Avec l'été arrive la fournée des romans dits détente, ceux qu'on emmène à la plage pour paresser au soleil et qui ne nécessitent pas plus d'un neurone endormi pour suivre l'intrigue. Et pas de doute, la série Jamais deux sans trois appartient au peloton de tête. Aucune entourloupe, le thème principal est affiché dès le nom du cycle, et pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, le titre de chaque tome représente une addition de trois prénoms faisant référence à un trio amoureux.
Le premier opus, Naomi + Ethan + Javier, raconte la rencontre explosive puis la mise en ménage d'une jeune métamorphe louve d'avec ses deux âmes sœurs, un ours kodiak et un jaguar. Expert-comptable, appartenant à une fratrie très bagarreuse, Naomi n'aspire qu'à trouver un compagnon intelligent et d'humeur pondéré — un humain, joueur d'échecs si possible — pour échapper au chaos qui l'entoure depuis l'enfance. Manque de chance, le destin lui accorde deux âmes sœurs métamorphes au tempérament batailleur, sportifs professionnels de surcroît. Il va sans dire que, malgré tous les efforts de ces messieurs et de sa propre famille, la belle va tout tenter pour repousser l'inéluctable.
Bon, soyons honnêtes, cette série trouve bien plus sa place au rayon romance qu'au rayon bit-lit. La proportion de surnaturel est réduite à la portion congrue, soit uniquement la nature métamorphe des personnages et, pourquoi pas, cette improbable notion d'âmes sœurs multiples. Au-delà de l'espèce à laquelle appartiennent nos héros, le récit se résume à une affaire de séduction entre trois individus. Les lecteurs allergiques à la romance ne seront pas à la fête, surtout si les scènes de sexe les dérangent. Si vous appartenez à cette catégorie, abstenez-vous !
Pour les plus téméraires, une petite mise en garde s'impose, ce titre — et vraisemblablement les suivants — trouve parfaitement sa place dans le rayonnage spécialisé de la romance dite épicée ou érotique qui devient très en vogue ses derniers temps en France. Ce type de littérature propose des sujets et des scènes beaucoup plus osés que les récits habituels du genre et possède généralement sa propre collection chez les éditeurs de format poche, telles que Romantica chez Milady, Spicy chez Harlequin, ou encore Passion intense chez J'ai lu. De fait, si les écrivains classés bit-lit imaginent des héroïnes modernes, à l'aise dans leur vie amoureuse, nous sommes tout de même, ici, un cran au-dessus dans la libération des mœurs, et ce, même si les dernières aventures d'Anita Blake de Laurell H. Hamilton ont ouvert la voie. Un conseil donc, en littérature, comme avec la télévision, il faut parfois éviter de laisser trainer certains titres à la portée des plus jeunes...
Au-delà des scènes de sexe un peu trop abondantes au regard du reste du scénario, ce qui handicape principalement le récit tient plus au langage cru dont les auteurs anglo-saxons affublent ces derniers temps leurs personnages — censé visiblement pimenter les parties de jambes en l'air — et à la pauvreté de leur vocabulaire à la fois dans les descriptions et dans le feu de l'action. Soyons réalistes, le sexe en littérature gagne sa touche d'érotisme avec la qualité de la plume et non avec l'exhaustivité des détails, or Eve Langlais ne joue pas dans cette catégorie. Il est juste dommage que celle-ci estime devoir miser sur l'outrance des sensations — qui tombe franchement dans le domaine du surnaturel, si ce n'est dans celui de la pathologie médicale — et la multiplicité des pratiques pour donner un effet sensuel à l'ensemble alors que cela accentue plutôt l'aspect paillard et facétieux des situations. Nos deux héros, dans un bel élan de solidarité masculine, s'unissent et mettent tout en œuvre pour séduire leur compagne dans une ambiance plutôt joyeuse et bon enfant, mais — il faut bien le constater — sans raffinement. Ainsi, malgré des personnages aux caractères un brin caricaturaux et un petit côté édition pour les nuls spéciale films X, le récit laisse à penser que ce trio est bien dans sa peau et à l'aise dans ses baskets, même si les lecteurs auraient gagné à ce que notre ménage à trois s'adonne un peu plus au badinage amoureux qu'à l'exercice physique...
Si l'intrigue demeure assez basique et la situation finale connue de tous — on se doute bien que la belle succombera à ses deux compagnons — , l'ensemble est, soyons tout de même indulgent, gentiment sympathique et sans prétention. Bref, à réserver à un public d'amateurs avertis et sans a priori.
Nathalie TELL
Première parution : 22/7/2013 nooSFere