Le chef d'enquête Fergaut se voit confier une enquête sur un crime à l'image du monde dans lequel il vit : absurde de violence, sans queue ni tête, sans mobile apparent et de plus en plus chaotique au fur et à mesure de ses découvertes. Nous sommes en 2050, trois guerres nucléaires successives ont ravagé notre planète et notre société. La Terre est livrée aux grandes Firmes qui servent à la fois à créer un semblant d'économie et à faire régner le plus invraisemblable chaos social. Plus vraiment de lois pour encadrer le marché, sauf celle du profit maximum. Tout est vendable, des denrées de base au poisson irradié en passant par les safaris en pays en guerre et toutes les drogues imaginables. Ceux qui ont le plus de chances de s'en sortir feraient passer nos criminels actuels pour des enfants de chœur et nos grandes entreprises pour des associations caritatives. Evidemment, il existe une sorte de gouvernement et d'autorité dont l'émanation la plus représentative est l'agence R.I.O.T. (l'agence Régionale d'Investigation d'Ordre et de Tranquillité), dont Fergaut fait partie. Lui et l'enquêteur adjoint Hanson sont donc censés trouver le coupable — ou le commanditaire ? — d'un véritable carnage perpétré au cours d'un mariage, du travail de pro, et méthodique : plus de cent personnes massacrées en quelques minutes et achevées à la baïonnette. Aucun indice, mais il faut des résultats, et vite...
L'intrigue proposée par Franck Michel est plutôt intéressante dans sa construction volontairement emmêlée, qui nous ballotte à travers le temps et l'espace. Au fil des chapitres, nous vivons l'histoire des différents protagonistes, alternativement, jusqu'à la conclusion où, comme dans un épisode de Colombo, toute l'affaire est expliquée et détaillée, sans doute pour être sûr que le lecteur a bien tout compris. Explication de texte pas forcément inutile car, bien qu'il ne soit pas très difficile d'appréhender le contexte, comprendre les tenants et les aboutissants de l'intrigue ainsi que les motifs des différents protagonistes n'est pas franchement évident.
Autant la trame est tout à fait intéressante, autant son exploitation est parfois erratique. Certains éléments sont parfaitement traités avec ce qu'il faut d'indices, alors que d'autres relèvent du parachutage pur et simple ou sont complètement occultés. L'auteur s'est sûrement aussi compliqué la tâche en se positionnant dans un univers post-apocalyptique lointain — comparez la technologie de 1950 à celle d'aujourd'hui — qui aurait demandé un traitement plus explicite d'éléments qui font ici figure d'incohérences notoires. Ainsi, par exemple, il est difficile de comprendre que le réseau internet et le système boursier soient complètement opérationnels après des guerres nucléaires successives. Nul doute que le même récit placé dans un contexte plus restreint (un pays en sortie de guerre) et plus actuel aurait nettement mieux fonctionné, gagnant ainsi en crédibilité. Dernier détail qui ne sert pas le livre — même s'il est vite excusé dans le cadre d'une auto-édition : la présence fréquente de coquilles et d'erreurs de ponctuation.
Reste qu'après son recueil de nouvelles prometteur (
L'ordre des choses) Franck Michel nous livre un premier court roman de bonne tenue, malgré les quelques imperfections qu'on peut y relever. A conseiller plutôt aux amateurs d'enquêtes militaro-policières musclées qu'aux fans de SF pure.
Fabrice FAUCONNIER (lui écrire)
Première parution : 1/10/2003 nooSFere