Personnage principal de Bloodshot, Raylene — une vampire aux tendances misanthropes — s'est spécialisée par ennui dans la récupération d'objets compromettants allant de la banale sextape aux antiquités acquises illégalement. Quand on vit longtemps, il faut bien occuper ses journées ! Afin de varier les plaisirs, il lui arrive parfois de résoudre des enquêtes plus complexes. Ainsi, malgré son désir de rester éloignée de ses semblables, Raylene accepte d'être embauchée par un autre vampire. La jeune femme s'engage à mettre la main sur des dossiers relatant les expériences scientifiques subies par son client durant un enlèvement et ce afin qu'il puisse retrouver la vue. Son accès de compassion se retourne contre elle et la voilà prise en chasse par une équipe de tueurs professionnels. Agacée d'avoir été repérée, la voleuse de choc en fait une affaire d'honneur et plonge dans les ennuis jusqu'au cou !
En France, nous connaissions Cherie Priest pour son cycle Le siècle mécanique dont le premier tome Boneshaker — une sombre histoire de zombies sur fond de guerre civile américaine accommodée à la sauce steampunk — a reçu le prix Locus 2010. Avec Bloodshot, l'auteur revient à l'époque contemporaine et nous propose une héroïne atypique : une vampire angoissée tendance névrosée, un brin paranoïaque et collectionnant les tocs comme certains le font des timbres. À n'en pas douter, une personnalité pleine de charme ! Accompagner ce type d'individu pendant tout un roman peut s'avérer éprouvant pour les nerfs. On se retrouve plus d'une fois partagé entre l'agacement et l'amusement devant son comportement. Bref, la longévité n'a visiblement pas que des avantages dans le monde créé par miss Priest. En dehors de capacités physiques supérieures à la normale et d'une apparente jeunesse — si vous avez eu la chance d'être transformée au bon âge — , il n'y a rien de glamour à obtenir un tel statut. L'opinion de Raylene sur ses semblables s'avère d'ailleurs sans appel : elle les fuit comme la peste...
Si ce récit est publié sous l'étiquette bit-lit dans la collection Crimson de Panini Books, il s'apparente plus à mélange de roman d'aventures et de thriller. Certes, l'auteur utilise des vampires parmi ses personnages, mais les éléments de fantastique restent à la marge et peu développés. La société et les mœurs vampiriques sont à peine évoquées. De même, le lecteur romantique finira sa lecture un peu frustré. À part quelques commentaires sur le physique avantageux de ces messieurs, la vie amoureuse de notre héroïne est inexistante.
Côté scénario, l'intrigue principale — la quête des dossiers médicaux — démarre lentement puis le rythme s'accélère renforcé par de multiples scènes dignes de figurer dans un film d'action hollywoodien version 24h chrono. Tout y est : les expériences secrètes, la base de l'armée qui n'apparaît sur aucune carte, les geeks de l'ombre aux surnoms improbables qui s'échangent des informations ultras confidentielles et, bien sûr, les indispensables agents en noirs qui tirent sur tout ce qui bouge. Pour faire bonne mesure, plusieurs intrigues secondaires sont menées parallèlement et apportent aussi leur lot de rebondissements. Il s'avère quelques fois difficile de relier les événements avec l'une ou l'autre de celles-ci tant cette pauvre Raylene se trouve cernée de toutes parts par les ennuis.
Bien que l'héroïne demeure souvent seule face à l'adversité, passé le premier tiers du roman ,miss Priest la dote d'un compagnon permanent plutôt excentrique. Le récit étant à la première personne, ce second protagoniste est le bienvenu. Sa présence apporte un équilibre entre les dialogues et l'action, et allège une narration essentiellement descriptive. L'entourage de Raylene n'est pas non plus absent, il évolue juste à la marge du récit principal et ses apparitions sont comptées. Si notre vampire apprécie sa solitude et renie tout sentimentalisme, elle ne peut empêcher les autres de s'attacher à elle et de bénéficier de sa faculté de défendre ce qu'elle estime lui appartenir. En bon ours mal léché, elle grogne un peu, mais finit toujours par adopter les chats perdus qui passent à sa portée.
En conclusion, voici une nouvelle série à aborder comme un thriller plutôt que comme un roman de bit-lit. Des personnages atypiques et un brin loufoques, de l'action en pagaille, des situations inextricables, des complots en cascades et quelques bonnes bagarres bien sanglantes : de joyeuses heures de lecture en perspective !
Nathalie TELL
Première parution : 27/12/2013 nooSFere