, Cristo et ses compagnons prendront conscience de porter en eux un pouvoir insoupçonné. Ils verront leur destin basculer et le monde trembler sous leurs pas.
Paul Beorn nous propose un roman de Fantasy sombre et sans retour, aux références dantesques et boschiennes, tant les visions horrifiques qu’il crée nous rappellent certaines des figures de ces deux artistes du Moyen Âge.
Amoureux des littératures de l'imaginaire, Paul Beorn a commencé par publier des nouvelles, mais c'est de la Fantasy que naissent ses romans. Après le cycle remarqué de La Pucelle de Diable-Vert publié aux Éditions Mnémos en 2010, avec ce nouveau roman il continue de tracer une voie originale et personnelle dans la Fantasy, loin des poncifs tolkienniens pour s’emparer enfin du folklore si riche du passé médiéval de notre pays.
Critiques
Paul Beorn, qui s'était fait connaître avec le diptyque de La Pucelle de Diable-Vert, nous revient, toujours chez les éditions Mnémos, avec un nouveau roman, intitulé Les derniers parfaits. Les Parfaits, c'est ainsi que l'on appela les cathares, notamment lorsqu'ils furent victimes de la croisade des Albigeois et de l'Inquisition. Mais les Parfaits du roman de Beorn ont largement dévié de leur bienveillance initiale pour se muer en société hiérarchisée et guerrière, qui dispute la région aux Francs. Cristo est un soldat fait prisonnier par les catharis lors d'une bataille ; il est enchaîné avec trois de ses congénères. Les quatre détenus réussissent néanmoins à se libérer, grâce à un acte de bravoure pas assez crédible pour être réellement honnête de Cristo. Dès lors, Mousse, également prisonnière, se doute que ce dernier est détenteur d'une magie assez forte, comme elle-même d'ailleurs, qui réussit à changer sa propre apparence et celle de ses proches. La magie est du reste omniprésente dans cet univers, et pas simplement à l'échelle individuelle : c'est en effet à elle que les catharis doivent leur pouvoir considérable.
Ensemble tant qu'ils seront attachés, les quatre anciens détenus décident de mettre voile vers l'Espagne, où ils espèrent trouver du renfort en la personne d'alliés naturels de l'Empire Franc. Ce n'est que le début d'une longue série de péripéties...
De par la persécution dont ils ont été victimes, et du fait de leur rectitude morale, étrangère à toute forme de compromission, les cathares, qui se surnommaient les « Bons Hommes » et les « Bonnes Femmes », sont plutôt considérés d'un œil bienveillant de nos jours. Mais que se serait-il passé s'ils avaient eu à leur disposition un moyen de soumettre les autres croyants à leur vision du monde ? N'auraient-ils pas cédé à la nature humaine, peu avare de vilenies quand il s'agit de récupérer sa part de pouvoir ? C'est le point de départ de ce roman, qui s'amuse à inverser le jugement de valeurs ; ce postulat intéressant tranche efficacement avec la multitude de réécritures (pseudo-)historiques plus ou moins convaincantes que les cathares auront suscitées. Pas de doute, on est bien là en pleine fantasy – la prégnance de la magie en atteste – mais une fantasy résolument originale, qui refuse d'adopter les poncifs du genre, mais préfère en réutiliser certains des motifs (la quête, la communauté de héros, l'apprentissage...) dans un cadre suffisamment novateur pour être signalé. Les personnages ont une vraie épaisseur, et l'idée initiale de les retrouver enchaînés, qui augmente le nombre d'interactions entre eux, permet de mieux les cerner très rapidement. Une fois les protagonistes campés, Beorn peut se lancer à corps perdu dans l'aventure : le rythme ne faiblira plus jusqu'à la fin, laissant peu de place à la réflexion, lui préférant largement l'action rondement menée. Le roman s'avère ainsi un excellent divertissement, haut en couleurs, que l'on lit avec plaisir malgré une maquette tellement serrée (aux caractères minuscules) qu'elle en devient atroce : à la fin d'une ligne, j'ai régulièrement dû m'y reprendre à deux fois pour redémarrer à la bonne ligne suivante...
Avec Les derniers parfaits, Paul Beorn nous offre une très agréable fantasy, rythmée et convaincante, dans un cadre original et bien travaillé. La fantasy francophone s'est trouvé un nouvel auteur à suivre.