[texte du premier rabat de couverture]

Elle est renarde, peut-être humaine tout à la fois ; il est humain, peut-être renard, autrefois.
Au cœur des forêts sombres des Catskills et dans l’hiver new-yorkais, leurs récits en écho racontent deux vies traversées de pulsions contraires, aimantées l’une vers l’autre : deux âmes jumelles et magiques qui se cherchent en tâtonnant dans l’obscurité. 
Elle : imaginative et perdue, une enfance en lambeaux dans des bouffées de souvenirs qui mêlent le conte et les sensations crues de la vie animale. Lui : si raisonnable, si fiable, self-made-man accompli... dont les nuits d'hiver aiguisent les appétits sauvages. Différents et uniques, incompris ou respectés, imaginatifs et instinctifs tout à la fois : perdus et fascinants, si seuls sans doute, inaccomplis.
Un hymne aux figures mi-humaines mi-animales venues de la nuit des temps.: des porteurs de flambeaux pour affronter nos peurs et assumer nos contradictions. Superbe.

Voix encore inconnue des lettres américaines, Joan Mickelson vit en ermite dans son village des Catskills, et laisse vagabonder sa plume et son imagination libre dans un monde où soufflent les bourrasques. Lumineuse, profonde, organique, cette ode à nos parts sauvages est aussi une célébration de la complétude, qui emporte et fascine. Une magnifique découverte.

Lui, c'est Cristof, créateur d'une entreprise de petits soldats en bois, partant à la retraite après une carrière réussie. Il vit seul dans son bel appartement en face de Central Park, alors qu'une créature mystérieuse semble hanter cet îlot de verdure au cœur de New York, îlot qui attire aussi Cristof. Elle est plus mystérieuse. Sa vie est faite d'orphelinat, de fuites, de rencontres imprévues, mais aussi d'attirance pour la nature.

Premier roman de son autrice qui se traduit elle-même (existe-t-elle vraiment ou est-elle le pseudonyme d'une autre plume à l'instar de Wayne Barrow ou d'Emmanuel Werner ?), Sauvage est d'abord un roman à la structure originale, divisée en deux parties tête-bêche (comme le très bon GiG de James Lovegrove), chaque partie étant consacrée à un personnage et rejoignant l'autre à la fin.

Mais il ne faut pas s'arrêter là : Sauvage est aussi un roman sur le retour à la nature, à l'état sauvage, sur un possible rejet de la civilisation urbaine et de ses excès, représentés ici par un animateur télé sans scrupule. C'est aussi un récit sur le mythe américain, avec d'un côté ce chef d'entreprise parti de rien, déboussolé par l'arrivée de la retraite, dont la vie est ainsi vidée de sa substance, et de l'autre cette femme marginale, représentante de l'autre Amérique, celle de la précarité mais aussi de la contre-culture, présente ici par sa rencontre avec une Patti Smith fuyant la célébrité.

Doté d'une écriture fine, traçant de beaux portraits de ses personnages, Sauvage est une grande réussite qui utilise le fantastique pour nous parler des États-Unis, de leurs limites et de la perte de lien entre le pays et son territoire. Un dernier mot en forme de conseil de lecture : le roman garde certainement plus son mystère en commençant par « lui » que par « elle ». Vous savez donc ce qu'il vous reste à faire.

René-Marc DOLHEN
Première parution : 11/2/2025 nooSFere