Les légendes de la Table Ronde font partie intégrante de l'héritage culturel occidental et revêtent une importance toute particulière en Grande-Bretagne où elles sont nées. Aux sources médiévales de la geste arthurienne — Triades, Mabinogion, Geoffroi de Monmouth, Chrétien de Troyes, Thomas Malory — refondues dans le poème épique de Tennyson qui a réconcilié le chevalier intemporel d'un Moyen Age idéalisé et le gentleman victorien, se sont ajoutées au XXe siècle les œuvres de toute une pléiade de romanciers modernes, soucieux de retrouver le vrai Arthur.
Dans cet ouvrage, Marc Rolland s'est intéressé à quelques romanciers qui, dans les années 60 et 70 ont révolutionné le corpus, forgeant un genre nouveau, roman historique, certes, mais témoignant souvent d'une consanguinité manifeste avec la fantasy voire même avec certaines formes de la S-F. Ces auteurs œuvrent à jongler entre des paradoxes apparents, surtout celui de concilier le merveilleux et l'exactitude historique, car le roi Arthur apparaît le plus souvent comme un « Prince du Vè siècle », dernier défenseur de l'empire romain. Celte ou Romain, chef de bande ou Roi du Sacrifice, l'identité d'Arthur se décline dans la multiplicité, faisant de la Matière de Bretagne, sans cesse renouvelée, une littérature vivante, populaire, capable de témoigner aussi bien de la nostalgie d'un âge d'or que des grandes angoisses de notre temps. Et si loin, d'appauvrir la légende, la nouvelle Matière de Bretagne, par son souci extrême d'historicité et sa thématique en plume avec les grandes créations littéraires et cinématographiques du présent, ne faisait que retrouver son rôle d'origine, opérer cette « sortie du temps » qui nous soustrait au quotidien et nous plonge dans le temps du mythe ?
Marc Rolland est maître de conférences en études anglophones à l'université du Maine.