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Et si le Diable le permet

Cédric FERRAND


Illustration de Melchior ASCARIDE

LES MOUTONS ÉLECTRIQUES , coll. Les Saisons de l'étrange suivant dans la collection
Dépôt légal : mai 2017
Première édition
Roman, 272 pages, catégorie / prix : 15 €
ISBN : 978-2-36183-359-6
Format : 14,0 x 18,2 cm
Genre : Fantastique

Sous-titré : Une étrange aventure de Sachem Blight et Oxiline.


Quatrième de couverture
     1930. Le monde se remet à peine de la pire crise financière de tous les temps. Les capitales paniquent encore à la moindre rumeur, les colonies sont paralysées par la peur... Même les riches ne dorment pas sereinement, c’est dire.
     Heureusement pour lui, le très aventureux Sachem Blight travaille dans un domaine épargné par toute cette incertitude boursière : il parcourt le vaste monde pour secourir les filles et fils de bonne famille, cette brochette d’inconscients qui se jettent volontairement dans la gueule du loup sous le prétexte de vouloir goûter aux joies de vacances exotiques. Le commerce de Blight l’emmène sur tous les continents pour affronter la multitude de dangers auxquels ses clients se frottent lors de leurs tribulations. Et cette fois-ci, Sachem est appelé à la rescousse à Montréal, au Québec. Et manque de chance pour lui, son niveau de Français n’est pas à la hauteur de l’enquête qu’il doit mener. Pour la première fois de sa carrière, il va devoir composer avec une partenaire, en la personne d’Oxiline, sa demi-sœur qu’il connaît à peine.
 
     Après la « crapule fantasy » de Wastburg et le rétro-futurisme de Sovok, Cédric Ferrand verse dans le pulp lovecraftien un brin rigolard avec Et si le diable le permet, une aventure mystérieuse donnant naissance à deux nouveaux héros intrépides voués à vivre bien des péripéties.
Critiques

     1930. Sachem Blight, baroudeur canadien anglophone, doit enquêter dans le plus exotique des cadres, Montréal, pour retrouver le fils d’un architecte qui s’est fait la malle. Il aurait bien besoin de l’assistance d’un autochtone maîtrisant le français local, et même le joual, sociolecte propre à la métropole québecoise. Et ça tombe bien : sa demi-sœur Oxiline, qu’il n’a jamais vue, y végète dans une institution religieuse, et il est bien temps pour l’adolescente de découvrir le vaste monde ! Sauf qu’il y a quelque chose qui sent mauvais dans cette affaire…

     Troisième roman de Cédric Ferrand, Et si le diable le permet témoigne à nouveau de la double casquette de l’auteur, à la fois écrivain, créateur et scénariste de jeux de rôles. Mais cette fois il se frotte à un jeu qui lui est extérieur : L’Appel de Cthulhu. Lequel est bien sûr censé émuler les récits d’horreur cosmique de Lovecraft et de ceux qui l’ont suivi, mais a fini par constituer une mythologie et des codes qui lui sont propres.

     Et si le diable le permet est-il donc le « pulp lovecraftien » présenté par l’auteur ? Probablement pas – ni dans la conception orthodoxe à poil dur, ni dans son antithèse à base de zeppelins nazis et de dynamite : dans ces deux registres, c’est la lovecrafterie rôlistique qui est travaillée au corps.

     D’où un jeu réjouissant et qui sent le vécu avec plusieurs dimensions attachées à la pratique de L’Appel de Cthulhu – incluant des investigateurs qui ne comprennent absolument rien à l’intrigue à laquelle ils sont mêlés (mais qui sont d’autant plus attachants qu’ils sont losers et gaffeurs !), quantité de rencontres « optionnelles » guère utiles à l’avancement de l’enquête, et un usage extensif du « Baedeker », cet ancêtre du Guide du routard qui constitue la source de bien des cadres de jeu « réalistes » de L’Appel de Cthulhu.

     Or cela a son impact sur la narration, et surtout le rythme du roman – qui se veut distrayant, et l’est, mais progresse lentement, en étant semé d’anecdotes sur Montréal et sa région, des plus terribles (comme l’explosion de Halifax) aux plus triviales, incluant légendes indiennes locales et notations gastronomiques, ou des figures historiques telles que le nasillons Adrien Arcand. D’aucuns pourront trouver ce rythme déconcertant et dénoncer la « gratuité » de tout cela – mais c’est un outil d’ambiance de choix, et que l’auteur manie bien.

     Dans un registre assez proche, il faut mentionner les divers jeux linguistiques, du français « littéral » de Sachem Blight au joual si fleuri, toujours compréhensible de par la magie du contexte, et qui nous vaut quelques joutes oratoire épiques et hilarantes – mais jamais acides, encore moins méprisantes, car il y a toujours l’idée d’une langue à part entière, avec un contexte culturel pris au sérieux.

     Plus ennuyeux, le souci de rythme affecte surtout la fin du roman, hâtivement expédiée, voire bâclée – c’est fâcheux, car didactique et brutal, frustrant dès lors, et légitimer le procédé par une nouvelle référence rôlistique serait pousser le bouchon un peu trop loin…

     Ce souci pris en compte, Et si le diable le permet demeure un roman qui remplit son office — distrayant, enjoué, instructif et drôle, bien plus futé qu’il n’en a l’air. Il est par contre à craindre que seul un lectorat relativement limité puisse en apprécier tout le sel.

     Et la suite ? Est-ce du lard ou du cochon, on nous annonce une nouvelle enquête de Sachem Blight et Oxiline, intitulée Le Tour du monde en un jour. Si jamais, on ne s’en plaindrait certes pas !

Bertrand BONNET
Première parution : 1/10/2017 dans Bifrost 88
Mise en ligne le : 10/3/2023

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