Tout a commencé un petit matin. Deux policiers ont cogné à ma porte et m'ont présenté un mandat d'amener. Il est des mots mille fois lus, mille fois entendus, dont on mesure mal les contours et les menaces quand ils s'adressent à vous.

     À partir de ce moment-là chacun de mes gestes, chacune de mes paroles allaient compter.

     Ils m'ont entraîné dans une cave, luxueuse et impersonnelle, aux murs plaqués de faïence blanche tel un métro originel, décor futuriste et oppressant.

     Là l'interrogatoire a commencé. Curieux interrogatoire face à une curieuse machine – ils l'appelaient Phébus.

     Une collection pour promouvoir la longue nouvelle. C'est une bonne idée à la Balland, ça. Surtout lorsqu'on y découvre de la SF. Avec Walter Lewino, il fallait s'y attendre : n'a-t-il pas donné, il y a quelques années, l'un des meilleurs romans post-atomiques. L'heure, chez Losfeld, bientôt réédité ?

     Ce petit livre-là est moins ambitieux mais tout aussi intéressant : c'est un fait-divers poussé à son extrême limite qui débouche sur un mauvais rêve de SF politique, une fable à l'absurde bien kafkaïen et une dénonciation virulente.

     Bernard Cotte se fait embarquer, un matin, par deux flics en civil, dans la plus stricte illégalité, pour être emprisonné pendant plusieurs jours sous Notre-Darne, dans un lieu ultrasecret, à la merci d'un commissaire fanatique d'ordinateurs.

     Il n'a rien à se reprocher, mais tombe peu à peu dans la paranoïa criminelle : force est de constater que la police peut faire avouer n'importe quoi à n'importe qui à coups de passages à tabac, de tortures psychologiques et d'isolation sensorielle. Cotte n'avoue rien, ça ne l'empêche pas d'être broyé par cette « nouvelle police », cette « perfection concentrationnaire » où le règlement est affiché derrière la porte de chaque cellule « comme dans les bons hôtels », avec une musique douce en fond sonore. La répression à visage humain, en quelque sorte.

     Et Walter Lewino de prophétiser non sans raison qu'on a un peu trop tendance à oublier le vrai danger, l'ordinateur et l'informatique ¹, utilisés par la police moderne pour mettre tout le monde en fiches et en liberté surveillée. Les récents sabotages de Toulouse prouvent que le cri d'alarme de Lewino a été entendu. Une fois encore, la SF aura servi à quelque chose !