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Pollen

Joëlle WINTREBERT

Première parution : Vauvert, France : Au Diable Vauvert, février 2002

Illustration de Olivier FONTVIEILLE

AU DIABLE VAUVERT (Vauvert, France), coll. Les Poches du Diable précédent dans la collection suivant dans la collection
Date de parution : 25 mars 2021
Dépôt légal : mars 2021, Achevé d'imprimer : mars 2021
Réédition
Roman, 320 pages, catégorie / prix : 9 €
ISBN : 979-10-307-0431-0
Format : 11,2 x 16,5 cm
Genre : Science-Fiction


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture

Sur Pollen, une civilisation matriarcale, utopiste et pacifiste maîtrise la reproduction par manipulation génétique et gestation in vitro. Pour éradiquer la violence, elle a fait naître un garçon pour deux filles et relégué ses guerriers sur un satellite. Mais toute société de contrôle porte en elle les germes de la rébellion…

UN CLASSIQUE DE LA SF FÉMINISTE FRANÇAISE, LAURÉAT DU PRIX ROSNY AÎNÉ 2003

« À travers la peinture d’une société radicalement différente, cette œuvre forte, émouvante et intelligente, comparable aux “utopies ambiguës” d’Ursula Le Guin, permet à Joëlle Wintrebert d’explorer l’altérité de superbe manière ! » NooSFere

Critique, scénariste, anthologiste, présidente du jury du Grand Prix de l'Imaginaire, JOËLLE WINTREBERT est l'autrice de nombreux romans. Elle a reçu trois fois le prix Rosny aîné en 1980, 1988 et 2003, et le Grand Prix de l'Imaginaire en 1989 pour Le Créateur chimérique. Le prix Cyrano a couronné son œuvre en 2017.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition AU DIABLE VAUVERT, (2002)

     Fuyant une terre ravagée par la folie des hommes, une arche stellaire a autrefois atterri sur Pollen, avec à son bord une centaine de femmes. Elles seules ont survécu à cet exode, durant lequel les « garçons » ont continué à s'entretuer.
     A leur arrivée sur la planète vierge, les Cent Mères ont jeté les bases d'une société idéale, une utopie matriarcale, pacifiste et proche de la nature. Habiles généticiennes, elles ont éliminé la procréation naturelle  : les naissances se font en laboratoire, par « triades » comprenant deux filles pour un garçon. La cellule familiale ne comprend plus ni père ni mère, mais juste ces triplés au patrimoine génétique quasi-identique et qui vivent en totale fusion jusqu'à l'adolescence.
     Pour assurer une parfaite harmonie avec la nature, la population est volontairement limitée à 70 000 âmes, qui habitent des arbres-nids en interaction avec leurs occupants, tandis que certains animaux symbiotes permettent d'apaiser leurs tensions.

     Ainsi, les humains n'ont plus de famille à protéger, ils possèdent plus de territoire que nécessaire et ils bénéficient de la protection bienveillante de la nature. En outre, leur éducation leur inculque le respect de la vie et leur interdit toute violence. Toutes les conditions sont réunies pour que Pollen soit une société parfaitement paisible.
     Cette sérénité transparaît d'ailleurs dans les relations sexuelles. Débarrassées de la fonction de procréation et de la notion de péché, celles-ci comprennent l'inceste et l'homosexualité sans qu'il soit besoin de briser le moindre tabou. La sexualité s'apprend dès l'enfance, au sein même de sa triade, dans un épanouissant climat de tendresse et de sensualité.

     Bref, le modèle « pollénien » semble fonctionner.

     Mais une utopie ne peut perdurer que dans un strict isolement. Pour faire face à des « pirates » de l'espace, Pollen n'a eu d'autre choix que de fonder une société parallèle, le Bouclier, qu'elle a établi sur son satellite. En raison de sa vocation militaire, la proportion d'hommes et de femmes est inversée sur ce Bouclier où l'on s'applique à singer les manières de l'antique empire romain. Conscientes du risque que représente cette colonie fondée sur l'agressivité, les généticiennes de Pollen ont conçu un système permettant d'y contrôler la reproduction. Les femmes exilées sur le satellite accouchant de façon naturelle, la cellule familiale traditionnelle s'y reforme, de même que le désir de fidélité et la jalousie...
     Fatalement, l'existence d'un système de défense apparaît incompatible avec une société qui se souhaite non-violente.

     Le roman débute sur ces entrefaites, par un meurtre commis sur Pollen  : une sorte de point de non-retour est donc franchi dès le premier chapitre. A partir de là, Joëlle Wintrebert va très habilement développer son utopie, tout en centrant le récit sur les actions qui aboutiront à sa destruction, ou tout au moins à son évolution.
     « Artificielle », car reposant sur des principes rigides édictés par les fondatrices, des lois qui ôtent toute spontanéité à son développement, Pollen est une véritable expérience sociologique, une sorte de société factice, bâtie sur un mensonge. Ses failles se dévoileront peu à peu...

     Pollen est une passionnante réflexion sur les utopies, sur les origines de la violence et sur les relations humaines, notamment entre hommes et femmes, mais aussi au sein d'une famille ou d'une société. Bien que ces thèmes soient particulièrement délicats à traiter, Joëlle Wintrebert a réussi à éviter toute simplification abusive. Son roman sera peut-être qualifié de féministe – ne serait-ce que par la prédominance dans le texte du genre féminin, qui conduit à écrire « elles » lorsqu'on désigne un couple – , mais il ne condamne personne, pas plus qu'il n'idéalise exagérément la féminité  : beaucoup de justesse, de finesse et de douceur caractérisent au contraire cette étude sensible de la condition humaine.

     Remarquablement construit, Pollen est en outre écrit avec grâce, d'une écriture sensuelle et fluide. A travers la peinture d'une société radicalement différente, cette oeuvre forte, émouvante et intelligente, comparable aux « utopies ambiguës » d'Ursula Le Guin, permet à Joëlle Wintrebert d'explorer l'altérité de superbe manière  !

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 11/3/2002
nooSFere


Edition AU DIABLE VAUVERT, (2002)

     Joëlle Wintrebert aborde à nouveau les difficiles relations entre les sexes, à la recherche de l'équilibre.

     Sur la planète Pollen, les femmes, dégoûtées de la violence des hommes, ont remplacé la cellule familiale par une triade composée de deux femmes et d'un homme. La violence masculine est ainsi largement tempérée par les éléments féminins. En revanche, sur le Bouclier — satellite qui assure la défense des colons débarqués sur Pollen — , les proportions hommes-femmes sont inversées et la violence, non seulement domine, mais est entretenue à des fins martiales. Pour éviter que ce noyau de barbarie ne se retourne contre ses supérieures, les guerriers peuvent, une fois l'an, au Bal du Don, enlever le quota de filles que les généticiennes de Pollen rendent à ce moment fertiles.

     Sur Pollen, Sandre, pour des raisons politiques et passionnelles, se rend coupable d'un meurtre. Sa mémoire effacée, il est envoyé sur le Bouclier. Mais l'une de ses sœurs, Salem, tient tant à lui qu'elle se débrouille pour devenir l'épouse d'un guerrier et le suivre dans son exil tandis que son autre sœur, Sahrâ, âme en peine qui passe dans de nombreux bras, finit par étudier l'histoire et se lance dans la politique.

     Dès le départ, Joëlle Wintrebert met donc à mal cette utopie en y décrivant un meurtre. Le procès et les événements qui en découlent sont l'occasion de découvrir les rouages de cette société qui, sous couvert de paix et d'harmonie, dissimule une violence doublée d'un profond cynisme. La matriarchie de Pollen pratique une discrimination sexuelle encore plus révoltante dans la mesure où elle est fondée sur une énorme duperie.

     L'écriture ciselée de l'auteur sert à merveille le propos, en féminisant les pluriels incluant les genres masculins et féminins ; comme pour mieux dénoncer l'insidieuse stigmatisation des sexes dans des rôles, fonctions et schémas préétablis, le vocabulaire subit parfois de subtiles variations de genre secouant les habitudes du lecteur. L'histoire se déroule avec fluidité, dévoilant méthodiquement les facettes de cet univers sexiste. Joëlle Wintrebert en a volontairement gommé les aspects technologiques, ce qui lui donne une apparence bucolique des plus trompeuses. Le contexte sociologique et politique est en revanche décrit avec minutie, à travers les pérégrinations de personnages décidément très attachants ou fort bien campés. Bien que psychologiquement différents, Salem, Sandre et Sahrâ manifestent des qualités humaines démontrant à elles seules l'inanité d'une thèse sexiste de la violence. Au total, Joëlle Wintrebert signe son retour sur les devants de la scène éditoriale avec un livre intelligent joliment troussé. Voilà qui n'a rien d'une surprise, mais c'est toujours un grand plaisir.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/4/2002
dans Bifrost 26
Mise en ligne le : 10/9/2003


Edition AU DIABLE VAUVERT, (2002)

     Si on la compare à l'américaine, la SF francophone frappe par la proportion réduite d'auteurs femmes. Dans la mesure où elles demeurent une exception, le critique moyen (lui aussi souvent un homme) peut avoir tendance à se focaliser sur cette « exceptionnelle », et en attendre une thématique liée aux relations entre les sexes. Joëlle Wintrebert avait jusqu'ici déjoué les attentes, en n'abordant pas de face cette thématique. Surprise : Pollen met en scène une société utopique matriarcale, qui ne peut manquer d'évoquer les constructions de la grande tradition de la SF « féministe » américaine (telle que représentée dans certains romans de Le Guin, Sargent, Charnas, McIntyre et Vonarburg par exemple). Wintrebert va jusqu'à saboter discrètement la grammaire française en faisant du féminin le genre générique au pluriel (pour désigner un groupe de sexes différents). Tombe-t-elle pour autant dans l'évidence ? Non, bien sûr.
     La planète Pollen a été colonisée par l'équipage d'un vaisseau, décimé d'emblée par un massacre fratricide qui ne laisse que cent survivantes. Les Cent Mères utilisent leurs ventres pour peupler leur monde, et, sous la conduite de Jade, établissent une société figée qui évite pour toujours la violence du pouvoir des mâles : les enfants, conçus artificiellement, naissent par triades, deux filles pour un garçon, et sont élevés dans des « closeries » sous la surveillance de tutrices. La sexualité est tous azimuths, mais les liens les plus forts (cohabitation, et même contact empathique peu expliqué dans le livre) sont ceux qui lient les jumelles (filles et garçons, le féminin est générique !). La violence est proscrite, et le système politique, quoique fondé sur des élections, assure aux femmes un pouvoir stable.
     Rien n'est parfait : dans le passé, Pollen a été victime d'attaques de pirates de l'espace, et a établi pour se défendre le Bouclier, un astéroïde satellisé habité par une société de guerriers, des hommes — on pense à une œuvre moins connue de la SF féministe américaine, Ring of Swords, d'Eleanor Arnason. Mais les guerriers de Wintrebert sont accompagnés d'épouses, dans la proportion symétrique d'une pour deux hommes, et vivent une société très patriarcale imitée de la Rome antique. Le hic : leurs enfants sont tous des garçons (Pollen tient ses guerriers par les, je veux dire, la reproduction), et ils doivent se fournir en épouses sur la planète en procédant à l'enlèvement rituel de jeunes femmes.
     Sandre, un jeune homme désespéré par l'enlèvement de sa petite amie, décide de rejoindre le Mouvement des hommes qui demandent l'abolition du Bouclier, et assassine un guerrier en visite sur Pollen. Il est pris, et envoyé sur le Bouclier après effacement de sa mémoire. La vie de ses jumelles en est bouleversée, et nous suivons leur parcours dans les rouages de la vie et du pouvoir sur Pollen et le Bouclier.
     Wintrebert donne un extraordinaire numéro de jongleur, faisant rebondir six protagonistes (la triade de Sandre, Salem et Sahrâ, la Matriarche de Pollen, le Chef du Bouclier, et Zelten, ambitieux en dépit de son statut d'homme) sur une durée de plusieurs années. Bien d'autres écrivains auraient tiré une ou deux trilogies d'une telle matière, mais ici l'écriture est comprimée, les événements incessants, les dialogues et interrogations intérieures maintenus au minimum. On peut regretter cette économie confinant parfois à la froideur, mais elle n'empêche pas les descriptions très esthétiques, les choix de vocabulaire recherchés, et une grande sensualité — orientée au début vers la sexualité, elle se redirige plus tard vers le contact physique (redécouvert, pour Sahrâ et Salem) entre mère et enfant.
     Comme les sociétés de Chromoville et du Créateur Chimérique, Pollen est une magnifique mécanique (construite avec beaucoup de soin, dans le choix des noms et des couleurs par exemple), soigneusement isolée de l'extérieur. Un isolement que le roman expliquera, sans vraiment le remettre en cause (dans le cadre temporel de l'action en tout cas). Et comme les sociétés figées (utopiques ou dystopiques) des romans précédents de Wintrebert, le superbe mécanisme qu'est Pollen est condamné à la rupture, ou au moins à la réforme.
     Bref, ce retour de Wintrebert à la SF pour adultes se construit à la fois sur les thèmes fétiches de l'auteur (le contrôle de la reproduction humaine, les sociétés closes et très organisées) et les motifs de la SF féministe (mise en scène de sociétés séparées par sexe, à titre d'expression des principes mâle et femelle, et dépassement de cette ségrégation pour affronter la difficulté de la vie commune). Une belle réussite.

Pascal J. THOMAS (lui écrire)
Première parution : 1/3/2002
dans Galaxies 24
Mise en ligne le : 11/9/2003

Prix obtenus
Rosny aîné, Roman, 2003


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