Archéologies du futur : le désir nommé utopie et autres sciences-fictions
Fredric JAMESON Titre original : Archaeologies of the Future: The Desire Called Utopia and Other Science Fictions, 2005 Première parution : New York, USA : Verso books, octobre 2005ISFDB Cycle : Archéologies du futur (omnibus)
AMSTERDAM
(Paris, France), coll. Les Prairies ordinaires Date de parution : 22 octobre 2021 Achevé d'imprimer : septembre 2021 Réédition Essai, 576 pages, catégorie / prix : 28 € ISBN : 978-2-35480-218-9 Format : 15,0 x 21,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Déjà paru en deux volumes chez Max Milo en 2007 et 2008.
Dépot légal : à parution.
Traduction entièrement révisée et largement remaniée.
La couverture est orange fluo.
Quatrième de couverture
Tantôt dénigrée pour sa loufoquerie, tantôt assimilée à un « totalitarisme » qui broie les individus, l’utopie a toujours subi le feu nourri des critiques. C’est oublier qu’avant d’être programme, elle est désir : révolte contre les injustices spécifiques de ce monde et aspiration à la transformation radicale de ce qui existe. L’une des grandes réussites de l’idéologie dominante est de la rendre non seulement impossible, mais, surtout, indésirable. À l’heure où le système capitaliste s’enlise dans d’incessantes crises, il est urgent de renouer avec le sens du futur qui a pour nom utopie.
Tel est l’objet de ce maître ouvrage, qui, pour démontrer la pertinence politique de cette forme littéraire, nous fait traverser l’espace et le temps, visiter des univers stupéfiants et rencontrer de mystérieux aliens, en embrassant à la fois les textes essentiels de la tradition utopique, de Thomas More à William Morris, et la science-fiction, de H. G. Wells à Kim Stanley Robinson, sans oublier bien sûr Philip K. Dick et Ursula Le Guin. La capacité à rêver le futur est la mesure de notre puissance collective.
Critiques
Le nom de Fredric Jameson évoquera peut-être quelque écho chez l’amateur éclairé de science-fiction : cet essayiste et théoricien politique marxiste américain, qui a été notamment le maître de thèse de lʼécrivain mis à l’honneur dans le présent Bifrost, Kim Stanley Robinson, s’est spécialisé dans l’étude du (post)modernisme et des courants culturels contemporains… dont la science-fiction. Archéologies du futur, paru en France en deux tomes en 2007 et 2008, a bénéficié cet automne d’une réédition bienvenue en un fort volume.
La première partie, « Le désir nommé utopie », questionne l’invention de Thomas More. Quelle place pour l’utopie au sein de la science-fiction ? Entre les thèmes ouvertement utopiques et ce que Jameson nomme l’élan utopique, il y a un monde (ou plusieurs). Parfois ardemment désirée, parfois réduite au mieux à de douces rêveries irréalisables, au pire à l’antichambre du totalitarisme, l’utopie n’a jamais laissé indifférent, et imprègne les mauvais genres qui nous sont chers. Fredric Jameson en retrace l’histoire, convoquant entre autres auteurs Fourier, William Morris, Stanislas Lem, Ursula K. Le Guin ou Samuel R. Delany, et s’interroge : « Ne peut-on pas même envisager un degré zéro de l’utopie, une utopie réduite à un contenu incontestablement valide pour toutes les sociétés ? » Cette première partie est rien de moins qu’imposante et touffue. Docte dans le ton (ou bien excessivement touffue, c’est très possible aussi), cette première partie nécessite d’une part une connaissance préalable des œuvres abordées – Jameson n’en fournit les résumés que rarement – et d’autre part un cerveau bien accroché, pour suivre les réflexions de son auteur au fil des treize chapitres. Stimulant intellectuellement, le jeu en vaut toutefois la chandelle.
La seconde partie, « Aux confins de la pensée », consiste en une série d’articles indépendants écrits au fil des décennies, et abordant plus spécifiquement certains aspects d’auteurs d’Imaginaire : la lutte des classes au travers de l’allongement de la durée de vie chez Heinlein, les implications du voyage spatial dans Croisière sans escale d’Aldiss, ou encore l’utopie martienne de Kim Stanley Robinson… Pas moins intéressants et fouillés que la première partie, ces articles ont le mérite de ne pas mettre autant en surchauffe le cerveau du lecteur.
Au rang des regrets : une mise à jour des références bibliographiques, à l’occasion de cette réédition, aurait été bienvenue, bon nombre de romans cités ayant été traduits depuis la prime traduction de cet essai. Reste un ouvrage ardu quoique passionnant, se prêtant volontiers à la relecture, et que l’on conseillera essentiellement aux passionnés et érudits du champ SF.