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Le Fantôme dans le miroir

Patricia SQUIRES

Titre original : The ghost in the mirror   ISFDB
Traduction de Georges POPPE
Illustration de (non mentionné)

MARABOUT - GÉRARD , coll. Bibliothèque Marabout - Fantastique précédent dans la collection n° 511 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1975
Première édition
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : 3
ISBN : néant
Genre : Fantastique


Quatrième de couverture
Un esprit malveillant
cherche à tuer un ouvrier...
Un garçon rencontre une dame en blanc
qui lui montre un accident de voiture
dans lequel il sera impliqué
douze ans plus tard...
Un maniaque sexuel du dix-huitième siècle
retourne sur le lieu de ses crimes...
Une morte revient de l'au-delà
pour restituer
une broche volée à sa sœur...
Neuf récits étranges
dans la grande tradition anglaise
des histoires de fantôme.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Le Fantôme dans le miroir, pages 5 à 35, nouvelle, trad. Georges POPPE
2 - Quand le temps se fut arrété, pages 37 à 61, nouvelle, trad. Georges POPPE
3 - Un défi à la mort, pages 63 à 78, nouvelle, trad. Georges POPPE
4 - Le Braconnier, pages 79 à 108, nouvelle, trad. Georges POPPE
5 - La Valeur du temps, pages 109 à 138, nouvelle, trad. Georges POPPE
6 - La Réunion, pages 139 à 175, nouvelle, trad. Georges POPPE
7 - Les Accents d'une polka, pages 177 à 219, nouvelle, trad. Georges POPPE
8 - Le Visiteur du bouvier, pages 221 à 232, nouvelle, trad. Georges POPPE
9 - L'Horloge, pages 233 à 250, nouvelle, trad. Georges POPPE
Critiques
 
     Sous le titre The Ghost in the Mirror, parut en 1972 en Angleterre le premier recueil de contes fantastiques de Patricia Squires, dont les éditions Gérard nous donnent déjà, trois ans après, une traduction. La qualité et l'importance de l'ouvrage justifient-elles cette hâte ?
     Précisons d'abord que le monstre à la Lovecraft de l'illustration de couverture n'a rien à voir avec le contenu. Les personnages de Patricia Squires sont bien anglais, et nullement monstrueux, même les fantômes . Celui de la première histoire, qui donne son titre au recueil, est celui d'un vieil homme, Mr. Kimbern, qui se bat avec les armes dont il dispose maintenant pour empêcher son héritière de transformer la chambre où il a passé ses dernières années. Même attachement à son décor familier chez Miss Rose de Quand le temps se fut arrêté, qui saccage le salon arrangé à leur manière par les nouveaux occupants. Les gémissements qui effraient tant les cueilleurs de mûres de la Réunion sont ceux d'une mère et de son bébé qui demandent seulement à être réunis. Seul le fantôme du fermier qui cherche à faire tomber le Braconnier dans un puits est vraiment méchant, c'est-à-dire cruel sans raison ni excuse. Même l'effrayant molosse noir des Accents d'une polka est, en fin de compte, essentiellement fidèle à son maître par-delà la mort. Et même le méprisable Visiteur du bouvier, qualifié d'abord de triste sire, est pardonné à la fin : « Peut-être qu'un jour la vieille gentilhommière aura un nouveau propriétaire, un homme qui aura pitié du fantôme de celui qui mourut pour avoir trop aimé les jeunes filles. » Si l'errance spectrale est une forme de purgatoire, elle semble avoir été efficace pour amender le séducteur, de même que la jalouse Miss Rose, qui n'a de trêve qu'elle n'ait rendu à sa sœur, Miss Violette, la broche dont le vol a fait échouer ses fiançailles. Il est même dans ces pages un grand nombre de revenants bienfaisants : par exemple, à côté de l'irascible Kimbern, Mme Bailey, qui l'empêche de tuer le déménageur Juddy et guérit même l'épouse de celui-ci. Si sa bienveillance est gratuite, elle est dans de nombreux cas expliquée par un fort lien affectif : c'est ainsi que plusieurs personnages sont sauvés par l'intervention de leur mère défunte — Dave, pris dans un orage dans Un défi à la mort, est prévenu d'un coup de foudre et miraculeusement tiré de sous une grosse branche ; Debbie, victime d'un accident de voiture, en réchappe grâce à Richard, prévenu de la Valeur du temps quand il était enfant par des communications avec la mère de Debbie, elle-même en train de mourir après un accident — voire leur belle-mère (heureux mortels !), comme le Braconnier, dont la femme est soudain possédée par l'esprit de sa mère, voyante suédoise défunte. Patricia Squires est bien consciente elle-même de l'originalité de sa conception des fantômes : « Lorsqu'on lit des histoires de revenants, on s'attend à des actions diaboliques se déroulant dans l'obscurité. Il est indubitable que certains aspects du monde occulte sont susceptibles d'effrayer, mais l'enquête que j'ai eu l'occasion de faire démontre clairement qu'il y a beaucoup plus de bonnes choses que de mauvaises à mettre au crédit des esprits » (p. 219).
     On remarque dans cette phrase le terme « enquête ». C'est là une autre originalité de ce livre : il ne s'agit pas de fiction mais de récits véridiques (l'éditeur prudent met l'adjectif entre guillemets) que l'auteur s'est contenté de glaner auprès des habitants du Sussex. Qu'en ressort-il ? D'abord un certain nombre de détails matériels, qui se retrouvent dans plusieurs des apparitions, et sont résumés page 229 : « refroidissement de l'atmosphère », « migraines et autres désagréments », et angoisse extrême, auxquels les bêtes sont incapables de résister (des lapins crèvent au passage du fermier fantôme page 91 ; Lassie, chienne de Maurice Steed, meurt de terreur page 242, au passage d'un revenant pourtant sans méchanceté, la mère de son maître). Ensuite, une idée générale sur la nature et l'importance de ces phénomènes : « Enquêter sur ce qui se passe après la mort relève du domaine de l'impossible, mais les derniers moments d'un homme peuvent nous fournir de précieux renseignements quand, parfois, le moribond possède une double vue : l'une sur la vie qu'il quitte et l'autre sur le monde dans lequel il va pénétrer » (p. 250) ; ainsi Richard découvre, après avoir épousé Debbie, que ses visions prémonitoires de la « dame en blanc » douze ans plus tôt correspondent exactement aux neuf semaines de coma de la mère de Debbie ; et Maurice Steed apprend de son beau-frère qu'aux moments précis où il a constaté de mystérieuses perturbations en lui (angoisse) et même autour de lui (arrêt de l'horloge), sa mère a eu des attaques, et a parlé, en reprenant conscience, de la difficulté de prendre contact avec lui. C'est que les revenants ne sont pas tout — puissants, et leurs manifestations obéissent à certaines règles, mystérieuses, variables avec les circonstances et les individus (« Hériterons-nous tous d'une force aussi redoutable quand nous mourrons ? Certains ne pourront s'en servir qu'au moment de leur mort ; d'autres, en revanche, pourront le faire pendant des centaines, peut- être des milliers d'années après leur mort », p. 250), et différentes, bien entendu des lois naturelles : l'enregistrement au magnétophone que font Ken Terry et sa fiancée des étranges gémissements est perçu par l'un et l'autre, mais fonctionne parfois quand l'appareil est débranché, et s'efface tout seul de la bande quand il a joué son rôle de réunir le bébé et sa mère ; pourtant ces bruits « supranaturels » (selon la traduction de Georges Poppe) ne sont pas pure suggestion, puisque les parents de Fred Charris, à qui il n'a rien dit de son aventure, entendent au cours de la nuit comme lui les Accents d'une polka, et croient qu'il est en train d'écouter un disque. Et puis, outre les perceptions visuelles et auditives, il y a les actions sur les objets (jet de marteau et de scie dans la première histoire, arrêt de l'horloge dans la dernière) qui peuvent être constatées par tous.
     Seulement, nous n'en avons d'autre preuve que le témoignage de Mrs Squires, laquelle à son tour ne fait que transcrire ce qu'on a bien voulu lui raconter : il est donc hors de question qu'un tel recueil de récits « véridiques » persuade quiconque de croire aux revenants. Aussi bien, la plupart des amateurs d'histoires de fantômes les apprécient-ils d'un point de vue purement littéraire, tout de même que les Chroniques martiennes de Bradbury ne perdent rien de leur valeur parce qu'il est prouvé scientifiquement que les conditions de la planète rouge sont incompatibles avec ce qu'il a imaginé. Mais il se trouve que la conviction de Mrs Squires nuit à l'intérêt littéraire de son livre. Certes, elle a un style agréable et efficace, et elle s'est efforcée de présenter les événements de façon vivante et intrigante ; mais l'unité d'action est constamment sacrifiée à la véracité et à la fidélité aux témoignages. Dès la première histoire, la conclusion elle-même détruit la cohérence interne : « D'une manière ou d'une autre cette inscription a peut-être un rapport avec le surnaturel ; peut-être aussi n'en a-t-elle pas » (p. 35). La seconde commence par un paradoxe temporel (la jeune femme parle à son mari comme si elle avait déjà vu son salon saccagé, alors qu'elle est encore à la porte de sa nouvelle maison avec lui) qui n'est ensuite ni expliqué ni exploité. Dans Un défi à la mort le lien n'est nullement évident entre l'éveil de Dave chaque nuit à l'heure fatidique (23 h. 30) et les dangers de l'orage dont sa mère veut le garder. Les Accents d'une polka serait une histoire satisfaisante si l'auteur n'en rompait l'unité en passant de la rencontre du contrebandier et de son chien spectraux par Fred Charris aux mésaventures de l'ouvrier Dennis Pratt dans le cottage où elle s'est produite, jusqu'à ce que Betsy Goiby exorcise les spectres, et en concluant sur diverses autres actions surnaturelles de cette vieille gitane. Il arrive même que l'auteur ôte tout intérêt à l'histoire en refusant de nous en donner la clé, sous prétexte qu'il faut « que les fantômes soient laissés en paix, cette paix qu'ils ont bien méritée » ; c'est ainsi que la femme et le bébé qui, dans la Réunion, pleuraient dans deux maisons proches sans pouvoir se rejoindre, « resteront anonymes à tout jamais, et ce qui s'est passé et a mis fin à leur vie appartient au domaine des secrets du passé » (p. 175).
     Au terme de cette étude, je ne peux donc que reprendre la même conclusion que sur l'Exorciste (FICTION 254) : « A trop tenir à la réalité du conte, on en ternit la vérité. »
 

George W. BARLOW
Première parution : 1/9/1975 dans Fiction 261
Mise en ligne le : 20/1/2015

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