Voici un livre fabriqué pour se trouver dans la liste des best-sellers de l'été : un sujet passionnant, une écriture à l'américaine, un titre qui retient l'attention.
L'auteur, Philippe Nicolas, est le directeur de la grande agence de publicité le Bélier et par le biais d'un roman de SF il nous livre ses réflexions sur le pouvoir, la violence, la manipulation par les média : en 2084, sous un gouvernement mondial répugnant à exercer toute autorité, dans un univers qui estime que l'atomisation de la société, organisée en villages plutôt qu'en mégapoles, constitue le moyen le plus efficace de lutter contre toute forme de pouvoir, la violence urbaine est le cancer de cette civilisation. Elle fait le jeu de sectes visant à dominer le monde. Red Ascolinn, un milliardaire, décide, après avoir été agressé par une bande de jeunes à peine âgé de sept ans, de réagir par la publicité, laquelle est parvenue à un extrême niveau de sophistication. Mais si le milliardaire emploie sans vergogne la manipulation des masses, il semblerait qu'il soit manipulé à son tour.
Le problème du statut du réel est rapidement posé, le pouvoir des médias critiqué ; on devine que la vision de ce sombre futur est le fruit d'une longue expérience, d'une solide réflexion et de quelques lectures judicieuses. Dommage que l'auteur n'ait pas pris le temps d'écrire un livre plus achevé, plus travaillé. La précipitation est d'abord évidente, pour l'éditeur, au niveau des coquilles : Kamakura, nom d'un personnage, devient Kamukura p. 62, Kamkyra p. 64 et Kamkura p. 65 ! A-t-on relu les épreuves ?
L'écriture semble également bâclée, ce qui nuit à l'évocation de cet univers qui, autrement, ne manquerait pas d'ampleur. Les descriptions hâtives ne plantent le décor qu'avec imprécision et le manque d'épaisseur psychologique des nombreux protagonistes nuit à leur crédibilité. Tout ceci rend le récit quelque peu confus, ce qui est vraiment dommage, car le propos de Philippe Nicolas ne manque pas d'intérêt, le sujet et l'intrigue ont de quoi passionner et le récit est truffé de petites trouvailles originales.
Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/10/1985 dans Fiction 367
Mise en ligne le : 15/3/2005