L'ŒIL DU SPHINX (ODS)
(Paris, France), coll. RDN Books n° 4 Date de parution : 20 juin 2020 Dépôt légal : avril 2020 Première édition Anthologie, 180 pages, catégorie / prix : 12 € ISBN : 978-2-38014-023-1 Format : 12,6 x 20,1 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Un gratte-ciel new-yorkais qui fait naufrage
dans le temps et un destroyer
de l'US Navy expédié sans raison
apparente à l'époque des Conquistadors..
Deux textes américains précurseurs sur le thème du
voyage dans le temps, parus en 1919 et 1922.
Signés par deux vedettes des pulps d'alors :
l'étoile filante Philip M. Fisher, Jr et Murray Leinster,
futur pilier de la SF classique, Prix Hugo en 1956.
1 - Richard D. NOLANE, Préface, pages 7 à 9, préface 2 - Richard D. NOLANE, Murray Leinster, pages 11 à 12, biographie 3 - Murray LEINSTER, Le Gratte-ciel fugitif (The Runaway Skyscraper, 1919), pages 13 à 86, nouvelle, trad. Martine BLOND, illustré par ANONYME 4 - Richard D. NOLANE, Bibliographie française de Murray Leinster, pages 87 à 92, bibliographie 5 - Richard D. NOLANE, Philip M. Fisher, Jr, pages 93 à 94, biographie 6 - Philip M. FISHER, Jr, Le Démon de la Mer Océane (The Devil of the Western Sea, 1922), pages 94 à 175, nouvelle, trad. Martine BLOND & Richard D. NOLANE, illustré par V.E. PYLES 7 - Richard D. NOLANE, Bibliographie française de Philip M. Fisher, Jr, pages 176 à 176, bibliographie
Critiques
Sous ce titre générique sont regroupées deux novellas de deux auteurs des origines de la science-fiction sur le thème du voyage temporel, plus exactement de timeslips, des glissements temporels, à la façon d’Un Yankee à la cour du roi Arthur de Mark Twain, comme l’explique dans sa préface Richard D. Nolane.
Écrit en 1919, « Le Gratte-ciel fugitif » de Murray Leinster, surtout connu pour la nouvelle « Un logic nommé Joe », considéré comme l’ancêtre du cyberpunk, est la première incursion de cet auteur de pulps dans ce qui ne s’appelle pas encore la science-fiction. Un immeuble new-yorkais s’enfonce dans le temps, une chute particulièrement bien rendue avec le changement du paysage à l’extérieur et la succession stroboscopique du jour et de la nuit, jusqu’à une période située avant la découverte de l’Amérique. Murray Leinster exploite avant tout les réactions psychologiques des occupants de l’immeuble, entre abattement fataliste et comportements dévoyés avec un pillage des commerces et appartements vides. Il faut la prévoyance et le sens de l’organisation d’un jeune ingénieur pour réquisitionner et rationner les vivres du restaurant tout en organisant sans délai des expéditions à la recherche de nourriture et en organisant la survie. Dans le même temps, celui-ci s’emploie à identifier la cause – géologique ! – du glissement temporel et à y remédier par un stratagème qui nécessite une forte dose de suspension de l’incrédulité, bien excusable toutefois de la part d’un auteur de vingt-cinq ans qui prend cependant bien garde de fournir une théorie sur le phénomène. Si la romance avec sa jeune et timide secrétaire est bien amenée, les relations, amicales, avec la tribu indienne à proximité sont à peine survolées. L’écriture fluide et limpide, mâtinée d’un humour discret, assure une lecture agréable de ce récit léger mais sympathique.
« Le Démon de la mer océane », de Philip M. Fisher Jr, écrit en 1922, est en quelque sorte le miroir du premier récit. Ici, le phénomène est expliqué par l’expérimentation d’un nouveau système radio, l’onde froide Callieri, censée permettre l’échange de messages indétectables par l’ennemi, entré en résonance avec d’autres ondes. C’est ainsi qu’un destroyer de l’US Navy se retrouve en 1564, face à des galions de la flotte espagnole. Vite écrit, à la façon des feuilletonistes d’alors, parsemé de points d’exclamation et d’onomatopées, Bang ! Paf !, le récit sans profondeur psychologique se révèle naïf dans ses développements et laisse même pantois un lecteur contemporain. Une touche un peu plus originale enchâsse malgré tout ce texte dans une discussion qui rapporte des extraits d’un moine historien relatant la mésaventure du navire espagnol attaqué par un démon de la mer. Discutable sur de nombreux points, cette novella ne tente pas moins de donner une aura de plausibilité au glissement temporel, le tout n’étant pas sans rappeler, comme le remarque Nolane dans sa présentation, le film Nimitz, retour vers l’enfer.
Augmenté d’une courte biographie et bibliographie française des auteurs, il ne faut pas perdre de vue que cet opus s’inscrit dans la collection « Vintage Fiction », dont l’intérêt, davantage historique que récréatif, intéressera avant tout le spécialiste pour la façon dont un thème a pris son essor et s’est décliné.